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Minerva étant une revue d'Evidence-Based Medicine promeut la diffusion d'une information scientifique indépendante et apporte une analyse critique des publications pertinentes dans la littérature internationale.
Sommaire mai 2025
Efficacité d’une intervention à plusieurs composantes visant à réduire la surconsommation d’inhibiteurs de la pompe à protons.
Page 74 - page 78
De Burghgraeve T., Verbakel J.Y.
Cette étude observationnelle avec analyse des doubles différences montre qu’une intervention à plusieurs composantes d’une durée d’un an est efficace pour réduire l’utilisation des IPP sans effets indésirables significatifs en termes de critères de jugement cliniques. Cependant, la possibilité d’une généralisation est limitée, notamment en raison de la spécificité de la population étudiée, composée de vétérans âgés de sexe masculin. On ne sait pas dans quelle mesure le passage des patients aux IPP en vente libre exercerait une influence sur les résultats. Les recherches futures doivent se concentrer sur l’optimisation du groupe cible et sur l’évaluation des conséquences non souhaitées, de manière à garantir un succès durable.
Le rire comme traitement de la sécheresse oculaire - Est-ce une blague ou est-ce prouvé ?
Page 79 - page 83
Matthys E., Delbeke H.
Cette étude randomisée contrôlée, en ouvert, qui a été correctement menée d’un point de vue méthodologique, avec évaluation de l’effet en aveugle, montre que la thérapie par le rire n’est pas inférieure au collyre à base de hyaluronate de sodium à 0,1% après un suivi de 8 semaines chez de jeunes patients atteints de sécheresse oculaire légère, de lésions cornéennes limitées et chez qui les symptômes subjectifs sont au premier plan. Cependant, un biais de sélection ne peut être exclu, et comme l’étude a été menée dans une université chinoise chez des personnes relativement jeunes présentant peu de troubles liés à la santé mentale, les résultats ne peuvent pas être facilement extrapolés à des personnes plus âgées atteintes de sécheresse oculaire. Ainsi, la mise en œuvre de cette intervention dans la pratique clinique nécessite une sélection cohérente des patients.
Efficacité des consultations vidéo chez les adultes atteints de dépression ou d’angoisse.
Page 84 - page 88
Raemdock E.
Cette étude clinique randomisée pragmatique, multicentrique, avec une évaluation de l’effet effectuée en aveugle, montre que les consultations vidéo en ligne peuvent être efficaces pour réduire la gravité des symptômes dépressifs et anxieux jusqu’à 12 mois après l’intervention. Toutefois, l’effet est de faible ampleur et n’est peut-être pas cliniquement pertinent. Cette étude présente également un risque important de biais de sélection et de biais de détection. Néanmoins, grâce aux larges critères d’inclusion et d’exclusion et à la conception pragmatique, on peut déjà extrapoler les résultats de cette étude à la pratique clinique.
Existe-t-il des données probantes étayant l’utilité de prescrire de passer du temps dans la nature (« prescription verte ») ?
Page 89 - page 92
De Cort P.
Cette synthèse méthodique d’études randomisées contrôlées examinant l’effet de la prescription verte sur divers aspects de la santé ne permet pas de tirer de conclusions d’une grande valeur probante. La présentation narrative des résultats de différentes études suggère que la prescription verte peut contribuer à diverses améliorations de la santé psychologique et physique et du bien-être. D’autres études randomisées contrôlées avec des populations spécifiques, des interventions bien définies et des instruments de mesure valides sont nécessaires pour prouver la valeur ajoutée de la prescription verte.
La vitamine D et les acides gras oméga-3 améliorent-ils les performances physiques ?
Page 93 - page 96
Poelman T.
Cette sous-étude d’une vaste étude randomisée en double aveugle contre placebo avec un plan factoriel 2x2 montre que ni la vitamine D ni les acides gras oméga-3 n’ont d’effet positif sur les performances physiques de personnes en bonne santé âgées de 65 ans qui, souvent, prenaient déjà des suppléments de vitamine D et dont le taux sanguin de vitamine D initial était en moyenne d’environ 28 ng/ml. En outre, on peut également s’interroger sur la valeur méthodologique de cette sous-étude pour laquelle une taille d’échantillon distincte n’a pas été calculée.
Doxycycline en post-exposition pour prévenir des infections bactériennes sexuellement transmissibles chez des patients à haut risque ?
