Revue d'Evidence-Based Medicine
Editorial : Dans le cadre de la prévention
L'image éternelle de la santé c'est l'enfant qui court vers la mer sans se demander si son coeur peut supporter un tel effort, et qui s'arrête spontanément quand il a atteint sa limite. La santé c'est l'oubli de la santé. (1) |
Le précédent éditorial de la Revue Minerva, abordait l’examen de santé périodique, son contenu, les caractéristiques auxquelles il doit répondre et les obligations des pouvoirs publics dans ce domaine. Il nous semblait intéressant de poursuivre cette réflexion sur le cadre plus large de la prévention avec ses implications pour les soignants et les patients.
Du point de vue des médecins, la prévention concerne principalement la médecine préventive qui s’intéresse à l’amont des maladies. Elle cible les facteurs de risque médicaux de ces maladies : hypertension artérielle, obésité, tabac, cholestérol… En amont de cet amont, il existe des déterminants non médicaux de la santé, communs à plusieurs maladies chroniques : l’éducation, l’habitat et l’environnement, l’emploi ou le non emploi, la sécurité financière. L’étude et la prise en compte de ces déterminants constituent la promotion de la santé. Les médecins y sont impliqués en tant que citoyens et peuvent y apporter leur collaboration même si ce domaine se situe en dehors de la dispensation stricte de soins. Leur collaboration étroite est, par contre, indispensable dans le domaine de l’éducation thérapeutique et de l’éducation pour la santé.
Droits et attentes des patients
Le dépistage doit aussi respecter les Droits des patients et de l’usager des services de santé. Ceux-ci doivent être avertis de l'examen qui va être effectué. Ils doivent en recevoir les résultats au cours d'un colloque singulier comportant les conseils inhérents aux résultats. Le dépistage doit non seulement obéir aux règles de la confidentialité, mais il doit aussi viser un bénéfice pour la santé de la personne acceptant le dépistage (2,3).
Dans cette optique, les effets négatifs (notamment psychologiques) de ces examens doivent être bien évalués, entre autres : effets secondaires du test en lui-même (perforation du colon, irradiations des mammographies, etc.), effets secondaires de résultats faussement positifs (par exemple un mammotest « positif » demande toujours des examens complémentaires pour diagnostiquer un cancer une fois sur dix, seulement), de l’inquiétude générée par le vécu du dépistage et le délai entre l’examen et la confirmation des résultats, de mise en évidence et traitement (inutile) de pathologies qui ne seraient pas devenues symptomatiques (problème de « surdiagnostic » et de « surtraitement »).
Contrairement à ce que de nombreux médecins pensent, les patients sont demandeurs de plus de prévention. Les médecins généralistes devraient donc offrir davantage de possibilités d’examens mais aussi de mesures préventives à leurs patients, étant à une place essentielle pour approcher le patient de manière globale, comme une personne entière vivant dans une famille, un quartier, dépositaire de connaissances, d’une culture propre en matière de santé. En ayant la possibilité d’intégrer tous ces éléments, le médecin généraliste a la possibilité d’adapter la prévention à l’agenda du patient, y compris à son refus (temporaire), et de lever ainsi une partie des obstacles à la prévention.
Science et conscience
Pour mieux situer la prévention dans ce cadre de la rencontre médecin/patient, il est conceptuellement possible de mettre en relation et en tension la connaissance du médecin (son diagnostic scientifique, «disease» en anglais) avec la perception du patient (sa conscience de soi, «illness» en anglais), en croisant en quelque sorte science et conscience comme le rappelle Michel Roland (4).
Maladie absente |
Maladie présente |
|
Bonne santé ressentie par le patient |
Champ I |
Champ II |
Etat de maladie ressenti par le patient |
Champ IV |
Champ III |
Dans ces quatre champs ainsi situés, il est possible d’inscrire les notions plus connues de prévention primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire. Si les trois premières sont bien connues, la prévention quaternaire ne fait pas partie de l’enseignement classique. Elle nous appelle à être plus attentifs à l’identification des patients à risque de surmédicalisation, afin de les protéger d’interventions médicales invasives, en ne leur proposant que des procédures scientifiquement et éthiquement acceptables.
Pour aborder la prévention dans le cadre de la rencontre médecin/patient, il faut également se pencher sur les aspects de communication entre ces deux personnes. Pour systématiser et donc mieux enseigner l’apprentissage de la communication aux professionnels de santé, des outils pédagogiques ont été élaborés, insistant sur l’enseignement thérapeutique et sur la motivation du patient (5). Un tel apprentissage est indispensable pour tout praticien désirant mettre son propre agenda en relation avec celui de son patient, gage d’une démarche préventive comme thérapeutique adaptée individuellement.
La médecine générale est un lieu de prédilection pour la prévention ; les bases conceptuelles d’une bonne communication entre médecin et patient dans ce domaine sont élaborées (6) et validées ; des projets précis, basés sur les preuves scientifiques d’efficacité nécessaires (7,8), sont proposés, avec des programmes de mise en pratique adaptés ou en voie de l’être. La prévention nous invite.
Références
- Dufresne J. La Santé. Dans: Traité d’anthropologie médicale : l’institution de la santé et de la maladie. PUL 1985, p. 985-1013
- Conseil Supérieur de Promotion de la Santé, Examens de dépistages : pour de bonnes pratiques, Ministère de la Santé en Communauté Française de Belgique, août 2007.
- Lemiengre M. Examen de santé périodique [Editorial]. MinervaF 2008;7(2):17.
- Roland M. Des outils conceptuels et méthodologiques en médecine générale. Thèse de Docteur en Santé Publique, ULB, mars 2006.
- Lussier MT, Richard C. Les fonctions de l’entrevue médicale et les stratégies communicationnelles. Dans: La communication professionnelle en santé. Ed: Le Renouveau Pédagogique, Québec 2005.
- Nabarette H. L’internet médical et la consommation d’information par les patients. Réseaux 2002;4:249-86.
- Boulware LE, Marinopoulos S, Philips KA, et al. Systematic review: the value of the periodic health evaluation. Ann Intern Med 2007;146:289-300.
- Maciosek MV, Coffield AB, Edwards NM, et al. Priorities among effective clinical preventive services: results of a systematic review and analysis. Am J Prev Med 2006;31:52-61.
Auteurs
Chevalier P.
médecin généraliste
COI :
Laperche J.
Centre Académique de Médecine Générale, UCL et Fédération des Maisons Médicales
COI :
Glossaire
Code
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