Analyse
Interventions non pharmacologiques pour une amélioration de la qualité du sommeil chez les personnes âgées
25 10 2024
Professions de santé
Ergothérapeute, Infirmier, Kinésithérapeute, Médecin généraliste, PsychologueContexte
On estime que 40 à 70% de la population âgée souffre de troubles du sommeil ; avec le vieillissement de la population, ce chiffre ne fera qu’augmenter en valeur absolue (1). Les problèmes de sommeil ont un impact significatif sur le bien-être physique (2) et psychosocial des personnes âgées (3). Les interventions pharmacologiques sont souvent associées à des effets indésirables, tels que la dépendance et la tolérance, la confusion nocturne, les chutes et l’impact négatif sur les fonctions cognitives avec les benzodiazépines (4). Les interventions non pharmacologiques constituent donc une alternative sûre et abordable pour le traitement des troubles du sommeil chez les personnes âgées (4). Plusieurs synthèses méthodiques ont déjà montré que les interventions non pharmacologiques amélioraient la qualité du sommeil chez les personnes âgées (5-8). Minerva a traité d’une méta-analyse en réseau par composantes qui montrait l’efficacité de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) chez les adultes souffrant d’insomnie chronique (9,10). Cependant, on ne sait toujours pas quelles interventions non pharmacologiques sont les plus efficaces pour améliorer la qualité du sommeil chez les personnes âgées ayant ou non des problèmes de sommeil (11).
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse en réseau.
Sources consultées
- PubMed, Embase, Web of Science, le registre Cochrane des essais contrôlés (Cochrane Central Register of Controlled Trials), l’Index cumulatif de la littérature sur les soins infirmiers et les professions paramédicales (Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature), la base de données de l’Infrastructure nationale de la connaissance de Chine (China National Knowledge Infrastructure), les bases de données Wan Fang (jusqu’au 7 mars 2023)
- listes de références des études incluses
- uniquement des publications en anglais ou en chinois.
Études sélectionnées
- critères d’inclusion :
- Population : adultes ≥ 60 ans avec ou sans problèmes de sommeil
- Intervention : au moins un type d’intervention non pharmacologique
- Contrôle : intervention inactive (placebo, traitement factice, absence de traitement, liste d’attente, traitement habituel) ou traitement actif
- Outcome (résultat) : mesure de la qualité du sommeil à l’aide d’un questionnaire validé tel que l’Index de qualité du sommeil de Pittsburg (Pittsburgh Sleep Quality Index), l’Index de sévérité de l’insomnie (Insomnia Severity Index), l’échelle de somnolence d’Epworth (Epworth Sleepiness Scale)
- Design (type d’étude) : uniquement des études randomisées contrôlées (RCTs)
- critères d’exclusion : texte intégral de l’article non disponible, publications qui se chevauchent et doublons
- finalement, inclusion de 71 RCTs portant au total sur neuf interventions différentes : thérapie par le mouvement (N = 32), acupuncture ou massothérapie (N = 13), thérapie cognitivo-comportementale (TCC) (N = 9), thérapie par la pleine conscience (N = 5), hygiène du sommeil (N = 5), musicothérapie (N = 4), thérapie par la relaxation (N = 4), combinaison de ≥ 2 interventions non pharmacologiques (N = 4) et éducation par du personnel infirmier (N = 2) ; la période d’intervention variait de 3 semaines à 30 mois.
Population étudiée
- finalement, inclusion de 7829 participants (12 à 1635 par étude), l’âge moyen variant de 60 à 80,59 ans.
Mesure des résultats
- différence moyenne standardisée (DMS avec IC à 95%) pour l’amélioration de la qualité du sommeil entre une intervention non pharmacologique et un groupe témoin
- méta-analyses par paires suivant le modèle à effets aléatoires
- analyse en réseau suivant le modèle à effets aléatoires
- surface sous la courbe de classement cumulatif (Surface Under the Cumulative Ranking-curve, SUCRA).
Résultats
- l’amélioration de la qualité du sommeil était plus importante, et ce de manière statistiquement significative, avec la thérapie par l’exercice, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et l’acupuncture ou la massothérapie, par comparaison avec un groupe témoin (voir tableau 1)
- la thérapie par le mouvement, la TCC, l’acupuncture ou la massothérapie, la thérapie par la relaxation, l’hygiène du sommeil et une combinaison d’interventions non pharmacologiques ont amélioré la qualité du sommeil, par comparaison avec les soins habituels ; par rapport à un traitement factice, la TCC, l’acupuncture ou la massothérapie et une combinaison d’interventions non pharmacologiques ont amélioré la qualité du sommeil (voir tableau 2) ; pas de différence d’efficacité statistiquement significative entre les interventions actives
- une combinaison d’interventions non pharmacologiques, d’hygiène du sommeil et de thérapie cognitivo-comportementale a donné les SUCRA les plus importantes, soit respectivement 77,5%, 75,5% et 73,7%.
