Revue d'Evidence-Based Medicine



L’assainissement du domicile est-il efficace pour les enfants asthmatiques?



Minerva 2006 Volume 5 Numéro 3 Page 36 - 38

Professions de santé


Analyse de
Morgan WJ, Crain EF, Gruchalla RS et al. Results of a home-based environmental intervention among urban children with asthma. N Engl J Med 2004;351:1068-80.


Question clinique
Quelle est l’efficacité de mesures d’assainissement multifactoriel de l’habitation pour des enfants asthmatiques vivant en ville?


Conclusion
Cette étude montre que, chez des enfants présentant un asthme modérément sévère, un assainissement multifactoriel de la maison, consistant en une information sur l’exposition à des allergènes (acariens des poussières, animaux domestiques, etc.) et sur la pollution de l’air de la maison (tabagisme passif), associée à une diminution d’exposition, peut réduire les symptômes asthmatiques. La faisabilité à long terme et l’efficacité par rapport au coût d’une telle approche ne sont cependant pas encore montrées. Cette étude insiste clairement sur l’importance de mesures préventives. La prise en charge de l’asthme allergique modérément sévère dans l’enfance consiste, par conséquent, en un traitement chronique adapté avec des corticostéroïdes inhalés associé à des mesures préventives telles que l’assainissement vis-à-vis d’allergènes spécifiques et l’écartement de facteurs irritants aspécifiques tels que la fumée de cigarettes.


 

Résumé

Contexte

Les enfants qui présentent un asthme allergique sont souvent exposés à des allergènes et à la fumée du tabac dans l’habitation. Plusieurs études ont montré que des mesures permettant d’éviter l’exposition à un seul allergène (par exemple les acariens des poussières) sont difficiles à mettre en œuvre et permettent rarement de diminuer la morbidité.

Population étudiée

Dans sept villes du Nord de l’Amérique, 1 059 enfants âgés de 5 à 11 ans présentant un asthme modéré à sévère et résidant dans un environnement défavorisé ont été recrutés. Les autres critères d’inclusion sont: au moins une hospitalisation motivée par l’asthme dans l’année écoulée et la positivité d’au moins un test cutané pour un allergène domestique. Les critères d’exclusion sont: une hospitalisation motivée par l’asthme dans les trois semaines précédentes, présence d’une autre maladie chronique. Finalement 937 enfants d’un âge moyen de 7,7 ans (de 5 à 11) sont inclus dans l’étude. Durant les deux semaines précédant la randomisation, ils présentent des symptômes en moyenne pendant six jours, un VEMS (volume expiratoire maximal par seconde) moyen de 88%, 85% ont recours à des β2-mimétiques et 64% à des traitements anti-inflammatoires. Les tests cutanés sont positifs dans environ 68% des cas pour les blattes, 63% pour les acariens, 50% pour les moisissures. Des allergènes de blattes et d’acariens des poussières sont identifiés dans respectivement 68% et 84% des chambres à coucher. Dans environ la moitié des familles concernées, il y a au moins un fumeur au domicile.

Protocole d’étude

Cette étude randomisée, contrôlée, répartit les enfants soit dans un groupe intervention (n=469) soit dans un groupe contrôle (n=468). Les familles des enfants du groupe intervention reçoivent la visite de deux chercheurs cinq à six fois sur un an. Durant ces visites, une information est donnée aux parents concernant le lien entre l’asthme et les allergènes ou la fumée du tabac et les façons d’optimaliser l’environnement de vie de l’enfant. En tenant compte du résultat des tests cutanés et de l’analyse des facteurs d’environnement, l’attention est portée sur l’exposition aux acariens des poussières de maison, au tabagisme passif, aux blattes, aux animaux domestiques, aux rongeurs et aux moisissures. Si nécessaire, leur sont fournis: des housses de matelas et d’oreillers anti-allergiques, un aspirateur, des filtres pour l’air ambiant filtrant les fines particules, une désinfection chimique contre les blattes. Tous les six mois, la présence d’allergènes est réévaluée dans les deux groupes. Une interview par téléphone est réalisée tous les deux mois avec récolte des symptômes asthmatiques et du recours aux médicaments et aux soins médicaux. Une spirométrie est réalisée après douze mois, des mesures de débit expiratoire de pointe sont effectuées deux fois par jour durant les deux semaines précédant le début de l’étude et ensuite tous les six mois.

