Revue d'Evidence-Based Medicine



Implantation de la prévention en première ligne de soins : seuils et possibilités



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 10 Page 118 - 118

Professions de santé


 

Malgré l’investissement préférentiel du pouvoir en matière de santé dans la médecine curative, la rentabilité de la prévention à long terme fait de plus en plus de convaincus. Les débats durant la conférence de la première ligne de soins en décembre 2010 à Anvers en témoignent : la prévention était un des thèmes centraux. Les lignes directrices de son développement futur, approuvées par le ministre de la santé, sont exposées ci-dessous.

Il est convenu que les organisations professionnelles scientifiques et les centres universitaires, en collaboration avec et recevant cette mission du pouvoir, développent encore les bases scientifiques, la méthode d’implantation, un matériel plus complet pour la pratique clinique (les guides de pratique p. ex.) et déterminent quelles stratégies de prévention doivent être privilégiées par la santé publique. Ces institutions sont aussi les mieux placées sans doute pour prendre en charge l’implantation (formation complémentaire, promotion de l’expertise), la coordination et l’évaluation du projet prévention, en collaboration étroite avec tous les collaborateurs de la première ligne de soins, et les autorités.

Une bonne évaluation n’est possible que si elle est ancrée dans la littérature. En 1996 déjà, l’US Preventive Services Task Force (1) concluait que des stratégies méthodiques en prévention primaire sont plus efficaces pour la santé publique que de nombreuses recherches de routine non coordonnées. De telles observations ont été faites en Belgique, pour, par exemple, le dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus (voir les rapports du Centre d’Expertise Fédéral). La prévention peut être mieux faite (2,3). L’implantation des stratégies préventives pourrait être améliorée (4,5) et depuis une dizaine d’années, différentes études ont été effectuées pour déterminer les seuils de prévention pour les médecins généralistes et leurs patients (6,7). La publication récente d’une étude allemande exploratoire (8) en est un exemple. Les chercheurs, via des interviews standardisés de 16 médecins généralistes berlinois choisis au hasard et de 16 autres à Hanovre ont exploré les facteurs freinant ou favorisant l’implantation de la prévention, en ciblant la prévention chez les personnes âgées. Les facteurs inhibants au niveau des patients relevés par l’enquête sont : une classe sociale moins favorisée, un surcoût ajouté et une absence d’aide et d’encouragement dans l’environnement immédiat. Les barrières pour les médecins généralistes sont : un manque de temps, le ciblage préférentiel des soins aigus, des considérations financières, le manque de pouvoir de conviction, l’absence de mesures préventives prises pour soi-même et la non conviction de l’utilité de la prévention chez les personnes âgées. Un manque de motivation est un facteur limitant pour le médecin comme pour le patient. Le système de santé est lui aussi montré du doigt : très orienté vers les soins aigus, absence de politique d’investissement dans la prévention, ce qui se traduit par son remboursement insuffisant, une prise en charge trop fragmentée et un désintérêt total pour la prévention chez les personnes âgées. Les facteurs pouvant améliorer les stratégies de prévention sont l’information du patient via internet ou les media l’impliquant comme demandeur et le motivant, la survenue d’une situation de crise dans sa santé individuelle pouvant servir de moment d’initiation d’une prévention (secondaire) et le fait qu’il soit prêt à accepter une effort financier supplémentaire. Pour ce qui concerne le médecin généraliste, les facteurs favorisant la prévention sont : des expériences passées positives telles qu’un investissement en temps récompensé par une meilleure observance et une plus grande motivation du patient, un soutien financier.

Il n’est pas étonnant que la motivation et les efforts pour la prévention de ces médecins allemands diminuent quand l’observance et la motivation des patients sont elles aussi très faibles. La situation de pression de travail fort élevée en Allemagne (243 contacts patients par semaine, semaine de travail de 51 heures) est aussi un facteur limitant supplémentaire. Les médecins généralistes interrogés dans cette étude considèrent aussi comme un point négatif une insuffisance de connaissances en matière de stratégies préventives et d’aptitudes de communication, éléments précédemment soulignés par Kilbourne (9). Les médecins familiarisés avec le modèle transthéorique de Prochaska et Di Clemente encourent moins le risque de perdre leurs illusions et développent des attitudes plus efficientes et professionnelles (10).

