Revue d'Evidence-Based Medicine
Comparaisons indirectes (suite)
Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM
La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM). |
Concepts principaux
Nous avons déjà abordé dans cette rubrique la validité des comparaisons indirectes à propos des méta-analyses en réseau (1). Après une recherche méthodique des méta-analyses de ce type, Song et coll. (2) soulignaient l’importance des concepts de similarité, d’homogénéité et de cohérence pour ces comparaisons indirectes. Ces trois concepts sont le pendant de celui d’homogénéité pour des méta-analyses de comparaisons directes. Donegan et coll. (3) ont plus récemment publié une autre synthèse de la littérature reprenant des comparaisons indirectes, publication complétant utilement celle de Song. Ils proposent, en effet, un canevas d’analyse des comparaisons indirectes, avec des critères précis, canevas qui pourrait servir de base à un consensus toujours manquant dans ce domaine. Nous reprenons leur canevas général, complété et enrichi par les publications de Michel Cucherat sur le web (4).
Critères précisés
1. Méthode de comparaison indirecte
La méthode de comparaison doit être décrite et elle doit être adéquate. La comparaison ne peut pas être « naïve » et elle doit préserver la randomisation des études originales. Des exemples de techniques adéquates : comparaison indirecte ajustée, modèle linéaire mixte (mixed treatment comparison – MTC), méthodes Bayesiennes, méta-régression (3).
2. Recherche et sélection des études
Comme pour toute méta-analyse, la recherche dans la littérature doit être exhaustive (études publiées et non publiées) et la sélection effectuée en fonction de la qualité méthodologique des publications.
3. Similarité et stabilité
Pour rappel, la similarité (similarity) porte sur un volet clinique (caractéristiques similaires des patients et des pathologies, des interventions, des cotraitements, des contextes d’étude, de la durée de suivi, des critères de jugement) mais aussi sur un volet méthodologique (risque de biais dans les études). Il n’existe pas de méthode robuste permettant de certifier une similarité. Celle-ci peut cependant être cernée par différentes approches : analyses en sous-groupes, de sensibilité ou en méta-régression.
Il est également important de vérifier la stabilité des effets ; s’il y a des covariables d’interaction avec les traitements (par exemple un effet différent selon que le patient est ou non diabétique), il faut que ces covariables soient pareillement représentées dans les études comparées (par exemple une même proportion de patients diabétiques). Des analyses en sous-groupes ou un test d’interaction permettent d’évaluer la stabilité des effets.
4. Homogénéité
L’homogénéité doit être évaluée dans les deux (ou davantage) études qui font l’objet de la comparaison indirecte, avec les mêmes méthodes que celles utilisées pour les méta-analyses classiques. L’hétérogénéité est évaluée par inspection visuelle d’un forest-plot, un test Chi², un test I² de Higgins. La présomption d’homogénéité doit être suffisante. En cas d’hétérogénéité, les analyses doivent être faites en modèle d’effets aléatoires. Une hétérogénéité doit être explorée dans des analyses en sous-groupes, de sensibilité ou de méta-régression. En cas d’hétérogénéité clinique trop importante, une méta-analyse ne peut être faite. Tous ces éléments doivent être bien décrits.
5. Cohérence
L’évaluation de la cohérence (consistency) entre les résultats des comparaisons directes et indirectes doit être effectuée suivant un processus approprié, quoi qu’il n’y ait pas de consensus universel sur la méthodologie à utiliser (5). Dans un réseau d’études, plusieurs chemins sont possibles pour comparer deux traitements ; il est important qu’il n’y ait pas d’incohérence entre ces différents chemins (par exemple entre plusieurs comparaisons indirectes). En cas de cohérence suffisante, le rapport doit mentionner les résultats pour les comparaisons directes et pour les comparaisons indirectes ainsi que la méthode utilisée pour sommer les deux. En cas d’absence de cohérence, les résultats ne peuvent pas être sommés. Ici aussi, les causes de la non cohérence doivent être analysées : limites méthodologiques dans les comparaisons directes ou indirectes (biais), diversité clinique importante entre patients inclus, association des deux éléments.
6. Interprétation
Les auteurs doivent faire une distinction nette entre les comparaisons directes et celles qui sont indirectes et mentionner également la nécessité ou non de comparaisons directes ultérieures. Une absence de différence ne signifie jamais équivalence.
7. Mentions
Pour ces comparaisons indirectes, la synthèse doit mentionner dans les méta-analyses les résultats des deux groupes de traitement. Les auteurs doivent décrire l’apport complémentaire de la comparaison indirecte effectuée et bien décrire les traitements administrés dans chacune des études.
Références
- Chevalier P. Méta-analyse en réseau : comparaisons directes et indirectes. MinervaF 2009;8(10):148.
- Song F, Loke YK, Walsh T, et al. Methodological problems in the use of indirect comparisons for evaluating healthcare interventions: survey of published systematic reviews. BMJ 2009;338:b1147.
- Donegan S, Williamson P, Gamble C, Tudur-Smith C. Indirect comparisons: a review of reporting and methodological quality. PLoS One 2010;5:e11054.
- Cucherat M. Comparaisons indirectes et méta-analyse en réseau. Dans: Interprétation des essais cliniques pour la pratique médicale. Faculté de médecine Lyon – Laennec http://www.spc.univ-lyon1.fr/polycop/ (consulté le 9 février 2011).
- Glenny AM, Altman DG, Song F, et al; International Stroke Trial Collaborative Group. Indirect comparisons of competing interventions. Health Technol Assess 2005;9:1-134.
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