18 04 2025
Rodriguez-Vina Polanco B., De Jonghe M.
Cette étude randomisée ouverte montre l’efficacité de l’utilisation prophylactique de doxycycline (doxy-PEP) comme intervention de prévention des IST chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et chez les femmes transgenres, présentant un risque très élevé d'IST et ayant régulièrement des rapports sexuels sans préservatif, quel que soit leur statut sérologique VIH. Le rôle de la doxy-PEP dans d'autres populations touchées de manière disproportionnée par les IST, notamment les femmes cisgenres sous PrEP VIH, et dans les contextes où la prévalence de la résistance à la tétracycline chez les isolats de N. gonorrhoeae est élevée, mérite d'être approfondi. La surveillance de l’évolution de la résistance microbienne ainsi que d’autres recherches restent nécessaires.
Prothèse de hanche totale ou renforcement musculaire chez les patients avec arthrose sévère de la hanche ?
18 04 2025
Mesureur Y.
Cette RCT multicentrique de bonne qualité méthodologique, met en avant qu’à 6 mois, chez des patients de 50 ans et plus souffrant d’arthrose sévère de hanche, l’arthroplastie totale de la hanche semble plus efficace qu’un programme de renforcement musculaire pour diminuer leur douleur et améliorer leur capacité fonctionnelle. Les résultats sont à interpréter avec précaution en raison d’un potentiel biais de sélection des patients. À 24 mois, il n’y a plus de différence entre les deux groupes, mais 77% des patients participant aux exercices ont subi une PTH.
Méthotrexate : une nouvelle option pour traiter l'arthrose des mains ?
18 04 2025
Kinsoen R., Yech-Chou M., De Jonghe M.
Cette RCT bien conduite méthodologiquement montre que chez les patients souffrant d'arthrose des mains avec synovite, l'utilisation hebdomadaire de 20 mg de méthotrexate comparée à un placebo induit une réduction significative de l'inflammation synoviale et une amélioration statistiquement significative des symptômes douloureux et fonctionnels. La pertinence clinique n’est probablement pas atteinte. Des recherches ultérieures sont nécessaires.
Risque accru de cancer du sein en cas de faux positif à la mammographie de dépistage, avec des facteurs à prendre en considération.
18 04 2025
Sculier J.P.
Les auteurs notent trois résultats de leur étude de cohorte aux implications cliniques claires. Premièrement, outre la biopsie, l'âge au moment d'une mammographie faussement positive et la densité mammaire mammographique doivent être pris en compte dans l'individualisation des programmes de surveillance chez les femmes présentant un résultat faussement positif. Deuxièmement, une surveillance étroite et intensive lors des deux prochaines campagnes de dépistage peut être particulièrement utile. Troisièmement, une sensibilisation à long terme à la maladie doit être encouragée auprès des femmes présentant un résultat faussement positif afin de contribuer à réduire le risque accru d'incidence et de mortalité du cancer du sein chez ces femmes. Les femmes qui ont été l’objet d’un faux positif à la mammographie de dépistage constitue un groupe plus à risque de présenter un cancer du sein et d’en mourir. Il faut donc lui accorder une attention particulière.
Efficacité de la thérapie cognitivo-comportementale auto-dirigée pour l'insomnie avec soutien infirmier chez les vétérans.
18 04 2025
Tock R.
Cet essai contrôlé randomisé de bonne qualité méthodologique démontre que la TCC-I autodirigée par une infirmière est efficace pour traiter l'insomnie chez les vétérans d'âge moyen et conduit à une amélioration significative et durable des symptômes du sommeil, de la dépression et de la fatigue. Cependant, en raison de l'inclusion limitée d'adolescents, de femmes et de personnes sans comorbidités, les résultats ne sont pas extrapolables à une population plus large.
Efficacité d’une intervention à plusieurs composantes visant à réduire la surconsommation d’inhibiteurs de la pompe à protons.
