Analyse


Quelle est la place des interventions pour l'activité physique et contre la sédentarité ainsi que sur le comportement dans la revalidation post-AVC?


26 09 2024

Professions de santé

Diététicien, Ergothérapeute, Infirmier, Kinésithérapeute, Logopède, Médecin généraliste
Analyse de
Oliveira SG, Ribeiro JA, Silva ÉS, et al. Interventions to change movement behaviors after stroke: a systematic review and meta-analysis. Arch Phys Med Rehabil 2024;105:381-410. DOI: 10.1016/j.apmr.2023.07.011


Question clinique
Quelle est la place des stratégies de changement de comportements (Behavioral Change Therapies, BCT) et des exercices d'intensité croissantes (Moderate to Vigorous Physical Activity) en termes d’augmentation de l'activité physique et de diminution de la sédentarité dans la phase aigüe/subaigüe et la phase chronique post-AVC ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyses de bonne qualité méthodologique montre que, chez des patients en post-AVC, l’approche combinée d’exercices physiques et de techniques de changement de comportement augmente la marche et les activités modérées et vigoureuses dans la phase aigüe/subaigüe et que l’exercice physique seul a un impact sur la marche en phase chronique. De plus, seules des preuves de très faible à faible qualité soutiennent le recours à des interventions basées uniquement sur les techniques de changement de comportement après un AVC.


Contexte

Environ 25% des patients qui survivent à un AVC sont incapables de marcher de manière autonome trois mois plus tard (1,2). Ces patients restent assis pendant des périodes prolongées en post-sortie d’hospitalisation et pour des années qui suivent. A peu près trois quarts de la lourdeur globale de l’AVC est attribuée à des facteurs comportementaux, dont le manque d'activité physique (physical activity, PA). Améliorer l’activité physique des patients en post-AVC reste un énorme défi pour les cliniciens à cause de à plusieurs facteurs associés, à savoir les limitations des fonctions motrices, diminution des capacités respiratoires, de la fatigue, des chutes, du manque d’équilibre, de facteurs cognitifs comme la dépression et la diminution de la qualité de vie (3). Déterminer la place des interventions qui augmentent l'activité physique (PA) et qui diminuent la sédentarité (sedentary behavior, SB) sur base des mesures centrées sur le comportement de ces patients atteints d’AVC est donc pertinent (4).

 

 

Résumé

 

Méthodologie

 

Revue systématique avec méta-analyses

 

Sources consultées

  • PubMed (Medline), Embase, Scopus, CINAHL (EBSCO), Web of Science,
  • strictement en anglais.

 

Études sélectionnées

  • les critères d’inclusion étaient les études randomisées et contrôlées (RCTs), les interventions avec comme but d’augmenter l'activité physique (PA) et de réduire la sédentarité (SB) ; les études qui ont utilisé des instruments tels que les moniteurs d'activité physique
  • les interventions devaient mesurer l'activité physique et le comportement sédentaire ; les mesures suivantes étaient acceptées :
    • les niveaux d'activité physique (PA) liés à la dépense énergétique (kcalor/MET) 
    • l'intensité de l'activité a été évaluées par des moniteurs d'activité physique via les données de l'accéléromètre : celles-ci ont été traitées par tranches de 60 secondes ; les valeurs seuils de temps sédentaire (< 100 coups par minute (CPM)), d'activité physique linéaire (LPA) (100–1951 CPM) et d'activité physique modérée à vigoureuse (≥ 1952 CPM) ont été utilisées pour distinguer les différents types d'activité
    • le nombre de pas a été évalué 
    • les variables d'AP liées à la posture corporelle (par exemple, le nombre de transitions assis-debout et le temps passé assis/couché sur le dos)
  • exclusion des études se focalisant sur la motricité du membre supérieur ; les études publiées dans une autre langue que l’anglais
  • au total, au départ de 116 articles sélectionnés pour évaluation complète, 28 articles ont été retenus pour une synthèse qualitative des niveaux de preuve ; 16 ont été retenus pour l’évaluation quantitative ; les suivis étaient à 1 mois dans 2 études, à 3 mois dans 8 études, et à 6 mois dans 2 études ; des 15 études réalisées dans la phase aigüe/subaigüe, cinq ont évalué les exercices physiques en combinaison avec les études de changement de comportement (BCT), quatre ne se sont concentrées sur les BCT et six que sur les exercices physiques ; des 13 études réalisées dans la phase chronique, une s’est penché sur une combinaison d'exercices physiques et de changement de comportement (BCT), deux se sont penchées sur le BCT, une sur le changement de comportement sur la marche quotidienne, une en combinaison avec un robot centré sur la marche, une avec des exercices d'étirements, une avec un écarteur d’orteils, et huit avec des exercices physiques ; les études se sont déroulées aussi bien en hôpital qu’en ambulatoire ; certaines se sont même déroulées en laboratoire de recherche clinique. 