Tableau 1. Différence moyenne standardisée (DMS avec IC à 95%) pour l’amélioration de la qualité du sommeil entre différentes formes de traitement non pharmacologique en comparaison directe avec un groupe témoin (avec nombre d’études N et hétérogénéité statistique I²).
|
N |
DMS (IC à 95 %) |
I² |
Thérapie par le mouvement |
32 |
-0,69 (-0,92 à -0,64) |
90,2% |
TCC |
9 |
-1,26 (-1,84 à -0,68) |
94,4% |
Thérapie par la pleine conscience |
5 |
-0,78 (-1,60 à 0,05) |
95,5% |
Acupuncture ou massothérapie* |
13 |
-0,81 (-1,26 à -0,35) |
90,4% |
Thérapie par la relaxation |
4 |
-0,64 (-1,38 à 0,11) |
90,0% |
Hygiène du sommeil |
5 |
-0,60 (-1,95 à 0,75) |
97,2% |
Combinaison d’interventions non pharmacologiques |
4 |
-1,18 (-2,53 à 0,18) |
95,8% |
* = Surtout acupression
Tableau 2. Différence moyenne standardisée (DMS avec IC à 95%) pour l’amélioration de la qualité du sommeil entre différentes formes de traitement non pharmacologique en comparaison indirecte avec les soins habituels ou avec un traitement factice.
|
Prise en charge classique |
Traitement factice |
Thérapie par le mouvement |
-0,80 (-1,19 à -0,42) |
NS |
TCC |
-1,25 (-1,93 à -0,57) |
-1,27 (-2,49 à -0,06) |
Thérapie par la pleine conscience |
NS |
NS |
Musicothérapie |
NS |
NS |
Acupuncture ou massothérapie |
-0,91 (-1,69 à -0,14) |
-0,94 (-1,73 à -0,15) |
Éducation par du personnel infirmier |
NS |
NS |
Thérapie par la relaxation |
-1,30 (-2,51 à -0,08) |
NS |
Hygiène du sommeil |
-1,34 (-2,50 à -0,18) |
NS |
Combinaison d’interventions non pharmacologiques |
-1,40 (-2,49 à -0,30) |
-1,42 (-2,82 à -0,03) |
NS : non significatif
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que des interventions non pharmacologiques peuvent améliorer la qualité du sommeil chez les personnes âgées. À l’avenir, les prestataires de soins peuvent donc promouvoir, chez les personnes âgées, des interventions non pharmacologiques pour améliorer la qualité du sommeil ainsi que la santé physique et mentale qui y est associée.
Financement de l’étude
Cette étude a été financée par le National Natural Science Foundation of China.
Conflits d’intérêt des auteurs
Tous les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêt.
Discussion
Évaluation de la méthodologie
Cette synthèse méthodique a été réalisée sur la base d’un protocole enregistré au préalable dans la base de données PROSPERO, et le rapport a été élaboré selon les directives PRISMA. Les chercheurs ont effectué une recherche approfondie dans plusieurs bases de données et en utilisant un large éventail de mots-clés (termes de recherche). Les suppléments à l’article énumèrent les mots-clés utilisés, et l’on y trouve aussi une définition claire des différentes interventions non pharmacologiques étudiées. Deux chercheurs, indépendamment l’un de l’autre, ont examiné les titres et les résumés des articles trouvés. En cas de désaccord concernant l’inclusion, ils ont cherché à dégager un consensus ou ont fait appel à un troisième chercheur. Le risque de biais des études incluses a également été estimé par deux chercheurs indépendants à l’aide de l’outil de la Cochrane Collaboration pour évaluer le risque de biais (Risk of Bias, RoB-2). La plupart des études (60%) présentaient un risque de biais modéré. Seulement 1,4% des études incluses présentaient un risque de biais globalement élevé, défini comme un risque élevé pour au moins un domaine (ce qui n’était le cas que pour une seule étude en raison de l’absence de données sur les résultats) ou un risque indéterminé pour plusieurs domaines. Dans 37% des études, il n’y a pas eu préservation du secret de l’attribution, et, dans 12,7% des études, l’intervention n’a pas été réalisée en aveugle. Il s’agissait principalement d’études portant sur la thérapie par l’exercice, l’acupuncture et la massothérapie. Une analyse de sensibilité excluant les études présentant un risque de biais élevé n’a toutefois pas modifié le résultat de la méta-analyse en réseau. Un funnel plot a cependant montré un risque de biais de publication. Toutes les études incluses ont utilisé des questionnaires d’auto-évaluation pour mesurer la qualité du sommeil. Bien qu’ils étaient tous validés, un biais de conformité sociale reste possible, certainement s’il n’y a pas eu préservation du secret de l’attribution et mise en aveugle. Il aurait été intéressant de mesurer également la qualité du sommeil à l’aide d’instruments plus objectifs. On ne sait pas non plus à quel moment la qualité du sommeil a été mesurée après l’intervention. Cela explique peut-être en partie le degré élevé d’hétérogénéité statistique (I² > 90%) pour toutes les comparaisons directes.
