Revue d'Evidence-Based Medicine
Cervicalgie: thérapie manuelle, kinésithérapie ou soins médicaux?
Minerva 2003 Volume 2 Numéro 8 Page 135 - 137
Professions de santé
Résumé
Cette étude aléatoire, contrôlée (RCT) analyse l’efficacité de la thérapie manuelle (60 patients) de la kinésithérapie (59 patients) et de soins médicaux classiques (64 patients) dans un groupe de 183 sujets (âgés de 18 à 70 ans) souffrant de cervicalgie spécifique depuis au moins 2 semaines. La thérapie manuelle consiste en mobilisations musculaires et articulaires durant 6 semaines, une fois par semaine. Les manipulations brusques avec forte amplitude et à importante rapidité ne sont pas admises. Les interventions de kinésithérapie consistent principalement en exercices durant 12 séances réparties sur les 6 semaines. La prise en charge par le médecin généraliste consiste en avis sur l’impact psychosocial et sur l’autotraitement d’application de chaleur, d’exercices et d’ergonomie. Le patient reçoit une brochure reprenant ces données. La prise d’une médication (paracétamol ou AINS) est autorisée. Une consultation de suivi toutes les deux semaines, d’une durée approximative de 10 minutes, est facultative.
L’évaluation se fait au moyen d’une échelle de 6 points et porte sur le rétablissement subjectif. La sévérité de la limitation mécanique (score de 0 à 10) celle de la douleur (score de 1 à 10) sont également appréciées. L’aspect fonctionnel est évalué au moyen du Neck Disability Index et la mobilité au moyen d’un inclinomètre électronique.
Enfin, un index de santé (Euro Quality of Life Scale : 0-100) est également utilisé.
La publication de Hoving et collaborateurs rapporte les résultats des 6 premières semaines, celle de Korthals-de Bos et collaborateurs, les résultats après un an, avec une analyse économique en prime.
Résultats à court terme: après 6 semaines
Après les 6 premières semaines, le taux de succès est de 68,3 % dans le groupe thérapie manuelle, de 50,8 % dans le groupe kinésithérapie et de 35,9 % dans le groupe pris en charge par le médecin généraliste.
En comparaison avec la kinésithérapie et la prise en charge en médecine générale, la thérapie manuelle montre une différence statistiquement significative sur l’intensité de la douleur, mais non sur le score « disability ». L’approche montre un score global supérieur à celui obtenu par les deux autres, mais cette différence n’est pas statistiquement significative.
Il n’existe également pas de différence significative pour l’amélioration de la douleur et les possibilités de mobilisation entre le groupe kinésithérapie et le groupe pris en charge en médecine générale.
Résultats à long terme: après un an
Après un an, il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les 3 groupes de traitement. L’étude économique tient compte des coûts directs des traitements (honoraires, médicaments, déplacements, frais imprévus du partenaire, etc.) mais aussi des coûts indirects (perte de productivité liée à l’absentéisme au travail ou nombre de jours d’inactivité des patients). Ces frais sont notés dans un livre journal, durant un an, par le patient.
Les auteurs calculent un moindre coût de la thérapie manuelle versus les deux autres processus. Ils concluent donc à une meilleure efficacité économique de la thérapie manuelle.
Discussion
Limites méthodologiques
La faiblesse méthodologique de ce type d’étude est l’absence d’un groupe contrôle ou d’un groupe placebo correct. La population est également assez hétérogène. La durée de la cervicalgie varie en effet d’au moins deux semaines à plus de 13 semaines (chez un tiers des patients traités). Il faut donc prendre en considération une amélioration spontanée, certainement pour des patients présentant une période brève de plaintes.
Cette répartition est cependant équitable entre les 3 groupes.
À côté de ces problèmes méthodologiques, existent également des problèmes de contamination. Dans le groupe thérapie manuelle, des techniques de mobilisation musculaires et articulaires ont été associées à des manipulations prudentes. Dans le groupe kinésithérapie, l’accent a été mis sur des exercices actifs, mais des techniques de stretching ont également été utilisées. Ce facteur mobilisation positive est commun avec le premier groupe. Dans le groupe pris en charge en médecine générale, des exercices sont également conseillés dans la brochure remise.