 

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est le nombre de jours avec des symptômes d’asthme (sibilances, constriction thoracique et/ou toux), le nombre de nuits avec sommeil perturbé par l’asthme et le nombre de jours avec une activité limitée par l’asthme durant les deux semaines précédant le contact téléphonique. L’analyse est faite en intention de traiter.

Résultats

Durant la première année, moins de jours avec symptômes d’asthme sont mentionnés dans le groupe intervention: 3,39 versus 4,20 jours, soit une différence de -0,82 jour; p<0,001. Cette différence persiste durant l’année qui suit (2,62 versus 3,21 jours, soit une différence de -0,60 jour; p<0,001). Il existe également une diminution significative du nombre de jours avec perturbation des activités des parents, du nombre de nuits avec sommeil perturbé pour les parents et pour les enfants et du nombre de jours d’absentéisme scolaire. Le nombre de visites à l’hôpital non programmées n’est diminué que durant l’année d’intervention. Aucune différence n’est observée entre les deux groupes en ce qui concerne la fonction pulmonaire et le débit expiratoire de pointe. Dans le groupe intervention, significativement moins d’allergènes d’acariens des poussières sont observés dans le lit (p<0,001), et moins d’allergènes d’acariens des poussières (p<0,004) et de blattes (p<0,001) sont observés sur le sol de la chambre à coucher. Il n’y a pas de différence en termes de diminution des allergènes suivant la présence ou non de tapis dans la maison. Aucune différence significative n’est notée entre les groupes en ce qui concerne le nombre de fumeurs et d’animaux domestiques. Une corrélation significative est observée entre la diminution des allergènes de blattes et d’acariens des poussières sur le sol de la chambre à coucher et la fréquence des complications de l’asthme (p<0,001).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que, chez des enfants asthmatiques vivant en ville, des mesures multifactorielles d’assainissement diminuent l’exposition aux allergènes domestiques et permettent de diminuer la morbidité liée à l’asthme.

 

Financement

National Institute of Allergy and Infectious Diseases, National Institute of Environmental Health Sciences, National Institutes of Health et National Center for Research Resources.

 

Conflits d’intérêt

Le premier auteur a reçu des dédommagements de Genentech, GlaxoSmithKline, AstraZeneca et Merck pour consultance. D’autres auteurs mentionnent des liens avec GlaxoSmithKline, AstraZeneca et Schering-Plough.

 

DISCUSSION

Considérations sur la méthodologie

Cette étude concerne un nombre important de sujets et est fort précise. Elle comporte cependant un biais important: les familles concernées dans le groupe contrôle ne reçoivent pas de visites aussi fréquentes que dans le groupe intervention. Des contacts plus fréquents ont pu attirer davantage l’attention des parents sur le problème asthmatique de leur enfant et, par ce biais, les inciter à suivre plus étroitement le traitement global de l’asthme (y compris l’administration des médicaments). Cette critique est alimentée par plusieurs arguments. Toutes les données subjectives (symptômes, difficultés à l’effort, symptômes nocturnes…) sont significativement moins enregistrées dans le groupe intervention, tandis que ce n’est pas ou à peine le cas pour les données objectives telles que le nombre de jours d’hospitalisation et les contrôles à la polyclinique non prévus. Les parents qui se sont «échinés» à obtenir un bon assainissement des allergènes dans l’habitation, seront plus enclins à observer une diminution des symptômes objectifs de leur enfant. Les auteurs mentionnent eux-mêmes cette limite dans leur discussion, mais repoussent la critique en argumentant du fait que leurs collaborateurs ne discutaient pas de l’asthme de l’enfant avec les parents du groupe intervention et de l’observation d’une corrélation entre la diminution des allergènes et la réduction des symptômes. Ces deux arguments sont cependant très faibles.

