Revue d'Evidence-Based Medicine



En cas de SAOS léger, moins de somnolence avec une CPAP ?



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 8 Page 118 - 119

Professions de santé


Analyse de
Référence: Marshall NS, Barnes M, Travier N, et al. Continuous positive airway pressure reduces daytime sleepiness in mild to moderate obstructive sleep apnoea: a meta-analysis. Thorax 2006;61:430-4.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’une délivrance d’air sous pression positive continue (CPAP) versus placebo sur la somnolence diurne de patients présentant un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) léger à modéré ?


Conclusion
Cette étude chez des patients présentant un syndrome d’apnées du sommeil (SAOS) léger à modéré conclut que, versus placebo, la délivrance d’air sous pression positive continue (CPAP) diminue la perception subjective de somnolence diurne. Les études incluses sont cependant de courte durée et l’efficacité montrée est cliniquement peu pertinente. Les risques pour la santé des formes légères à modérées de SAOS sont mal connus et la CPAP est un traitement contraignant. Nous ne disposons donc pas actuellement des preuves nécessaires pour recommander la CPAP en cas de SAOS léger à modéré. Ces conclusions ne concernent pas les patients présentant une forme sévère de SAOS.


 
 

Résumé

 

Contexte

La délivrance d’air sous pression positive continue prévient l’obstruction des voies respiratoires durant le sommeil (1) et diminue la somnolence diurne chez des patients présentant un SAOS sévère (index apnées-hypopnées > 30/h) (2). Dans les guides de pratique, la CPAP est considérée comme un traitement de premier choix en cas de SAOS modéré à sévère (3). L’efficacité de la CPAP sur la somnolence diurne chez des patients présentant un SAOS léger à modéré (5/h < index d’apnées-hypopnées <30/h) n’avait pas encore été évaluée.

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

Sources consultées

  • MEDLINE (de 1994 à 2004)
  • “connaissances personnelles des auteurs”, RCTs antérieures, méta-analyses et synthèses (y compris celles de la Cochrane Collaboration).

Etudes sélectionnées

  • études randomisées, contrôlées, d’une durée d’au moins un mois
  • évaluant une CPAP titrée manuellement versus placebo (prise d’un comprimé oral placebo ou CPAP factice) ou versus traitement conservateur (avis pour une perte de poids, hygiène du sommeil, abstention d’alcool et de sédatifs)
  • chez des patients avec un SAOS léger à modéré (5/h< index d’apnées-hypopnées<30/h)
  • 296 études identifiées ; 7 incluses
  • total de 418 patients (25 à 125 par étude)
  • groupe contrÖle : prise de comprimés (N=4) ; traitement conservateur (N=2); CPAP factice (N=1)
  • durée d’étude : 3 à 24 semaines
  • sorties d’étude : de 6 à 33%.

Population concernée

  • âge moyen : 44 à 54 ans
  • 52 à 86% d’hommes
  • BMI moyen : 29 à 33 kg/m²
  • Epworth Sleepiness Scale (ESS) avant traitement : 10 à 14.

Mesure des résultats

Résultats

  • CPAP versus placebo : amélioration significative de l’ESS de 1,2 points (IC à 95% de 0,5 à 1,9 ; p=0,001) (N=7)
  • MWT significativement amélioré de 2,1 minutes (IC à 95% de 0,5 à 3,7 ; p=0,011) (N=2)
  • diminution du MSLT de 0,2 minute (IC à 95% de -1,0 à 0,6 ; p=0,74) (N=4).

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que la CPAP diminue la somnolence subjective et augmente la vigilance objective chez des patients présentant un syndrome d’apnées obstructives du sommeil léger à modéré. L’efficacité sur la somnolence est cliniquement peu pertinente.

Financement

Massey University et Sleep Wake Research Centre

Conflits d’intérêt

Aucun n’est déclaré.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs ne consultent qu’une seule banque de données (MEDLINE) pour leur recherche systématique dans la littérature et ont, complémentairement, recours à leurs « connaissances personnelles », sans préciser en quoi elles consistent. Un biais de citation est donc possible. Il faut souligner que deux chercheurs sont les premiers auteurs de trois publications incluses (sur un total de sept). Suivant les auteurs, le funnel plot (non publié) ne montre pas de biais de publication, mais cette méthode n’est pas fiable quand il y a peu d’études (sept dans ce cas). La qualité méthodologique des études est modérée (score de Jadad 3/5). Seule une étude compare la CPAP avec une CPAP factice (n’améliorant pas, au niveau polysomnographique, les troubles respiratoires durant le sommeil). La pression de la CPAP devant être régulièrement adaptée, une évaluation en double aveugle n’est également pas possible dans ce cas. Plus de la moitié des études est en permutation. Une analyse secondaire des études soit en permutation soit en parallèle montre cependant une efficacité de la CPAP dans les deux cas. Aucune étude ne protocole une période de lavage, ce qui entraîne un risque d’effet résiduel. Le taux de sorties d’étude est, dans certaines recherches, supérieur à 30%, ce qui limite également la validité des résultats.