 

Population étudiée

  • patients adultes (≥ 18 ans) ayant subi un accident vasculaire cérébral d’origine hémorragique ou ischémique
  • au total, 1825 patients ont été inclus : 1104 hommes et 692 femmes ; âge moyen de 52 à 72,96 ans dans le groupe expérimental et 48 à 71,8 ans dans le groupe contrôle.

 

Mesure des résultats

  • les études étaient analysées selon la période post AVC : période aigüe/subaigüe et période chronique
  • les résultats suivants ont été mesurés en tant qu'intensité de l'activité physique (AP) : 
  • les résultats de fréquence ont été mesurés par les variables suivantes : 
    • nombre de pas 
    • nombre de pas d'affilée sur 5 minutes d’intervalle 
    • nombre de transitions de la position assise à la position debout
  • les résultats liés à la durée d’AP : 
    • temps d'inactivité physique 
    • temps passé debout 
    • temps passé à marcher 
    • temps passé dans des périodes de marche plus longues (≥ 2 min) 
    • durée de la période la plus longue 
    • temps passé dans des activités physiques d'intensité légère, modérée et vigoureuse 
    • temps passé à ≥ 1952 coups/min 
    • nombre de transitions vers la position verticale par heure 
    • temps passé à faire du vélo, à monter des escaliers, à courir ou à marcher 
    • temps passé debout/en mouvement
  • les résultats liés à la sédentarité (SB) ont été regroupés en :
    • temps passé assis/en décubitus dorsal 
    • temps passé en périodes assises plus longues (≥ 30 min) 
    • temps passé en période de sédentarité
  • toutes les mesures ont été faites en pré- et post-intervention dans toutes les études
  • les différences moyennes standardisées ont été calculées.

 

Résultats

  • les résultats principaux de la phase aiguë/subaiguë post-AVC montrent que :
    • les interventions d'exercices combinées à des techniques de changement de comportement (BCT) (N = 5) ont augmenté à la fois le nombre de pas quotidiens (différence moyenne standardisées (DMS) = 0,65 ; p = 0,0002 ; I2 = 64%) et le temps consacré à des activités physiques d'intensité modérée à vigoureuse (MVPA) (DMS de 0,68 ; p = 0,0004 ; I2 = 27% pour les activités modérées et 0% pour les activités vigoureuses) avec des preuves de qualité moyenne
    • les interventions basées uniquement sur les BCT (N = 4) ont augmenté les niveaux d’AP (DMS (activité physique de faible intensité) de 0,36 ; p = 0,02 ; I2 = 0% et DMS (APMV) de 0,56 ; p = 0,0004 ; I2 = 0%) avec des preuves de très faible qualité et ont diminué la sédentarité (DMS de 0,48 ; p = 0,03) avec des preuves de faible qualité
  • les résultats principaux de la phase chronique post-AVC montrent que :
    • il existe une signification statistique en faveur des interventions basées uniquement sur les exercices (N = 8) dans la fréquence de l'AP (pas/jour) (DMS de 0,68 ; p = 0,002 ; I2 = 72%) avec des preuves de qualité modérée. 

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que dans la phase aiguë/subaiguë après un AVC, l’utilisation de techniques de changement de comportement combinées aux exercices peut augmenter le nombre de pas quotidiens et le temps consacré à l’activité physique modérée à vigoureuse. En revanche, dans la phase chronique après un AVC, les interventions basées uniquement sur les exercices ont entraîné une augmentation significative du nombre de pas quotidiens.

 

Financement de l’étude

Financement par l’organisme national brésilien du gouvernement (Coordination for the Improvement of Higher Education Personnel – CAPES), la fondation de recherche de Sao Paulo (FAPESP) et le conseil national du développement scientifique et technologique.

