Analyse
RGO : IPP chez les nourrissons, les enfants et les adolescents ?
28 11 2011
Professions de santé
Nous avons précédemment analysé dans la revue Minerva (1) une RCT multicentrique (2) évaluant l’intérêt du lansoprazole versus placebo chez des nourrissons présentant des symptômes de reflux gastro-oesophagien (RGO). Cette étude montrait une réponse au placebo pareille à celle liée au lansoprazole chez des nourrissons avec plaintes ou comportement difficile pendant ou après les repas.
Cette étude a été récemment reprise dans une synthèse méthodique (3) évaluant l’efficacité et la sécurité des Inhibiteurs de la Pompe à Protons (IPP) en cas de RGO chez des enfants âgés de 0 à 18 ans. Les IPP ont été comparés à un placebo, à une absence de traitement ou à un traitement alternatif. Les études concernant des enfants déjà sous antagonistes des récepteurs H2, antacides ou procinétiques ont été exclues. Seules 12 études (10 RCTs et 2 études en permutation) répondaient aux critères d’inclusion et d’exclusion. La qualité méthodologique des études a été évaluée par 2 chercheurs indépendamment l’un de l’autre via une liste Delphi élaborée en consensus et incluant 9 critères de qualité pour les RCTs. Les auteurs estiment que la qualité méthodologique des études incluses est en moyenne de 7,6/10 soit élevée mais ils n’expliquent pas clairement comment ils ont obtenu ce chiffre. En raison d’une hétérogénéité clinique importante entre les études pour les populations incluses, les protocoles et critères de jugement, une méta-analyse n’a pas été possible. Les résultats sont donnés par catégorie d’âge.
Pour les nourrissons (0 à 12 mois), les IPP ne semblent pas plus efficaces qu’un placebo pour la diminution des symptômes (plaintes ou comportement difficile pendant ou après les repas) (N = 4 études). Dans une étude, un IPP est plus efficace que le passage à un lait artificiel sur base d’un hydrolysat, étude n’incluant cependant que 30 nourrissons en service hospitalier pédiatrique. Dans une étude, l’incidence d’effets indésirables sévères (infections des voies respiratoires inférieures) est plus forte dans le groupe IPP.
Pour les enfants (6 mois à 13,4 ans), aucune différence n’est observée pour l’amélioration des symptômes pour les IPP versus ranitidine ou alginate (N = 5). Un IPP est cependant plus efficace que l’alginate ou la ranitidine pour la diminution de l’acidité gastrique (N = 2).
Pour les adolescents (12 à 17 ans), seules 2 études ont été effectuées, évaluant réciproquement 2 doses d’un IPP. Les scores de symptômes sont améliorés versus valeurs initiales de la même façon pour tous les sujets.
Dans leur discussion, les auteurs de cette synthèse soulignent les faibles populations d’étude, en raison des difficultés d’inclure des nourrissons et des enfants dans des RCTs. C’est peut-être en raison de ce manque de puissance des études chez les enfants qu’une plus-value en efficacité des IPP versus anti-H2 ne peut être observée à ce jour chez eux, alors qu’elle est montrée chez l’adulte. Pour les adolescents, aucune étude n’a comparé IPP et traitements alternatifs.
La plupart des études chez les nourrissons sont basées sur une suspicion que les symptômes (souvent non spécifiques comme des régurgitations ou des pleurs) sont attribués à un reflux gastro-oesophagien. Un reflux gastro-oesophagien n’est déclaré pathologique qu’en cas de survenue de complications : gain de poids insuffisant, refus d’alimentation, comportement difficile pendant ou après les repas, symptômes respiratoires (4).
Les recommandations pour la prise en charge du RGO pathologique chez les enfants âgés de moins de 2 ans (5) ne sont pas à remettre en question suite aux résultats de cette synthèse. Une attitude attentiste est recommandée en première intention, la plupart des plaintes s’amendant dans les 6 mois en fréquence et en intensité. Si les régurgitations sont fort gênantes, l’épaississement de l’alimentation peut être proposé (1). Des régurgitations gênantes peuvent être l’expression d’une allergie au lait de vache ; dans ce cas la première mesure en cas de plaintes persistantes est la proposition d’un essai de remplacement du lait de vache par des hydrolysats de protéine pendant 3 semaines. Le recours à des antiH2 et à des IPP en dehors de la présence d’arguments francs de maladie de reflux gastro-oesiphagien n’est pas recommandé en première ligne de soins.
Conclusion
Les IPP ne sont pas indiqués comme traitement de première intention chez les nourrissons qui régurgitent ou pleurent en rapport avec les repas. Les preuves sont insuffisantes pour recommander la prescription d’IPP chez les enfants et les adolescents présentant des plaintes de RGO.
Références
- Van Winckel M. IPP pour les nourrissons avec plaintes postprandiales ? MinervaF 2010;9(6):68-9.
- Orenstein SR, Hassal E, Furmaga-Jablonska W, et al. Multicenter, double-blind, randomized, placebo-controlled trial assessing the efficacy and safety of proton-pump-inhibitor lansoprazol in infants with symptoms of gastroesophageal reflux disease. J Pediatr 2009;154:514-20.
- Van der Pol RJ, Smits MJ, van Wijk MP, et al. Efficacy of proton-pump inhibitors in children with gastroesophageal reflux disease: a systematic review. Pediatrics 2011;127:925-35.
- Vandenplas Y, Rudolph CD, Di Lorenzo C, et al. Pediatric gastroesophageal reflux clinical practice guidelines: joint recommendations of the North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (NASPGHAN) and the European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (ESPGHAN). J Pediatr Gastroenterol Nutr 2009;49:498-547.
- Gastro-oesophageal reflux disease in children younger than 2 years of age - Management. How should I manage a child with troublesome symptoms in primary care? Prodigy, December 2009.
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