Contexte
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont des inhibiteurs de la sécrétion d’acide gastrique dont les indications les plus courantes sont le traitement de l’ulcère gastroduodénal, des symptômes de reflux et de l’œsophagite sur reflux et la prévention des ulcères chez les patients à haut risque sous anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (1). Les IPP font partie des médicaments les plus couramment prescrits, mais on estime que, dans 25 à 70% des cas, ils ne sont pas nécessaires, en fonction du contexte clinique (2). Cette surconsommation entraîne des coûts de santé inutiles et une augmentation de la charge médicamenteuse. Des analyses de Minerva traitant de plusieurs études cas-témoins de bonne qualité méthodologique ont déjà établi une association entre l’utilisation à long terme d’IPP et la survenue d’une carence en fer (3,4) et d’une carence en vitamine B12 (5,6). D’autres études observationnelles suggèrent également des liens possibles entre les IPP et des maladies telles que l’insuffisance rénale chronique, les fractures osseuses, la pneumonie, les maladies cardiovasculaires et les infections gastro-intestinales à Clostridium difficile. Toutefois, on ignore encore s’il y a un lien de cause à effet (7).
Les recherches sur l’efficacité des interventions visant à réduire la surconsommation d’IPP restent rares à ce jour. Une revue systématique portant sur 21 interventions a montré que seulement 6 de ces interventions entraînaient une réduction de l’utilisation des IPP chez les personnes âgées, tandis que 4 étaient inefficaces, et 11, non concluantes (8). Une précédente analyse traitant d’une revue systématique Cochrane portant sur la diminution progressive de l’utilisation chronique des IPP a montré que l’arrêt soudain ou la prescription « à la demande » des IPP n’était pas possible pour de nombreux patients souffrant de reflux gastro-œsophagien ou de dyspepsie parce que cette approche provoque une aggravation des symptômes et entraîne de l’insatisfaction (9,10). Une étude récente a examiné l’effet d’une intervention à plusieurs composantes visant à réduire la surconsommation d’IPP (11).
Résumé
Population étudiée
- de février 2009 à janvier 2019, des patients ont été inclus par intervalle de 6 mois après au moins deux consultations chez leur médecin généraliste au cours des deux années précédentes dans l’un des 18 systèmes de soins de santé régionaux appelés « Réseau de services intégrés aux anciens combattants » (Veterans Integrated Service Networks, VISN), qui disposaient de leur propre système logiciel pour la délivrance de médicaments en ambulatoire dans les pharmacies ambulatoires
- entre août 2013 et juillet 2014, une intervention a été mise en place dans le VISN 17 (Texas et certaines parties du Nouveau-Mexique et de l’Oklahoma) afin de réduire la surconsommation d’IPP ; les autres VISN ont servi de témoins
par intervalle de 6 mois, le nombre de participants variait de 192 607 à 250 349 dans la région où se déroulait l’intervention et de 3 775 953 à 4 360 868 dans la région témoin - au cours des six premiers mois de l’étude (le premier intervalle de l’étude), le groupe intervention et le groupe témoin étaient comparables en termes d’âge (moyenne respectivement de 61,4 ans et de 64,7 ans), d’index de comorbidité de Deyo-Charlson au cours des deux années précédentes (moyenne respectivement de 1,01 et de 1,05) et d’utilisation d’AINS (11,9% et 9,8%) et d’antithrombotiques ; dans le groupe intervention par rapport au groupe témoin, il y avait plus de femmes (9,2% contre 5,9%) et d’Hispaniques/Latinos (12,8% contre 4,2%), une proportion plus importante de patients était atteinte de diabète (29,5% contre 26,6%), mais il y avait moins de patients atteints de coronaropathie (18,3% contre 20,4%), d’hypertension artérielle (61,3% contre 62,1%) et de reflux gastro-œsophagien (14,5% contre 16,6%) au cours des deux années précédentes
- avant la mise en œuvre de l’intervention, 25,8% des patients du groupe intervention et 25,4% du groupe témoin ont reçu une prescription d’IPP.
Protocole d’étude
Étude observationnelle quasi-expérimentale avec analyse des doubles différences entre
- une région de soins dans laquelle a été mise en œuvre une intervention visant à réduire la surconsommation d’IPP (VISN 17)
- et 17 autres régions de soins (VISN) dans lesquelles cette intervention n’a pas été mise en œuvre (groupe témoin).
