Analyse


Traitement conservateur versus traitement immédiat du cancer de la prostate


28 01 2011

Professions de santé

Analyse de
Stattin P, Holmberg E, Johansson JE, et al; National Prostate Cancer Register (NPCR) of Sweden. Outcomes in localized prostate cancer in the National Prostate Cancer Register of Sweden follow-up study. J Natl Cancer Inst 2010;102:950-8.


Conclusion
Différentes études de cohorte montrent qu'un stratégie de temporisation face à un cancer de la prostate localisé (score de Gleason = ou < 7 et stades T1 ou T2) est une attitude défendable versus traitement à visée curative imédiate.



 

Nous avons précédemment commenté dans Minerva (1) une étude de cohorte étatsunienne (Connecticut (2)) incluant 767 hommes âgés de 55 à 74 ans, présentant un cancer de prostate localisé et traités de manière dite conservatrice (pas de traitement ou traitement hormonal). Sur un suivi de 10 ans, la mortalité liée au cancer de la prostate est évaluée en fonction du score de Gleason lors du diagnostic initial : pour un score de 2-4 risque de 4-7% dans les 15 ans, augmentant ensuite jusqu’à un risque de 60-87% pour un score de 8-10.

Une étude scandinave plus récente (étude SPCG-4 (3)), incluant des hommes avec cancer localisé relativement évolué, montre une mortalité liée à ce cancer de 17,9% sur 11 ans sous temporisation (watchful waiting) versus 12,5% avec prostatectomie (RR 0,65 - IC à 95% de 0,45 à 0,94).

 

L’étude SEER étatsunienne publiée en 2009 (4) montre sur un suivi de 10 ans une mortalité liée au cancer de prostate de 8,3% en cas de traitement conservateur (si nécessaire hormonothérapie, chimiothérapie, soins palliatifs) chez des hommes âgés de plus de 65 ans.

Une étude effectuée en Suède et publiée en 2010 (5), inclut des hommes présentant un cancer prostatique à risque bas ou intermédiaire (stades T1 ou T2, score de Gleason de maximum 7, PSA <20 ng/ml) et traités par prostatectomie radicale, radiothérapie ou traitement conservateur. Un traitement conservateur signifie, dans cette étude, une surveillance active (stratégie avec mise en route d’un traitement « curatif » en cas de progression) et une temporisation (stratégie d’administration d’un traitement hormonal en cas de progression symptomatique). Cette étude recherche plus précisément les différences de mortalité (spécifiquement liée au cancer de la prostate ou autre) suivant l’attitude thérapeutique initiale. Sur 10 ans, la mortalité spécifique liée au cancer est de 3,6% (IC à 95% de 2,7 à 4,8%) dans le groupe traitement conservateur et de 2,7% (IC à 95% de 2,1 à 3,45%) dans le groupe traitement curatif. Le risque de décès d’autres causes est de 19,2% (17,2 à 21,3%) dans le groupe traitement conservateur et de 10,2% (9,0 à 11,4%) pour le groupe traitement curatif. Cette différence en faveur du traitement conservateur doit être interprétée très prudemment : un biais de temps d’immortalité est possible. D’autre part il s’agit d’une étude d’observation dans laquelle il est fort possible qu’un traitement curatif ne soit pas proposé à des personnes à moindre espérance de vie (co-morbidités par exemple).

Pour le groupe des patients avec un cancer à bas risque (PSA <10 ng/ml en plus des critères précités), la mortalité est de 2,4% sous traitement conservateur et de 0,7% sous traitement curatif. Les auteurs concluent qu’un traitement conservateur est une option thérapeutique adéquate pour de nombreux patients avec un cancer de prostate à bas risque.

Une autre étude publiée en 2010 (6), effectuée au Massachussetts pour des hommes âgés en moyenne de 71 ans et avec un cancer de prostate localisé (score de Gleason de maximum 7 et stades T1 ou T2) montre qu’une attitude de temporisation est associée avec un faible risque d’intervention et de progression du cancer (volume et taux de PSA). Le taux de survie générale est de 79% à 10 ans, de survie spécifique au cancer de 100%, le risque de métastase à distance de 5%. 70% des patients n’ont pas dû être opérés.

Au moment du choix de stratégie thérapeutique, lors de la prise de décision partagée avec le patient, les effets indésirables des différents traitements seront évoqués : incontinence urinaire chez 12,3% des patients 3 ans post prostatectomie, troubles intestinaux chez 14,5% des patients 3 ans post radiothérapie externe, 97,8% de troubles de l’érection après 3 ans d’antiandrogènes (67,8% post radiothérapie externe, 77,4% post prostatectomie, 54,3% sous surveillance sans traitement) (7).

 

Conclusion

Différentes études de cohorte montrent qu’une stratégie de temporisation face à un cancer de prostate localisé (score de Gleason ≤7 et stades T1 ou T2) est une attitude défendable versus traitement à visée curative immédiate.

 

 

Références

  1. Van Poppel H. De behandeling van prostaatkanker. Minerva 1999;28(5):208-11.
  2. Albertsen PC, Hanley JA, Gleason DF, Barry MJ. Competing risk analysis of men aged 55 to 74 years at diagnosis managed conservatively for clinically localized prostate cancer. JAMA 1998;280:975-80.
  3. Bill-Axelson A, Holmberg L, Filén F, et al; Scandinavian Prostate Cancer Group Study Number 4. Radical prostatectomy versus watchful waiting in localized prostate cancer. J Natl Cancer Inst 2008;100:1144-54.
  4. Lu-Yao GL, Albertsen PC, Moore DF, et al. Outcomes of localized prostate cancer following conservative management. JAMA 2009;302:1202-9.
  5. Stattin P, Holmberg E, Johansson JE, et al; National Prostate Cancer Register (NPCR) of Sweden. Outcomes in localized prostate cancer in the National Prostate Cancer Register of Sweden follow-up study. J Natl Cancer Inst 2010;102:950-8.
  6. Coen JJ, Feldman AS, Smith MR, Zietman AL. Watchful waiting for localized prostate cancer in the PSA era: what have been the triggers for intervention? BJU Int 2010, published online 22 September.
  7. Smith DP, King MT, Egger S, et al. Quality of life three years after diagnosis of localised prostate cancer: population based cohort study. BMJ 2009;339:b4817.
Traitement conservateur versus traitement immédiat du cancer de la prostate

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

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