Revue d'Evidence-Based Medicine
Communiqué de presse
Minerva 2004 Volume 3 Numéro 10 Page 170 - 170
Professions de santé
Suite au retrait mondial du rofécoxib (Vioxx®, VioxxDolor®) le communiqué de presse suivant a été rédigé et diffusé par:
- Le Centre Belge d'Information Pharmacothérapeutique (CBIP)
- Le Groupe de Recherche et d’Action pour la Santé (GRAS)
- Projekt Farmaka
- Le Groupe de Travail Formulaire MRS
- Minerva
Ce communiqué figure sur le site web de chacune des organisations.
Le 30 septembre 2004, il a été annoncé que les spécialités à base de l’anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) COX-2 sélectif rofécoxib (Vioxx®, VioxxDolor®) étaient mondialement retirées du marché, et ce à l’initiative de la firme productrice MSD.
Cette décision a été prise suite à la connaissance des résultats préliminaires de l’étude APPROVe (Adenomatous Polyp Prevention on Vioxx), une étude contrôlée versus placebo sur l’effet du rofécoxib (25mg par jour) sur le risque de récidive de polypes du côlon chez des patients avec des antécédents d’adénomes colo-rectaux. Il s’agissait de patients à risque cardio-vasculaire faible. Lors de l’analyse intérimaire après 18 mois, un risque accru d’accidents cardiovasculaires graves (entre autres d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral) a été retrouvé dans le groupe rofécoxib. Sur les 18 mois, un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral est survenu chez 3,5% des patients dans le groupe rofécoxib,versus 1,9% dans le groupe placebo (p < 0,001). Cela signifie que pour 1000 patients, il y a eu 16 incidents en plus avec le rofécoxib qu’avec le placebo.
Déjà en 2001, la possibilité d’un risque accru d’accidents cardiovasculaires avec le rofécoxib avait été avancée sur base de l’étude VIGOR, une étude comparative entre le rofécoxib et la naproxène. Des doutes persistaient cependant à ce moment, étant donné qu’il n’était pas évident de savoir s’il s’agissait d’un effet néfaste du rofécoxib ou d’un effet cardio-protecteur de la naproxène. En effet, contrairement à la naproxène, le rofécoxib n’a pas d’effet antiagrégant. Suite au retrait du rofécoxib, se pose la question de savoir si un risque accru d’accidents cardiovasculaires existe aussi avec les autres AINS COX-2 sélectifs [célécoxib (Celebrex®), étoricoxib (Arcoxia®), valdécoxib (Bextra®)]. En d’autres mots, s’agit-il d’un effet de classe? Bien qu’il ne soit pas possible pour le moment d’apporter une réponse univoque à cette question, un certain nombre de remarques peuvent être faites.
- Les AINS COX-2 sélectifs n’influencent pas l’agrégation plaquettaire, mais, à l’instar des AINS non sélectifs, ils inhibent la synthèse vasculaire de prostaglandines. Ceci pourrait être un argument en faveur de l’existence d’un effet de classe.
- Avec le rofécoxib, le risque est apparu clairement dans une étude randomisée contrôlée, et ceci seulement après 18 mois. Les données à long terme concernant les autres AINS COX-2 sélectifs sont limitées.
Que pouvons-nous en tirer comme conclusion pour l’utilisation des autres AINS COX-2 sélectifs?
Dans l’attente de données supplémentaires, il est raisonnable de n’utiliser les AINS COX-2 sélectifs que si un AINS est vraiment nécessaire chez un patient présentant un risque élevé de complications gastro-intestinales liées aux AINS. A ce sujet, il ne faut pas oublier que les AINS COX-2 sélectifs entraînent peut-être un peu moins de complications gastro-intestinales, mais il est certain qu’ils ne sont pas dénués de tout risque dans ce domaine.
Chez les patients nécessitant une protection cardiovasculaire, un traitement par faible dose d’acide acétylsalicylique, doit en principe être poursuivi lors d’un traitement par un AINS COX-2 sélectif. L’acide acétylsalicylique augmente dans ce cas le risque de problèmes gastro-intestinaux et dès lors, l’avantage d’une sécurité gastro-intestinale plus grande d’un AINS COX-2 sélectif tombe. La présence à l’anamnèse d’incident cardiovasculaire ou d’un risque élevé pour celui-ci est cependant une contre-indication pour leur usage.
Cet incident avec le rofécoxib souligne une fois encore l’importance de suivre de manière systématique (e.a. par des études contrôlées) les effets indésirables des médicaments et leur rapport risque/bénéfice, après leur enregistrement et commercialisation. En effet, les risques et les bénéfices des médicaments ne peuvent être correctement évalués que lorsqu’ils sont utilisés après commercialisation durant une longue période par un grand nombre de personnes non sélectionnées.
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