 

Conflit d'intérêt de l'étude

Les auteurs n'ont déclaré aucun conflit d’intérêt.

 

 

Discussion

 

Évaluation de la méthodologie

Cette étude est une revue systématique avec méta-analyses. Elle a été enregistrée sur PROSPERO. Les articles ont été sélectionnés selon le protocole PRISMA pour étudier la place des stratégies de changement de comportements (Behavioral Change Therapies, BCT) et des exercices d'intensité croissantes (Moderate to Vigorous Physical Activity) dans la phase aigüe/subaigüe et la phase chronique en post-AVC. 5 bases de données ont été consultées. Le logiciel State of the Art through Systematic Review 3.0.3 BETA (Sao Paulo, Brazil) a été utilisé pour systématiser et organiser la recherche et l’extraction de données. On peut regretter la limitation aux études publiées en anglais. Trois paires d’auteurs indépendants ont fait la sélection et élucidé les critères d’inclusion. Les différences ont été résolues par réconciliation verbale et un troisième auteur a été consulté pour déterminer en dernier ressort les critères d’éligibilité. L’index kappa a été utilisé pour mesurer les différences entres auteurs (fiabilité des 3 pairs d’auteurs) et l’index s’est avéré être 0,98 (p < 0,001). 
Les risques de biais des études incluses ont été évalués par 2 auteurs indépendamment à l’aide de l’outil RoB de la Cochrane qui évalue 7 domaines (le processus de randomisation, la génération de la séquence d'allocation, la dissimulation de la séquence d'allocation, l’insu, l’incomplétude des résultats, la communication sélective des résultats et d'autres biais). La randomisation a été correctement menée dans chacune des études sélectionnées, avec 5 études dont l’insu n’a pas été signalé par rapport aux résultats ; aucune des études n’a rapporté de double insu par rapport aux patients et soignants. Les données étaient incomplètes dans 7 études et aucune des études n’a montré des résultats pour chacun des critères mesurés. 16 études n’ont pas explicité la longueur du suivi dans le temps. En général, le risque de biais dans les études incluses était faible.
Le système GRADE qui identifie les composants critiques (limites de l'étude, imprécision, incohérence, caractère indirect des comparaisons et biais de publication) a été utilisé pour évaluer le niveau de confiance à attribuer aux études incluses. Les données extraites étaient en concordance avec les premiers 8 items de la checklist TIDieR à savoir les caractéristiques démographiques de chaque groupe (l’âge, le sexe, le type d’AVC, le temps écoulé depuis le début de l’AVC, le coté de la lésion, la gravité de l’AVC et les et les limitations fonctionnelles), le type d’intervention, le protocole de traitement, les mesures des résultats (entre les groupes expérimentaux et témoins). Les données de PA étaient regroupées en intensité, fréquence et durée. Les changements comportementaux (BCT) étaient décrits en termes de taxonomie. Les mesures de l'activité physique et du comportement sédentaire sont extrêmement bien décrites, détaillant les nombreux appareils utilisés. Les études qui n’avaient pas assez de données ont été exclues de la méta-analyse mais étaient incluses dans la revue descriptive. 

 

Évaluation des résultats

Les données de cette synthèse méthodique avec méta-analyses indiquent que les interventions combinées (c.-à-d. exercice et techniques de changement de comportement) augmentent probablement le nombre de pas quotidiens et le temps consacré à l'activité physique modérée à vigoureuse chez les personnes ayant subi un AVC en phase aiguë/subaiguë. Ces résultats correspondent, selon les auteurs, à une augmentation en moyenne de 7,35 min/jour. Comme le mentionne les auteurs, « à première vue, cela peut sembler insuffisant pour améliorer la santé ». Ils mentionnent néanmoins que des études ont suggéré que remplacer 2 h/jour de position assise par la position debout ou la marche peut améliorer les taux de sucre dans le sang, de triglycérides et de cholestérol, qu'une augmentation de 1000 pas/jour peut réduire la rigidité artérielle (5,6). Ces critères de jugement, outre le fait qu’ils soient des critères de jugement intermédiaires, ne sont pas étudiés comme tels dans l’étude analysée ici. Pour les patients et les cliniciens, ce sont les répercussions des interventions (techniques de changement de comportement et/ou types d’exercices) sur la santé des patients en post-AVC qui sont des éléments importants pour motiver les patients, les prestataires, et les organismes de remboursement des soins. 
L'entraînement basé uniquement sur l'exercice augmente probablement le nombre de pas quotidiens chez les personnes ayant subi un AVC en phase chronique. En revanche, les preuves sont incertaines quant à l'effet de l'entraînement basé uniquement sur l'exercice ou des techniques de changement de comportement en ce qui concerne la modification des habitudes de mouvement après un accident vasculaire cérébral. Les auteurs disent que les « résultats mettent en évidence des protocoles d’intervention possibles pour aider les personnes victimes d’AVC à devenir plus actives et moins sédentaires » : nous ne sommes pas aussi optimistes. Pour atteindre cet objectif, nous préférons de loin une RCT correctement menée d’un point de vue méthodologique. 

