Analyse


Confirmation de l’intérêt de l’algorithme YEARS pour éviter, sans risque majoré, l’imagerie dans le diagnostic initial de l’embolie pulmonaire


15 09 2019

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Kabrhel C, Van Hylckama Vlieg A, Muzikanski A, et al. Multicenter evaluation of the YEARS criteria in emergency department patients evaluated for pulmonary embolism. Acad Emerg Med 2018;25:987 94. DOI: 10.1111/acem.13417


Conclusion
L’étude américaine confirme les résultats de l’étude hollandaise dans une population états-unienne, avec une même réduction (14%) du nombre d’examens d’imagerie prescrits. De plus, en ne considérant qu’un seul des items YEARS – diagnostic alternatif moins probable que l’embolie pulmonaire – item prépondérant, on obtient les mêmes résultats.


Que disent les guides de pratique clinique ?
L’étude est en phase avec les recommandations les plus récentes comme nous l’avons rapporté dans Minerva pour l’étude hollandaise qui proposent, en cas de suspicion d’embolie pulmonaire non massive, le recours en première intention aux scores de prédiction clinique et, en cas de probabilité faible ou intermédiaire, au dosage des D-dimères. L’algorithme YEARS est un raffinement surtout utile pour les cliniciens adeptes du score de Wells. L’efficacité du seul critère « diagnostic alternatif moins probable que l’embolie pulmonaire » réhabilite un certain degré de subjectivité basé sur l’expérience clinique.



La confirmation du diagnostic d’embolie pulmonaire (EP) nécessite le recours à des examens complémentaires sources d’irradiation pour le patient comme l’angiotomodensitométrie thoracique (angioTDM) ou la scintigraphie pulmonaire. Actuellement, les scores cliniques comme les scores de Wells (1) ou de Genève (2) et le dosage des D-dimères sont utilisés pour sélectionner les cas suspects. L’utilisation correcte de ces algorithmes permet d’éviter la prescription de l’angioTDM dans 20 à 30% des cas suspects avec un taux de diagnostic erroné inférieure à 1,5% à 3 mois. En réajustant à l’âge le seuil des D-dimères, on peut encore réduire de plus 10% cette prescription (3) mais cela ne s’avère guère praticable aux urgences.

L’algorithme YEARS incorporant trois variables du score de Wells – des signes cliniques de thrombose veineuse profonde, une hémoptysie et la présomption d’être le diagnostic le plus probable en cas de diagnostic alternatif possible – et le taux de D-dimères indépendamment de l’âge avec un seuil sous 500 mg/dl en présence de critères YEARS et sous 1000 en leur absence (4) a été évalué dans une étude prospective multicentrique en Hollande (5) pour valider une approche simplifiée du diagnostic d’embolie pulmonaire. Ceci s’est avéré permettre, pour le praticien ayant la même perception de la probabilité clinique de l’embolie pulmonaire que les auteurs de l’étude, une réduction absolue significative (14%) du nombre d’angioTDM à réaliser. Cette économie réduit les risques liés à l’irradiation et à l’injection de produits de contraste iodés de cet examen radiologique complémentaire comme récemment commenté dans Minerva (6) .

 

Cette nouvelle étude prospective observationnelle multicentrique (7) a à son tour évalué cet algorithme pour le valider dans une population états-unienne. L’objectif des auteurs n’est pas explicite ; il semble qu’ils aient voulu identifier le nombre de CT évités par cet algorithme versus le score de Wells. Les auteurs ont également évalué si l’item du score de Wells « présomption de diagnostic d’embolie pulmonaire le plus probable en cas de diagnostic alternatif (Are alternative diagnoses less likely than PE?) » permettait à lui seul de fixer le seuil du taux de D-dimères à utiliser.

Un total de 1789 patients éligibles (âge moyen de 48 ans (ET = 16) ; 63% de femmes ; 64% avec un score de faible risque et 36% avec un score intermédiaire ; 53% avec des D-dimères négatifs) a été recruté entre février 2014 et avril 2015 dans 15 services d’urgence ; 381 (soit 22%) n'ont pas pu être joints pour le suivi à 3 mois. Une embolie pulmonaire a été détectée chez 84 patients (4%) au total dont 7 lors du suivi.

La cohorte comprenait 1235 (69%) patients sans item YEARS et 554 (31%) avec au moins un de ces items, dont 403 (73%) avec un diagnostic alternatif moins probable que l’embolie pulmonaire.

L’approche YEARS permet de réduire par rapport à l’utilisation classique du score de Wells le taux de prescription d’imagerie de 14% en absolu (47 à 33%).

Sur base des critères YEARS et du taux de D-dimères, une imagerie aurait été évitée chez 1204 sujets (soit 67% ; avec IC à 95% de 65% à 70%). Au total, 78 des 84 embolies pulmonaires auraient été diagnostiquées, soit 4% des patients (avec IC à 95% de 3% à 5%). 6 embolies auraient été ratées, soit 0,5% des patients sans imagerie (avec IC à 95% de 0,2% à 1,1%) ou 7% de ceux avec une embolie pulmonaire (avec IC à 95% de 3% à 15%).

