Revue d'Evidence-Based Medicine



Précision d’un test diagnostique et prévalence



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 4 Page 51 - 51

Professions de santé


 

Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM

La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM).

 

Pour nous guider dans notre démarche diagnostique, nous utilisons selon les cas un ou différents tests. Nous avons recours à des tests permettant de confirmer si le résultat est positif (force probante) ou d’exclure si le résultat est négatif (force excluante) notre hypothèse diagnostique avec plus ou moins de certitude. Ces forces probante et excluante reposent en fait sur la sensibilité et la spécificité des tests (voir glossaire de Minerva pour les formules).

La sensibilité et la spécificité des tests sont majoritairement évaluées en dehors de la population consultant en médecine générale, niveau de soins où la prévalence d’une pathologie est moindre que dans un niveau de référence avec sélection des patients qui sera donc (très souvent) à prévalence plus forte. La prévalence de l’affection recherchée dans la population testée modifie-t-elle la sensibilité et la spécificité des tests ? Selon la définition mathématique de ces deux derniers concepts, la réponse est non. En est-il de même dans la réalité des études ?

 

Prévalence et variations

La prévalence est le nombre de malades (ou de maladies) dans une population à un moment donné (prévalence ponctuelle). Elle est généralement exprimée par le nombre de malades divisé par le nombre total de personnes examinées qui risquent de présenter cette maladie (exprimé pour 1 000 ou 10 000 personnes).

Dans des situations particulières, certaines variations cliniques ou liées au testing (variations dites artéfactuelles) peuvent modifier la prévalence estimée, en modifiant également la sensibilité et la spécificité de tests (1).

 

Variations cliniques

1. Le spectre de la maladie

La population de patients invités pour le test possède des caractéristiques démographiques, de sévérité plus ou moins grande de la maladie, des symptômes, des comorbidités présentes, du contexte de soins (2).

Selon le niveau de soins auquel le test est pratiqué, si ces caractéristiques changent, la sensibilité et la spécificité du test peuvent être différentes. La prévalence de l’affection est également différente d’où le lien entre prévalence différente et précision de test différente. Cette différence est bien liée aux différences de « spectre » des patients concernés. A spectre égal, la précision du test reste identique (sauf autre biais).

La question à se poser est donc : le spectre des patients inclus dans cette étude diagnostique est-il le même que celui des patients pour lesquels je veux utiliser ce test ?

2. Le filtre d’un test précédent

Si les patients sont présélectionnés sur base des résultats d’un test précédent, le spectre des patients testés est modifié. Les patients référés en deuxième et troisième lignes sont ainsi « filtrés » avec modification de la prévalence de la pathologie.

De la même façon, si un traitement est instauré avant la réalisation du test de référence, la sensibilité et la spécificité de celui-ci seront injustement diminuées (biais du paradoxe du traitement).

3. Le préjugé de l’examinateur

Suivant l’hypothèse diagnostique de l’examinateur et son degré de certitude, un seuil variable peut être parfois fixé avec certains tests diagnostiques (biais de préjugé). La connaissance des résultats d’autres tests (et du test de référence) joue ici également un grand rôle. La prévalence (à son niveau) influence le « préjugement » de l’examinateur.

 

Variations artéfactuelles

1. Inclusion sélective de patients

Calculer par exemple la sensibilité d’un test pour le diagnostic du glaucome dans un groupe de patients avec glaucome sévère et la spécificité de ce même test chez des patients volontaires sains représente un artéfact certain, en lien aussi avec la prévalence.

2. Biais de vérification

Dans une étude d’évaluation d’un test diagnostique, tous les patients doivent bénéficier du test index et d’un test de référence. L’exécution du test de référence chez certains patients seulement après le test index, en fonction ou non de son résultat ou de la suspicion prétest (en fonction de la prévalence), constitue des biais de vérification (partielle). Autre biais possible, la pratique d’autres tests complémentaires, de manière sélective.

3. Etalon de référence imparfait

La précision d’un test est basée sur la supposition que le test de référence a une précision (sensibilité et spécificité) de 100%, ce qui est illusoire. Au moins performant est le test étalon de référence au plus l’évaluation de la prévalence de la pathologie est insuffisante, au plus la précision du test index est moindre, et aussi au plus la sensibilité augmente et la spécificité diminue pour le test index en fonction de l’augmentation de la prévalence (constaté dans plusieurs études (1)).

 

Ces notes concernent uniquement les relations entre biais, prévalence et précision des tests. De nombreux autres biais pour les études diagnostiques ne sont pas décrits ici ; le Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Diagnostic Test Accuracy (2) vous en apprendra beaucoup plus à ce sujet.

Il reste à évaluer si une différence de prévalence, via différents biais, modifie la précision, la force probante et la force excluante d’un test de manière cliniquement pertinente.

 

 

Références

  1. Leeflang M, Bossuyt P, Irwig L. Diagnostic test accuracy may vary with prevalence: implications for evidence-based diagnosis. J Clin Epidemiol 2009;62:5-12.
  2. Reitsma JB, Rutjes AWS, Whiting P, et al. Chapter 9: Assessing methodological quality. In: Deeks JJ, Bossuyt PM, Gatsonis C (editors), Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Diagnostic Test Accuracy Version 1.0.0. The Cochrane Collaboration, 2009. http://srdta.cochrane.org/sites/srdta.cochrane.org/files/uploads/ch09_Oct09.pdf (consulté le 11 mars 2011).
Précision d’un test diagnostique et prévalence

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires