Revue d'Evidence-Based Medicine



À quels critères une étude qualitative doit-elle répondre ?



Minerva 2015 Volume 14 Numéro 2 Page 24 - 24

Professions de santé


À quels critères une <strong><a style="font-size:medium" data-toggle="popover" data-trigger="hover" title="étude qualitative" data-content="Une étude qualitative évalue des opinions, croyances, sentiments de personnes ou de petits groupes de personnes sur un sujet clairement délimité. Elle fait appel à des méthodes qualitatives telles que l’observation, l’interview, l’observation participative, le focus groupe et à des méthodes consensuelles (Delphi). Les résultats d’une recherche qualitative ne sont pas exprimés en chiffres et ne sont pas à généraliser.">étude qualitative</a></strong> doit-elle répondre ?

Comme nous l’avons déjà indiqué dans l’éditorial de ce numéro, les études qualitatives doivent, elles aussi, répondre à des critères méthodologiques pour permettre de tirer les conclusions correctes. Voici les principaux critères (1,2) :

1. L’échantillon choisi correspond-il  à la question de recherche ?

Il ne s’agit pas ici d’un nombre de personnes  nécessaire pour rejeter l’hypothèse nulle. En effet, dans les études qualitatives, le recrutement ne cesse que lorsque les entretiens ou les observations des nouveaux participants ne révèlent plus de nouvelles tendances ou de nouveaux thèmes. On parle alors de saturation. Dès lors, le traitement des données commence alors que les données ne sont pas encore toutes collectées.

Dans les études qualitatives, il importe non seulement que la problématique soit formulée de manière claire et précise, mais aussi que la population étudiée soit nettement délimitée : « À qui devons-nous faire passer l’entretien ? » « Qui devons-nous observer ? » « Quels textes devons-nous analyser ? » Si, par exemple, la question est de savoir pourquoi les guides de bonne pratique sont utilisés ou non au niveau de la première ligne, il est important d’organiser un entretien avec un groupe représentatif de médecins généralistes (3).

2. Les données sont-elles rassemblées de manière adéquate ?

Il est important, dans les études qualitatives, que la méthode suivie pour la collecte des données soit soigneusement décrite et justifiée, de préférence avec une référence à la littérature scientifique. La méthode d’observation doit en outre être adaptée à l’objet de la recherche (4). Si, par exemple, la question est de savoir comment les êtres humains se comportent dans des situations déterminées, l’observation participative est la méthode de recherche la plus valable. Dans cette méthode, par exemple, l’investigateur suit le médecin généraliste pendant la consultation. Si par contre la question est de connaître les différents avis sur un sujet particulier, les entretiens individuels seront pertinents. Enfin, si la question est de connaître les différentes opinions de tout un groupe, les focus groupes seront plus adéquats. Pour augmenter la fiabilité interne, plusieurs méthodes d’observation sont utilisées. On parle de triangulation, terme de géométrie qui désigne une technique permettant de déterminer l’emplacement exact d’un point depuis trois points de vue différents (5). Ainsi, avoir un entretien tant avec des patients à domicile qu’avec des patients hospitalisés peut être suffisant, ou bien, selon nécessité, les résultats d’entretiens, de focus groupes et d’observations seront croisés pour obtenir un résultat probant ou au moins plus compréhensible.

La qualité des données recueillies peut être affectée par un lien éventuel entre l’investigateur (par exemple un professionnel de la santé) et la population étudiée (par exemple le patient). Ainsi, il se peut que l’investigateur, étant trop impliqué, ignore des observations contradictoires (biais d’information). De plus, le sexe, l’origine ethnique, la profession et le statut social de l’investigateur peuvent influencer la validité interne de la collecte des données.

3. Les données sont-elles analysées de manière adéquate ?

Les études qualitatives doivent décrire de manière claire le protocole de l’étude, la méthode d’analyse des données et qui effectue l’analyse. Il existe différentes approches analytiques. Ainsi, dans les études qualitatives portant sur l’utilisation des guides de bonne pratique au niveau de la première ligne, un mode d’analyse particulier a été utilisé : l’analyse de contenu qualitative. Les éléments cités sont ainsi, après le codage, regroupés en catégories et en thèmes (3). Lorsque plus d’un investigateur est impliqué dans l’analyse des données, il faut aussi clairement décrire comment ont été traitées les différences dans le codage et l’analyse. Pour permettre une évaluation de la fiabilité externe ou de la reproductibilité, les données originales doivent être accessibles aux tiers. Le lecteur critique doit pouvoir comparer sa propre interprétation des éléments cités à celle des investigateurs (5).

4. Puis-je extrapoler les résultats de cette étude à mon propre contexte ?

En raison de la nature contextuelle des études qualitatives, chaque lecteur est invité à réfléchir et à décider si les résultats décrits sont transférables, extrapolables, à sa pratique particulière. Les investigateurs, lors de la discussion des résultats, peuvent aider cette réflexion en mettant à l’épreuve de la littérature scientifique déjà publiée les résultats observés.

Les résultats d’une étude qualitative peuvent souvent aussi étayer des concepts théoriques plus généraux. Ainsi, une étude qualitative portant sur l’utilisation des guides de bonne pratique chez les médecins généralistes a  contribué à mieux comprendre le processus décisionnel chez les médecins (3).

5. Les investigateurs tiennent-ils suffisamment compte d’éventuels aspects éthiques ?

Tout comme pour les études quantitatives, il existe pour les études qualitatives  des guides de bonne pratique et des comités d’éthique pour assurer le bon déroulement de la recherche. Dans les études qualitatives, les conséquences éthiques du recueil des données et de la mise à la disposition du public d’expériences personnelles doit être pris en compte. Outre le contrôle externe, il peut donc être également nécessaire d’inclure des mécanismes  protégeant les participants lorsqu’ils relatent leur histoire personnelle.

 

Références

  1. Kuper A, Lingard L, Levinson W. Critically appraising qualitative research. BMJ 2008;337:a1035.
  2. Kuper A, Reeves S, Levinson W. An introduction to reading and appraising qualitative research. BMJ 2008;337:a288.
  3. Anthierens S, Poelman T. Dans quelle mesure les guides de bonne pratique aident-ils le médecin généraliste dans sa pratique médicale ? MinervaF 2015;14(2):22-3.
  4. Hak T. Waarnemingsmethoden in kwalitatief onderzoek. Huisarts Wet 2004;47:502-8.
  5. van Zwieten M, Willems D. Waardering van kwalitatief onderzoek. Huisarts Wet 2004;47:631-5.

Auteurs

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

Glossaire

étude qualitative

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