Interprétation des résultats

Les chercheurs ont utilisé, comme critère d’inclusion, un index d’apnées-hypopnées (AHI) > 5 et <30. Cet index ne possède qu’une faible valeur prédictive de la sévérité de la somnolence diurne et des autres symptômes associés à un syndrome d’apnées du sommeil.(4). Le score ESS moyen étant de 10 à 14 pour les patients inclus, nous pouvons en conclure que ceux-ci présentent un syndrome d’apnées du sommeil léger. L’amélioration subjective du sommeil, mesurée par l’ESS est parallèle à l’amélioration objective de ce critère, mesurée par le MWT, mais il n’en est pas de même pour le MSLT. C’est surtout la tendance à tomber endormi à des moments inappropriés (mesurée par le MWT) qui est gênante et diminuer cette propension est cliniquement plus pertinent que d’augmenter le temps de latence du sommeil (MSLT) quand il est permis de s’assoupir. La pertinence de l’ampleur d’effet pour le MWT pose question. Il est dommage que cette étude n’évalue pas les complications cliniques de ce syndrome, mais leur durée est trop courte pour se faire et, d’autre part, nos connaissances quant à ces complications restent imprécises. Si ce syndrome semble, à court terme, altérer les performances cognitives et augmenter le risque d’accidents liés à la somnolence, un risque accru d’hypertension artérielle n’est pas clairement établi, pas plus qu’un lien avec une surmortalité ; un lien avec les maladies cardio-vasculaires est controversé. Un risque plus élevé d’insuffisance respiratoire diurne et d’hypertension artérielle pulmonaire est cependant présent chez les patients cumulant BPCO et SAOS (7). 

La nomenclature belge autorise un remboursement de la CPAP pour les patients présentant un SAOS avec un AHI > 20.

Autres études

Une récente synthèse Cochrane (36 RCTs incluant un total de 1 718 patients) (4) effectue une analyse en sous-groupes qui ne montre aucune différence entre les études incluant des formes léères, modérées ou sévères de ce SAOS ; par contre, elle montre une différence entre études en permutation et recherches en groupe parallèles : l’efficacité de la CPAP paraît plus importante dans les études en groupes parallèles de patients avec un score ESS>14. Une telle efficacité n’est pas observée dans les études avec permutation. Pas davantage de lien entre AHI initial et réponse à la CPAP. Les trois études avec groupes parallèles montrent une amélioration en faveur de la CPAP pour le fonctionnement physique et la qualité de vie évaluée au questionnaire SF-36.  Les études évaluant l’effet sur la pression artérielle montrent une diminution de cette pression sous CPAP. Une méta-analyse récente y ajoute que l’efficacité est d’autant plus grande que l’AHI augmente (5). La pertinence clinique de ces résultats reste imprécise, les études se déroulant sur moins de douze mois. Une supériorité de la CPAP sur des médicaments en termes d’amélioration de la somnolence ou d’autres critères des SAOS reste à préciser (4,6). La plupart des études observent moins de sorties avec la CPAP (4).  

  

 

Conclusion

 

Cette étude chez des patients présentant un syndrome d’apnées du sommeil (SAOS) léger à modéré conclut que, versus placebo, la délivrance d’air sous pression positive continue (CPAP) diminue la perception subjective de somnolence diurne. Les études incluses sont cependant de courte durée et l’efficacité montrée est cliniquement peu pertinente. Les risques pour la santé des formes légères à modérées de SAOS sont mal connus et la CPAP est un traitement contraignant.  Nous ne disposons donc pas actuellement des preuves nécessaires pour recommander la CPAP en cas de SAOS léger à modéré. Ces conclusions ne concernent pas les patients présentant une forme sévère de SAOS.

 

 

Références

  1. Sullivan CE, Issa FG, Bethon-Jones M, Eves L. Reversal of obstructive sleep apnoea by continuous positive airway pressure applied through the nares. Lancet 1981;1:862-5.2.
  2. Patel SR, White DP, Malhotra A, et al. Continuous positive airway pressure therapy for treating sleepiness in a diverse population with obstructive sleep apnea: results of a meta-analysis. Arch Intern Med 2003;163:565-71.
  3. The Scottish Intercollegiate Guidelines Network (SIGN). Management of obstructive sleep apnoea/hypopnoea in adults. SIGN 2003. http://www.sign.ac.uk/guidelines/fulltext/73/index.html
  4. Giles TL, Lasserson TJ, Smith BJ, et al. Continuous positive airways pressure for obstructive sleep apnoea in adults. Cochrane Database Syst Rev 2006, Issue 3.
  5. Haentjens P, Van Meerhaeghe A, Moscariello A, et al. The impact of continuous positive airway pressure on blood pressure in patients with obstructive sleep apnea syndrome. Arch Intern Med 2007;167:757-64.
  6. Lam B, Sam K, Mok WY, et al. Randomised study of three non-surgical treatments in mild to moderate obstructive sleep apnoea. Thorax 2007;62:354-9.
  7. Syndrome d‘apnées obstructives du sommeil : attention à la somnolence diurne. Rev Prescr 2007;27:201-6.
  8. Stradling J. Obstructive sleep apnoea. BMJ 2007;335:313-4.
En cas de SAOS léger, moins de somnolence avec une CPAP ?

Auteurs

Pevernagie D.
Depart. Respiratoire Ziekten en Centrum voor Slaapstoornissen, UZ Gent
COI :

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

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