Si on se base sur le seul item « diagnostic alternatif moins probable que l’embolie pulmonaire » et le taux de D-dimères, une imagerie aurait été évitée chez 1237 (soit 69% ; avec IC à 95% de 67% à 71%). Au total, 78 des 84 embolies pulmonaires auraient également été diagnostiquées, soit 4% des patients (avec IC à 95% de 3% à 5%). Six embolies auraient été ratées, soit 0,5% des patients sans imagerie (avec IC à 95% de 0,2% à 1,1%) ou 7% de ceux avec une embolie pulmonaire (avec IC de 95% de 3% à 15%).

Ces résultats donnent à ces approches diagnostiques le même rapport de vraisemblance négatif : 0,10.

Par rapport à l’étude hollandaise, on note comme différence la requête d’un consentement éclairé écrit et l’absence de connaissance du résultat des D-dimères au moment du calcul du score de Wells.

Cette étude a été sponsorisée par la firme Siemens Healthcare Diagnostics qui n’est pas intervenue dans la réalisation de l’étude mais (?) qui a fourni des subventions à certains des investigateurs.

 

Conclusion 

L’étude américaine confirme les résultats de l’étude hollandaise dans une population états-unienne, avec une même réduction (14%) du nombre d’examens d’imagerie prescrits. De plus, en ne considérant qu’un seul des items YEARS – diagnostic alternatif moins probable que l’embolie pulmonaire – item prépondérant, on obtient les mêmes résultats.

 

Pour la pratique

L’étude est en phase avec les recommandations les plus récentes (8,9) comme nous l’avons rapporté dans Minerva (5,6) pour l’étude hollandaise qui proposent, en cas de suspicion d’embolie pulmonaire non massive, le recours en première intention aux scores de prédiction clinique et, en cas de probabilité faible ou intermédiaire, au dosage des D-dimères. L’algorithme YEARS est un raffinement surtout utile pour les cliniciens adeptes du score de Wells. L’efficacité du seul critère « diagnostic alternatif moins probable que l’embolie pulmonaire » réhabilite un certain degré de subjectivité basé sur l’expérience clinique.

 

 

Références 

  1. Wells PS, Anderson DR, Rodger M, et al. Excluding pulmonary embolism at the bedside without diagnostic imaging: management of patients with suspected pulmonary embolism presenting to the emergency department by using a simple clinical model and d-dimer. Ann Intern Med 2001;135:98-107. DOI: 10.7326/0003-4819-135-2-200107170-00010
  2. Le Gal G, Righini M, Roy PM, et al. Prediction of pulmonary embolism in the emergency department: the revised Geneva score. Ann Intern Med 2006;144:165-71. DOI: 10.7326/0003-4819-144-3-200602070-00004
  3. Righini M, Van Es J, Den Exter PL, et al. Age-adjusted D-dimer cutoff levels to rule out pulmonary embolism: the ADJUST-PE study. JAMA 2014;311:1117-24. DOI: 10.1001/jama.2014.2135
  4. Van Es J, Beenen LF, Douma RA, et al. A simple decision rule including D-dimer to reduce the need for computed tomography scanning in patients with suspected pulmonary embolism. J Thromb Haemost 2015;13:1428-35. DOI: 10.1111/jth.13011
  5. van der Hulle T, Cheung WY, Kooij S, et al; Years study group. Simplified diagnostic management of suspected pulmonary embolism (the YEARS study): a prospective, multicentre, cohort study. Lancet 2017;390:289-97. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)30885-1
  6. Sculier J-P. Algorithme YEARS pour éviter, sans risque majoré, l’angioTDM dans le diagnostic initial de l’embolie pulmonaire ? MinervaF 2018;17(9):113-6.
  7. Kabrhel C, Van Hylckama Vlieg A, Muzikanski A, et al. Multicenter evaluation of the YEARS criteria in emergency department patients evaluated for pulmonary embolism. Acad Emerg Med 2018;25:987-94. DOI: 10.1111/acem.13417
  8. Konstantinides SV, Torbicki A, Agnelli G, et al; Task Force for the Diagnosis and Management of Acute Pulmonary Embolism of the European Society of Cardiology (ESC). 2014 ESC guidelines on the diagnosis and management of acute pulmonary embolism. Eur Heart J 2014;35:3033-69, 3069a-3069k. DOI: 10.1093/eurheartj/ehu283
  9. Raja AS, Greenberg JO, Qaseem A, et al. Evaluation of patients with suspected acute pulmonary embolism: best practice advice from the Clinical Guidelines Committee of the American College of Physicians. Ann Intern Med 2015;163:701-11. DOI: 10.7326/M14-1772

 

 


Auteurs

Sculier J.P.
Institut Jules Bordet; Laboratoire de Médecine Factuelle, Faculté de Médecine, ULB
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