Effets indésirables
Les effets indésirables sont peu soulignés, la cervicalgie est augmentée durant plus de deux jours principalement dans le groupe thérapie manuelle (18,4 %); des céphalées et des paresthésies surviennent en majorité dans les groupes thérapie manuelle et kinésithérapie. Aucune étude contrôlée en double aveugle évaluant la thérapie manuelle n’a été publiée. Des effets indésirables sérieux, quoique rares, de la thérapie manuelle ont également été rapportés.
De réelles manipulations avec mobilisation de faible amplitude doivent être faites avec précaution, certainement chez des personnes plus âgées en raison d’effets indésirables parfois sérieux.
Quelques synthèses méthodiques montrent une amélioration des symptômes, grâce à la manipulation et à la mobilisation 1,2. D’autres études n’ont cependant pas pu mettre en évidence une différence d’efficacité significative en matière de douleur entre mobilisation et manipulation 3-7. Seule une amélioration symptomatique, non significative, est démontrée. Un intérêt significatif, un « traitement » sous la forme d’avis et d’une inormation au patient n’a pas non plus été illustré 8.
Long terme
L’importance de la durée totale d’un an de cette étude est à souligner. En ce qui concerne l’efficacité « comparative », la thérapie manuelle montre une amélioration plus rapide jusqu’à la 26 e semaine, mais, à la fin de l’année, les différences sont négligeables. Au terme de l’année, aucune différence d’amélioration significative entre les groupes n’est observée.
Financement
Nederlands Instituut voor wetenschappelijk Onderzoek.
Conflits d’intérêt
Aucun n’est mentionné.
Recommandations pour la pratique
Cette étude montre une efficacité plus grande à court terme (6 semaines) de la thérapie manuelle versus kinésithérapie et versus prise en charge en médecine générale. Chez des patients présentant une cervicalgie aspécifique depuis au moins deux semaines, cette approche paraît également plus économique aux Pays-Bas. Cette première étude comparative devrait être confirmée par d’autres, comportant un groupe placebo valide, et une étude économique insérée dans la réalité belge serait souhaitable.
La rédaction
Références
- Koes BW, Assendelft WJ, Van der Heijden GJ, et al. Spinal manipulation and mobilisation for back and neck pain : a blinded review. BMJ 1991;303:1298-303.
- Kjellman GV, Skargren EI, Oberg BE. A critical analysis of randomised clinical trials on neck pain and treatment efficacy. A review of the literature. Scand J Rehabil Med 1999;31:139-52.
- Hurwitz EL, Aker PD, Adams AH, et al. Manipulation and mobilization of the cervical spine : a systematic review of the literature. Spine 1996;21:1746-60.
- Cassidy JD, Lopes AA, Yong-Hing K. The immediate effect of manipulation versus mobilization on pain and range of motion in the cervical spine : a randomized controlled trial. J. Manipulative Physiol. Ther 1992;15/570-5.
- Koes BW, Bouter LM, Van Mameren H, et al. Randomised clinical trial of manipulative therapy and physiotherapy for persistent back and neck complaints : results of one year follow-up. BMJ 1992;304:601-5
- Sloop PR, Smith DS, Goldenberg E, et al. Manipulation for chronic neck pain : a double-blind controlled study. Spine 1982;7:532-5.
- Howe DH, Newcombe RG, Wade MT. Manipulation of the cervical spine : a pilot study. J R Coll Gen Pract 1983;33:574-9.
- Kamwendo K, Linton SJ. A controlled study of the effect of neck school in medical secretaries. Scan J Rehab Med 1991;23:143-52.
Auteurs
Vanderstraeten G.
Dienst Fysische Geneeskunde en Revalidatie, UZ Gent
COI :
Glossaire
Neck Disability IndexCode
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