- les 5 composantes de l’intervention étaient les suivantes :
- restrictions concernant la délivrance des IPP : si la prescription ne mentionne pas une indication valable pour un usage chronique, le médicament ne peut être délivré que pour 90 jours
- retrait des prescriptions inactives : inactivation des prescriptions qui n’ont pas été utilisées pendant six mois
- promotion de la prescription d’antihistaminiques H2 grâce à une fonction rapide dans le menu de prescription
- éducation destinée aux médecins et aux patients : tous les médecins ont été mis au courant de l’intervention par le biais d’un courrier électronique ; une formation continue a été organisée avec les pharmaciens ou gastro-entérologues concernant la diminution progressive des IPP (à prendre un jour sur deux pendant 1 semaine, puis au besoin pendant 1 semaine, suivi par des antihistaminiques H2 au besoin pendant 1 mois à 2 mois) ; les médecins ont également été soutenus individuellement par des pharmaciens lors de la diminution progressive de la dose
- suivi des données pour surveiller les prescriptions d’IPP à dose élevée.
Critères de jugement
- principal critère de jugement : pourcentage de patients qui sont allés à la pharmacie chercher les IPP prescrits
- critères de jugement secondaires :
- comportements prescripteurs pour les IPP et les antihistaminiques H2 : délai jusqu’à une nouvelle prescription d’IPP ; pourcentage de prescriptions pour des IPP à haute dose (par ex. > 20 mg d’oméprazole) ; pourcentage d’utilisation d’IPP en raison d’un risque d’hémorragie gastro-intestinale (prise de ≥ 2 antithrombotiques ou d’un antithrombotique + un AINS) ; pourcentage de patients ≥ 65 ans recevant une prescription pour un IPP via Medicare ; pourcentage de patients recevant une prescription pour un antihistaminique H2 ; pourcentage de patients recevant une prescription pour un IPP ou un antihistaminique H2
- problèmes associés à la prise d’IPP : incidence de l’insuffisance rénale chronique (IRC) et des infections à Clostridium difficile ; hospitalisations pour pneumonie, AVC ischémique, fracture de hanche, infarctus du myocarde chez les patients ≥ 65 ans ; décès à la suite d’une maladie cardiovasculaire, d’un cancer du tractus gastro-intestinal supérieur, d’une insuffisance rénale chronique, d’une infection à Clostridium difficile
- critères de jugement cliniques et recours aux soins de santé potentiellement associés aux maladies acido-peptiques : hospitalisation pour maladie acido-peptique (par ex. œsophagite, gastrite, duodénite, ulcère gastroduodénal, hémorragie digestive haute) chez les patients ≥ 65 ans ; nombre de consultations chez le médecin généraliste et de visites au service des urgences pour une affection gastro-intestinale ; nombre d’endoscopies du tractus gastro-intestinal supérieur.
Résultats
- résultats du principal critère de jugement : dans les deux groupes, une diminution de la prise d’IPP a été observée après la période de mise en œuvre de l’intervention, d’une durée de 12 mois, par comparaison avec la situation antérieure ; la diminution absolue était plus importante, et ce de manière statistiquement significative, dans la région VISN 17 que dans les autres régions de soins : -7,3% avec IC à 95% de -7,6% à -7,0%
- résultats des critères de jugement secondaires : dans la région VISN 17, par rapport aux autres régions de soins, une amélioration plus importante, et ce de manière statistiquement significative, des comportements prescripteurs pour les IPP et les antihistaminiques H2 et une diminution plus faible, et ce de manière statistiquement significative, des hospitalisations pour fracture de hanche ont été observées ; quant aux autres critères de jugement, les différences n’étaient pas statistiquement significatives (voir tableau).
Tableau. Différence entre la région VISN 17 et les autres régions de soins en termes de variation des critères de jugement secondaires avant et après la mise en œuvre de l’intervention.