Assainissement multifactoriel

L’idée de ne pas se limiter à un assainissement des allergènes au niveau du sol et du lit, mais de purifier également l’air pour la fumée de cigarettes, pour les allergènes volatils provenant des chats, chiens et moisissures semble originale, permettant ainsi d’obtenir une prévention secondaire plus globale. Warner et collaborateurs ont montré, il y a longtemps déjà, que les enfants asthmatiques présentaient moins de symptômes, avaient moins recours à des médicaments et obtenaient une diminution de l’hyperréactivité bronchique spécifique lors d’un séjour à haute altitude (air pauvre en allergène, sans pollution tabagique ou de l’environnement) 1. De nombreuses études se limitent à l’assainissement d’un seul allergène causal, ce qui aboutit à des résultats controversés, surtout chez des patients sensibles à plusieurs allergènes 2,3. Si le groupe de patients est correctement sélectionné, par exemple uniquement des enfants asthmatiques présentant une allergie isolée aux acariens des poussières, des mesures d’assainissement de ces acariens entraînent un meilleur contrôle des symptômes 4,5. La variabilité quotidienne moyenne du débit expiratoire de pointe (20%) et le VEMS moyen (88%) suggèrent que les groupes évalués présentaient un asthme modéré. Il est étonnant qu’aucune amélioration de ces mesures objectives n’ait été observée dans le groupe intervention, d’autant plus que seuls 47% des enfants ont eu recours à des corticostéroïdes inhalés.

Pour la pratique

La principale conclusion de cette étude est que nous devons, en tant que médecins traitants d’enfants asthmatiques, continuer à poursuivre une prévention secondaire avec opiniâtreté. Cette étape est souvent court-circuitée par la disponibilité de médicaments puissants et nous ne consacrons plus l’énergie nécessaire à une discussion, dévoreuse de temps, des mesures préventives telles que l’assainissement des poussières, le bannissement des animaux domestiques, l’écartement du tabagisme passif. La recommandation de filtres à air HEPA semble aller trop loin: il reste plus logique et moins coûteux d’interdire la présence d’animaux dans la maison et d’y fumer. La question demeure, bien sûr, de la capacité des parents d’adopter une discipline suffisante pour implanter continuellement, jour après jour, ces mesures d’assainissement coûteuses en temps, sans compter les implications financières. Les auteurs font une estimation et constatent que le coût de telles mesures préventives équivaut au montant d’un traitement classique avec un corticostéroïde et un b2-mimétique inhalés. Ils oublient cependant que les mesures préventives ne suffisent pas pour supprimer le recours aux médicaments. Ajoutons que, dans notre pays, les médicaments sont remboursés au contraire des mesures préventives.

 

Recommandations pour la pratique

Cette étude montre que, chez des enfants présentant un asthme modérément sévère, un assainissement multifactoriel de la maison, consistant en une information sur l’exposition à des allergènes (acariens des poussières, animaux domestiques, etc.) et sur la pollution de l’air de la maison (tabagisme passif), associée à une diminution d’exposition, peut réduire les symptômes asthmatiques. La faisabilité à long terme et l’efficacité par rapport au coût d’une telle approche ne sont cependant pas encore montrées. Cette étude insiste clairement sur l’importance de mesures préventives. La prise en charge de l’asthme allergique modérément sévère dans l’enfance consiste, par conséquent, en un traitement chronique adapté avec des corticostéroïdes inhalés associé à des mesures préventives telles que l’assainissement vis-à-vis d’allergènes spécifiques et l’écartement de facteurs irritants aspécifiques tels que la fumée de cigarettes.

La rédaction

 

Références

  1. Warner JO, Bonner AL. Allergy and childhood asthma. Clin Immunol All 1988;5:217-219. Warner JO. Allergy and childhood asthma. Allergy 1988;43 (Suppl 8):45-7.
  2. Woodcock A, Forster L, Matthews E et al. Control of exposure to mite allergen and allergen-impermeable bed covers for adults with asthma. N Eng J Med 2003;349:225-36.
  3. De Baets F. Housse de matelas imperméable aux allergènes des acariens. MinervaF 2005;4(2):28-11.
  4. Carter MC, Perzanowski MS, Raymond A, Platts-Mills TA. Home intervention in the treatment of asthma among inner-city children. J Allergy Clin Immunol 2001;108:732-7.
  5. Htut T, Higenbottam TW, Gill GW et al. Eradication of house dust mite from homes of atopic asthmatic subjects: a double-blind trial. J Allergy Clin Immunol 2001;107:55-60.
 
L’assainissement du domicile est-il efficace pour les enfants asthmatiques?

Auteurs

De Baets F.
Longziekten, infectieziekten en aangeboren immuunstoornissen bij kinderen, UZ Gent
COI :

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