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Ebpracticenet (7) rappelle qu'intensifier la thérapie active (plus d'heures de pratique) par rapport à l'exercice moins intense chez les patients présentant un AVC, conduit à une récupération plus rapide : le mouvement dissocié, la vitesse de marche, la vitesse maximale de marche, la distance, le tonus musculaire, l'équilibre assis et debout, l'exécution des activités de base de la vie quotidienne, la qualité de vie et le degré de la dépression et de l’anxiété sont améliorés (niveau 1) ; que l’entraînement d'habiletés spécifiques chez les patients ayant subi un AVC, tels que l'entraînement de l'équilibre dans la position debout et de la motricité fine (prise d’objet), a un effet positif sur l’agilité entraînée, dans toutes les phases de la réhabilitation (niveau 1) et que des méthodes d'exercices neurologiques ou des concepts de traitement (NDT/ Bobath) au niveau fonctionnel et moteur chez les patients atteints d'un AVC ne sont pas plus efficaces que d'autres traitements (niveau 1). Il est probable que des fonctionnalités améliorées telles que s'asseoir, se mettre debout, la marche et la dextérité main-bras soient influencées par l'apprentissage de stratégies d'adaptation (niveau 2).

 

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyses de bonne qualité méthodologique montre que, chez des patients en post-AVC, l’approche combinée d’exercices physiques et de techniques de changement de comportement augmente la marche et les activités modérées et vigoureuses dans la phase aigüe/subaigüe et que l’exercice physique seul a un impact sur la marche en phase chronique. De plus, seules des preuves de très faible à faible qualité soutiennent le recours à des interventions basées uniquement sur les techniques de changement de comportement après un AVC.

 

 


Références 

  1. 1. Kerr A, Rowe P, Esson D, Barber M. Changes in the physical activity of acute stroke survivors between inpatient and community living with early supported discharge: an observational cohort study. Physiotherapy 2016;102:327-31. DOI: 10.1016/j.physio.2015.10.010
  2. Schroyen V. Quelles sont les valeurs optimales pour l'intensité et la durée de la rééducation de la marche des patients en phase chronique d’un accident vasculaire cérébral (AVC)? Minerva Analyse 20/10/ 2023
  3. Boyne P, Bilinger SA, Reisman DS, et al. Optimal intensity and duration of walking rehabilitation in patients with chronic stroke: a randomized clinical trial. JAMA Neurol 2023:80:342-51. DOI: 10.1001/jamaneurol.2023.0033
  4. Oliveira SG, Ribeiro JA, Silva ÉS, et al. Interventions to change movement behaviors after stroke: a systematic review and meta-analysis. Arch Phys Med Rehabil 2024;105:381-410. DOI: 10.1016/j.apmr.2023.07.011
  5. Healy GN, Winkler EA, Owen N, et al. Replacing sitting time with standing or stepping: associations with cardio-metabolic risk biomarkers. Eur Heart J 2015;36: 2643-9. DOI: 10.1093/eurheartj/ehv308
  6. Cavero-Redondo I, Tudor-Locke C, Alvarez-Bueno C, et al. Steps per day and arterial stiffness. Hypertension 2019:73350–63. DOI: 10.1161/HYPERTENSIONAHA.118.11987
  7. Verbeek JM, van Weegen EE, van Peppen RP, et al. KNGF richtlijn CVA. Mis à jour par KNGF le 29/09/2016. Disponible sur : https://ebpnet.be/sites/default/files/2022-08/Beroerte%20praktijkrichtlijn.pdf . Cité et adapté par Ebpracticenet sur : https://ebpnet.be/fr/ebsources/1081

 




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