Évaluation des résultats
Malgré la stratégie de recherche étendue, le nombre de RCTs était limité, et, en raison d’un manque de données, il n’a pas été possible d’évaluer l’effet de certaines interventions non pharmacologiques (telles que la luminothérapie et l’aromathérapie) sur la qualité du sommeil. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) a amélioré la qualité du sommeil dans les comparaisons directes et indirectes avec un groupe témoin. Bien que la TCC était définie dans le supplément (à savoir identification et modification des pensées qui interfèrent avec le sommeil), on ne sait pas quels éléments de traitement spécifiques la TCC impliquait selon l’étude incluse. Une analyse de Minerva a déjà traité de l’efficacité de plusieurs composantes individuelles de la TCC (9,10). Il a été montré que la restructuration cognitive, la pleine conscience et la thérapie d’acceptation et d’engagement, la restriction du sommeil, le contrôle des stimuli et les modalités de traitement en face à face étaient les composantes les plus efficaces de la thérapie cognitivo-comportementale pour le traitement de l’insomnie chronique chez l’adulte. Nous avons également souligné qu’un grand nombre de ces composantes se chevauchaient, ce qui est probablement aussi le cas dans cette étude-ci (par exemple, la TCC et l’éducation). Outre la TCC, nous devons également tenir compte de l’hétérogénéité clinique des autres interventions pour interpréter les résultats. Quant aux groupes témoins, ils comprennent à la fois des groupes témoins actifs et inactifs, et il n’est pas mentionné dans quelle mesure les soins habituels comprenaient, par exemple, un traitement médicamenteux. Il y a également une hétérogénéité importante en termes de participants : des personnes âgées de 60 ans et plus avec ou sans problème de sommeil. Les auteurs ne font pas non plus état des comorbidités, de la prise de médicaments ou du contexte dans lequel l’intervention s’est déroulée (personnes âgées qui vivaient à domicile, qui étaient hospitalisées ou qui résidaient dans une maison de repos et de soins). Il est donc difficile d’estimer si les résultats sont extrapolables.
Les SUCRA indiquent qu’à côté de la TCC, l’hygiène du sommeil et une combinaison d’interventions non pharmacologiques semblent avoir la plus forte probabilité de figurer parmi les « meilleurs » traitements. Bien qu’aucune incohérence significative n’ait été constatée entre les comparaisons directes et indirectes, ce résultat doit être abordé avec prudence en raison de l’importante hétérogénéité statistique et clinique (12). On notera aussi que, pour l’hygiène du sommeil et une combinaison d’interventions non pharmacologiques, aucune différence statistiquement significative n’a été mise en évidence dans les comparaisons directes regroupées (12).
Enfin, il faut souligner que les auteurs ne précisent pas la pertinence clinique des résultats obtenus. Par conséquent, nous ne savons pas combien de personnes connaîtront une amélioration cliniquement pertinente avec un traitement non pharmacologique spécifique.
Que disent les guides de pratique clinique ?
Une approche progressive est recommandée dans le guide de pratique clinique sur la prise en charge des problèmes de sommeil et de l’insomnie chez l’adulte en première ligne, qui a été élaboré par le groupe de travail pour le développement des guides de pratique clinique destinés à la première ligne (Werkgroep Ontwikkeling Richtlijnen Eerste Lijn, WOREL) (13). Dans un premier temps, il est recommandé de tenir un journal du sommeil, suivi d’une psychoéducation concernant l’hygiène du sommeil, et complété, si nécessaire, par des techniques de relaxation, des techniques cognitives, le contrôle des stimulus, la restriction du sommeil et la thérapie par le mouvement. Chez les personnes âgées, on doit tenir compte des capacités cognitives et physiques, ainsi que de l’expertise des soignants dans différents contextes (13).
Le formulaire de soins aux personnes âgées concernant les troubles du sommeil, rédigé par le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP) (14), recommande également d’opter pour des conseils d’hygiène du sommeil, la relaxation, la pleine conscience et/ou la thérapie cognitivo-comportementale (contrôle des stimulus, restriction du sommeil et thérapie cognitive) en tant qu’approche non médicamenteuse. En outre, l’utilisation de somnifères n’est pas recommandée.
Conclusion de Minerva
Cette revue systématique avec méta-analyse en réseau montre que les interventions non pharmacologiques, telles que la thérapie par le mouvement, la thérapie cognitivo-comportementale et l’acupuncture ou la massothérapie, peuvent améliorer la qualité du sommeil chez les personnes âgées. La méta-analyse en réseau a révélé qu’une combinaison d’interventions non pharmacologiques semblait être la plus efficace, mais l’importante hétérogénéité clinique et statistique rend difficile l’évaluation de la fiabilité de ce résultat. L’hétérogénéité clinique et le manque de clarté quant à la pertinence clinique des résultats obtenus compliquent également la transposition dans la pratique clinique.
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Auteurs
Raemdock E.
klinisch psycholoog
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
Code
G47
P06
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