Critère de jugement |
Différences en termes de variation associée à l’intervention (IC à 95%) |
Comportements prescripteurs pour les IPP et les antihistaminiques H2 |
|
Délai jusqu’à une nouvelle prescription d’IPP |
-9,22 jours (de -10,95 à -7,49) |
Pourcentage de patients recevant une prescription pour un IPP à haute dose |
-3,99% (de -4,61 à -3,38) |
Pourcentage de prise d’IPP en raison d’un risque élevé de saignements gastro-intestinaux |
-11,3% (de -12,0 à 10,5) |
Pourcentage de patients ≥ 65 ans recevant une prescription d’IPP via Medicare |
-0,42% (de -0,73 à -0,0) |
Pourcentage de patients recevant une prescription d’antihistaminique H2 |
2,19% (de 1,73 à 2,65) |
Pourcentage de patients recevant une prescription d’IPP ou d’antihistaminique H2 |
-5,72% (de -6,08 à -5,36) |
Problèmes associés à la prise d’IPP |
|
Incidence de l’insuffisance rénale chronique (IRC) |
Non significatif |
Incidence de l’infection à Clostridium difficile |
Non calculée en raison d’une différence entre les deux groupes dans la phase précédent la mise en œuvre |
Hospitalisations de patients ≥ 65 ans pour pneumonie |
Non significatif |
Hospitalisations de patients ≥ 65 ans pour AVC ischémique |
Non significatif |
Hospitalisations de patients ≥ 65 ans pour fracture de hanche |
-0,018% (de -0,036 à -0,001) |
Hospitalisations de patients ≥ 65 ans pour infarctus du myocarde |
Non significatif |
Décès suite à une maladie cardiovasculaire |
Non significatif |
Décès suite à un cancer gastro-intestinal, une insuffisance rénale chronique ou une infection à Clostridium difficile |
Non calculé en raison d’une différence entre les deux groupes dans la phase précédent la mise en œuvre |
Critères de jugement cliniques et recours aux soins de santé potentiellement associés aux maladies acido-peptiques |
|
Hospitalisations pour maladie acido-peptique |
Non significatif |
Nombre de consultations chez le médecin généraliste et de visites au service des urgences pour une affection gastro-intestinale |
Non calculé en raison d’une différence entre les deux groupes dans la phase précédent la mise en œuvre |
Nombre d’endoscopies du tractus gastro-intestinal supérieur |
Non significatif |
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que l’intervention à plusieurs composantes était associée à une diminution de la prise d’IPP, tant globalement que par les patients qui prenaient légitimement les IPP pour la protection de l’estomac, avec des données probantes limitées concernant les avantages cliniques ou les effets indésirables.
Financement de l’étude
Financement par le Veteran Affairs Health Services Research and Development Service et le National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases.
Conflits d’intérêt des auteurs
Aucune relation financière pertinente n’a été signalée.
Discussion
Évaluation de la méthodologie
L’étude a été conçue correctement d’un point de vue méthodologique. L’utilisation d’une base de données nationale complète concernant un grand groupe de patients est donc considérée comme un point fort. L’utilisation de l’analyse des doubles différences est également considérée comme un avantage sur le plan méthodologique, car cette technique corrige les tendances temporelles générales qui peuvent influencer les deux groupes. Pensons, par exemple, aux choix en termes de stratégies. Cependant, des différences (non mesurées) entre les deux groupes peuvent également influencer les résultats, comme des différences dans la qualité des soins, la culture médicale ou le comportement des patients. Du moment que ces différences ne varient pas au fil du temps, une analyse des doubles différences peut également les corriger. Toutefois, si les critères de jugement n’évoluent pas de la même manière dans les deux groupes avant la phase de mise en œuvre, un biais est possible dans les résultats de l’analyse des doubles différences. C’était le cas pour certains critères de jugement secondaires, tels que les décès à la suite d’un cancer gastro-intestinal, d’une insuffisance rénale chronique ou d’une infection à Clostridium difficile. À juste titre, les chercheurs n’ont donc pas effectué d’analyse des doubles différences pour ces critères de jugement.
Évaluation des résultats
Une intervention à plusieurs composantes, d’une durée d’un an, a entraîné une diminution de 7,3% des prescriptions d’IPP et une diminution de 3,99% des prescriptions d’IPP à forte dose, ces diminutions étant statistiquement significatives. Fait non négligeable, l’étude a également permis de constater une diminution des antihistaminiques H2 et des IPP disponibles par une autre voie (Medicare). On ignore toutefois si les chercheurs ont pris en compte tous les IPP en vente libre. Des initiatives similaires ont permis une réduction de seulement 8,5% sur 10 ans (12). Le fait que l’intervention comprenait plusieurs éléments permettant une approche holistique de la limitation de ces médicaments peut éventuellement expliquer la taille plus importante de l’effet. Cependant, on a également constaté une diminution de 11,3% du taux d’utilisation des IPP pour la protection gastrique chez les patients présentant un risque élevé de saignements gastro-intestinaux. Bien que nous n’ayons pas constaté d’augmentation des saignements gastro-intestinaux dans cette étude, ce résultat incite tout de même à une certaine vigilance. En effet, une trop grande attention portée aux risques potentiels des IPP pourrait finalement conduire à une sous-utilisation chez les patients ayant besoin d’une protection gastrique. Les études futures devraient donc faire une distinction plus nette entre une utilisation appropriée des IPP et une utilisation inappropriée afin de réduire à un minimum les effets indésirables de la diminution progressive des IPP.