 

La prévention acquiert, en Belgique aussi, tout doucement plus l’attention des media, du monde politique et des professionnels. Le DMG plus et le guide de santé de Domus Medica (11) comme fils conducteurs de prévention en sont des exemples. Minerva applaudit cette évolution et apporte sa pierre à l’édifice pour une vigilance accrue quant aux preuves scientifiques et à l’ardoise coût-bénéfice de toute initiative en prévention.

 

 

Références

  1. U.S. Preventive Services Task Force. Guide to Clinical Preventive Services. 2nd ed. Alexandria, Virginia: International Medical Publishing, Inc.; 1996.
  2. Paulus D, Mambourg F, Bonneux L. Dépistage du cancer du sein . Bruxelles : Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE); 2005 avril. KCE Reports vol. 11B.
  3. Hulstaert F, Arbyn M, Huybrechts M, et al. Dépistage du cancer du col de l’utérus et recherche du Papillomavirus humain (HPV). Health Technology Assessment (HTA). Bruxelles : Centre Fédéral d'Expertise des Soins de Santé (KCE); 2006. KCE reports vol. 38B.
  4. Lichtenstein AH, Appel LJ, Brands M, et al. Diet and lifestyle recommendations revision 2006: a scientific statement from the America Heart Association Nutrition Committee. Circulation 2006;114:82-96.
  5. Bocquier A, Verger P, Basdevant A, et al. Overweight and obesity: knowledge, attitudes, and practices of general practitioners in france. Obes Res 2005;13:787-95.
  6. Brotons C, Björkelund C, Bulc M, et al; EUROPREV network. Prevention and health promotion in clinical practice: the views of general practitioners in Europe. Prev Med 2005,40:595-601.
  7. De Muylder R, Lorant V, Paulus D, et al. Obstacles to cardiovascular prevention in general practice. Acta Cardiol 2004; 59:119-25.
  8. Walter U, Flick U, Neuber A, et al. Putting prevention into practice: qualitative study of factors that inhibit and promote preventive care by general practitioners, with a focus on elderly patients. BMC Fam Pract 2010;11:68.
  9. Kilbourne AM, Neumann MS, Pincus HA, Bauer MS, Stall R: Implementing evidence-based interventions in health care: application of the replicating effective programs framework. Implement Sci 2007;2:42.
  10. Cohen SJ, Halvorson HW, Gosselink CA. Changing physician behavior to improve disease prevention. Prev Med 1994;23:284-91.
  11. Gezondheidsgids Domus Medica.
Implantation de la <strong><a style="font-size:medium" data-toggle="popover" data-trigger="hover" title="prévention" data-content="Trois niveaux de prévention peuvent être distingués. La prévention primaire englobe toutes les interventions ou activités visant à la prévention d’une maladie. Ces interventions visent les facteurs étiologiques de la maladie, par exemple l’arrêt du tabac pour éviter le cancer du poumon ou la vaccination pour prévenir des maladies infectieuses. La prévention secondaire vise à influencer favorablement l’évolution d’une maladie par un diagnostic précoce, par exemple par un dépistage de l’hypertension ou par une recherche de cas de diabète sucré. La prévention tertiaire vise à améliorer la santé des personnes souffrant d’une maladie (chronique) en accélérant la guérison ou en évitant des complications. L’administration d’acide acétylsalicylique après un accident vasculaire cérébral ou le contrôle de la glycémie ainsi que l’éducation de la personne diabétique sont des exemples de prévention tertiaire.">prévention</a></strong> en première ligne de soins : seuils et possibilités

Auteurs

De Cort P.
em. Huisartsgeneeskunde, KU Leuven
COI :

Mots-clés

prévention

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