Revue d'Evidence-Based Medicine



Collaboration médecins généralistes et spécialistes au profit du patient : perspectives



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 11 Page 125 - 125

Professions de santé


 

Le généraliste, par sa fonction de synthèse et d’intégration, est amené à se coordonner avec un grand nombre de spécialistes. Chaque généraliste a son carnet d’adresses. Des contacts noués au fil de sa pratique, avec lesquels il y a « même longueur d’onde » sur la manière de prendre les patients en charge. De préférence des spécialistes qui donnent des informations, des nouvelles du patient, le renvoient pour un accompagnement conjoint, sont disponibles pour un conseil par téléphone. Lorsque le patient s’adresse directement à la médecine spécialisée, la prise de contact dépendra du spécialiste en question, de ce qu’il juge utile, de la place qu’il accorde au généraliste…

Notre système de soins, par son mode de financement, par l’absence d’échelonnement et de partage clair des tâches, n’encourage pas la collaboration, mais plutôt la concurrence entre acteurs, sans privilégier la première ligne de soins.

Comment permettre des méthodes de collaboration planifiées, intégrées dans la pratique quotidienne, adaptées à chaque patient individuel, et qui ne dépendent pas uniquement de l’initiative et de la bonne volonté de chaque acteur ?

 

Une récente revue de littérature (1) s’est concentrée sur la « communication interactive » entre spécialistes et généralistes, c’est-à-dire soutenue via différents média : rencontres, consultations conjointes, vidéoconférences, rendez-vous téléphoniques, échanges de courriels, notes électroniques partagées, ... Ses résultats sont éloquents : abaissement des taux d’hémoglobine glyquée lorsque l’interaction est organisée entre généralistes et diabétologues ; amélioration des indicateurs sur les échelles de mesure de la dépression lorsqu’il y a interaction entre généralistes et psychiatres. Les résultats obtenus sont parfois supérieurs à ceux de protocoles thérapeutiques basés sur une intervention médicamenteuse ! 

 

Les Systèmes Intégrés de Soins à Domicile, les trajets de soins pour diabétiques et insuffisants rénaux, les réseaux multidisciplinaires locaux sont autant de tentatives pour soutenir une meilleure coordination entre acteurs de soins, et notamment entre généralistes et spécialistes. Ces initiatives (plus ou moins controversées, plus ou moins réussies) ont le mérite de replacer le généraliste comme acteur incontournable dans l’accompagnement au long cours des patients.

La coordination des activités est un pas en avant, mais dont l’organisation actuelle semble ne pas considérer un élément essentiel : le dialogue entre les acteurs. Plus que de se coordonner, il s’agit de collaborer : travailler ensemble, autour d’un même patient.

La différence qualitative entre deux manières de se « coordonner » peut être décrite dans la distinction entre « coordination organisationnelle » et « coordination relationnelle » (2). La plupart des mesures mises en place en Belgique relèvent de la coordination organisationnelle ; des mécanismes formels visent à augmenter la qualité et l’efficience des interactions entre acteurs. La coordination relationnelle se réfère à l’interaction entre des acteurs sensés collaborer. Elle nécessite 4 dimensions de communication : fréquente, opportune, exacte (précise) et visant la résolution de problèmes. Et trois dimensions relationnelles : le partage de connaissances, des buts communs, et le respect mutuel.

 

Les cercles de médecins généralistes sont un bel exemple de travail en commun entre généralistes. Ils font émerger des collaborations et des projets nouveaux. Ceux-ci pourraient être le point d’appui de l’organisation d’un dialogue avec les hôpitaux de référence. Certains cercles ont déjà pris des initiatives dans ce sens. 

Des expériences pilotes (sous forme de recherche-action) permettent de développer les conditions de la collaboration, à partir d’un contexte et par les acteurs locaux. Certaines ont permis de tirer des leçons qui les rendent reproductibles en d’autres lieux. Les projets SYLOS développés à Antwerpen, Bruxelles et Malmedy (3) ont montré des résultats positifs à partir de rencontres régulières entre acteurs autour de cas pratiques (e.a. prises de décisions en commun par des internistes et des généralistes, …). Pourquoi ne pas lancer d’autres projets du même type à l’initiative de cercles de médecins généralistes, moyennant un financement approprié ? Par exemple avec un hôpital psychiatrique, dans le cadre du virage ambulatoire de gestion de problèmes psychiatriques, qui s’amorce suite à la déclaration pour la santé mentale en Europe (4) ? Une manière de réaffirmer la place de la première ligne…

 

Se respecter mutuellement, reconnaître les compétences de chacun, se partager les tâches et les fonctions, ensemble, par le dialogue, en fonction des besoins locaux. Oser confier son patient à l’autre, spécialiste ou généraliste. Au-delà de quelques bonnes volontés. Encore mieux : en collaboration avec le patient lui-même, son entourage, et les autres acteurs de soins. C’est possible. 

 

Références

  1. Foy R, Hempel S, Rubenstein L, et al. Meta-analysis: effect of interactive communication between collaborating primary care physicians and specialists. Ann Intern Med 2010;152:247-58.
  2. Longest BB, Young GJ. Coordination and communication. In: Shortell M, Kaluzny AD, eds. Health Care Management: Organizations Design and Behavior. 4th ed. Albany, NY: DelmarThomson Learning;1999:210-43.
  3. Unger JP. Les systèmes locaux de santé (SYLOS), une démarche de recherche-action pour l’amélioration de la coordination entre hôpital et médecins généralistes. Santé Conjuguée n° 30, oct 2004, p. 29-32.
  4. OMS. Déclaration sur la santé mentale pour l’Europe. Helsinki, 2005.
Collaboration médecins généralistes et spécialistes au profit du patient : perspectives

Auteurs

Heymans I.
médecin généraliste et de santé publique, secrétaire générale de la Fédération des Maisons Médicales et des Collectifs de Santé francophones
COI :

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