Cette étude a montré une diminution modeste, mais statistiquement significative, des fractures de hanche dans le groupe intervention. Même si cela cadre avec des méta-analyses antérieures suggérant un risque accru de fracture lié à l’utilisation des IPP (13), ce résultat ne doit pas être utilisé comme preuve concluante.
La population étudiée se caractérise par un âge élevé et une faible minorité de femmes. On peut donc mettre en doute que ces résultats puissent être généralisés à l’ensemble de la population. La question est également de savoir dans quelle mesure cette étude peut être extrapolée au contexte belge. Certains éléments de cette intervention sont déjà appliqués en Belgique, comme l’expiration automatique des anciennes prescriptions. En revanche, des antihistaminiques H2 tels que la ranitidine sont interdits à la vente en Belgique. Il sera donc difficile de mettre en œuvre exactement cette intervention à plusieurs composantes, mais une version modifiée pourrait être possible. De même, on pourrait prévoir une restriction pour les prescriptions répétées et faciliter la diminution progressive des IPP en utilisant des antiacides.
Que disent les guides de pratique clinique ?
Le rapport du jury de la réunion de consensus de l’INAMI (2018) intitulé « L’usage rationnel des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en cas de pathologie gastro-œsophagienne non ulcéreuse (ulcère gastroduodénal exclu) » indique qu’une politique efficace doit se concentrer sur la prévention, les alternatives et une évaluation approfondie des comportements prescripteurs (14). Les conseils sur le style de vie, entre autres pour une alimentation saine et l’arrêt du tabagisme, restent essentiels. Les IPP sont utiles dans des indications spécifiques, telles que le reflux et l’œsophagite, pour lesquelles il est important d’adapter la dose et de procéder régulièrement à des réévaluations. En cas d’œsophage de Barrett, des doses élevées sont recommandées après l’ablation, avec un ajustement une fois la guérison obtenue. Les effets indésirables et les interactions nécessitent une analyse minutieuse du rapport bénéfices/risques. La diminution progressive des IPP doit être envisagée si un traitement d’entretien n’est pas nécessaire.
Conclusion de Minerva
Cette étude observationnelle avec analyse des doubles différences montre qu’une intervention à plusieurs composantes d’une durée d’un an est efficace pour réduire l’utilisation des IPP sans effets indésirables significatifs en termes de critères de jugement cliniques. Cependant, la possibilité d’une généralisation est limitée, notamment en raison de la spécificité de la population étudiée, composée de vétérans âgés de sexe masculin. On ne sait pas dans quelle mesure le passage des patients aux IPP en vente libre exercerait une influence sur les résultats. Les recherches futures doivent se concentrer sur l’optimisation du groupe cible et sur l’évaluation des conséquences non souhaitées, de manière à garantir un succès durable.
- Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Répertoire commenté des médicaments. CBIP, avril 2025. URL: https://www.cbip.be/fr/chapters/4?frag=2543
- Forgacs I, Loganayagam A. Overprescribing proton pump inhibitors. BMJ 2008;336:2-3. DOI: 10.1136/bmj.39406.449456.BE
- Mehuys E, Boussery K. Déficit en fer secondaire à la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons ou d’antihistaminiques H2 ? Minerva Analyse 15/03/2018.
- Lam JR, Schneider JL, Quesenberry CP, Corley DA. Proton pump inhibitor and histamine-2 receptor antagonist use and iron deficiency. Gastroenterology 2017;152:821-9.e1. DOI: 10.1053/j.gastro.2016.11.023
- Boussery K, Mehuys E. Un déficit en vitamine B12 est-il associé à la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons ou d’antihistaminiques H2 ? MinervaF 2015;14(2):16-7.
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- INAMI. L'usage rationnel des Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en cas de pathologie gastro-œsophagienne non ulcéreuse (ulcère gastroduodénal exclu) ». Réunion de consensus du 31/05/2018. Rapport du jury. Texte long ou texte court.