Revue d'Evidence-Based Medicine
Hydroxychloroquine
Minerva 2002 Volume 1 Numéro 8 Page 8 - 9
Professions de santé
Résumé
Les auteurs ont recruté leurs patients dans quatre "cliniques de la mémoire" d’Amsterdam. Le diagnostic a été posé sur base des critères du National Institute of Neurological and Communicative Disorders and Alzheimer’s Disease and Related Disorders. La classification repose sur le score CAMDEX qui distingue 4 grades dans la démence: les formes minime, légère, modérée et sévère. Chaque patient avait un soignant qui, en cours d’étude, enregistrait les données nécessaires. Des 190 patients recrutés, 168 furent finalement retenus dans l’étude randomisée: 83 d’entre eux ont reçu de l’hydroxychloroquine (400 mg chez les > 65 kg, 200 mg chez les < 65 kg) et 85 patients ont reçu un placebo. Trois instruments de mesure ont été utilisés. La progression de la démence a été mesurée à l’aide de l’Interview for Deterioration in Daily life in Dementia (IDDD). En parallèle, les fonctions cognitives ont été évaluées par l’ADAS-cog Alzheimer’s Disease Assessment Scale) comporte 10 items qui évaluent les fonctions non cognitives (ADAS-Noncog) et 11 items qui évaluent les fonctions cognitives (ADAS-Cog: Cognitive subscale ). L’orientation, la mémoire, le langage et les praxies sont testés. Le score ADAS-Cog varie entre 0 et 70. Plus il y a d’erreurs, plus le score est élevé. Un individu sain aura un score entre 5 et 10. Un score de 70 indique une démence sévère.">ADAS-cog, qui se réfère surtout à la mémoire, au langage et à l’orientation. Le comportement a été évalué par la RMBP checklist, ce qui a permis d’étudier les problèmes liés à la mémoire, à l’humeur et aux comportements "descriptifs". Une analyse en intention de traiter a été appliquée. Le score moyen à l’IDDD était de 11 environ. Ni l’IDDD, ni l’ADAS-cog, ni la RMBP n’ont montré de différences entre les 2 groupes. Des benzodiazépines, des antidépresseurs ou des neuroleptiques ont été utilisés de manière équivalente dans ces 2 groupes. Curieusement, le nombre d’effets indésirables n’est pas significativement différent: dans le groupe sous hydroxychloroquine, 24% des patients ont eu plus d’un effet secondaire, versus 18% dans le groupe placebo. Cinq personnes (6%) sont décédées dans le groupe hydroxychloroquine, contre deux (2%) dans le groupe placebo.
Discussion
Commençons par la fin : aucune différence n’a été constatée entre l’hydroxychloroquine et le placebo quant à l’évolution des patients Alzheimer et ceci après 18 mois de suivi. Il est quand même intéressant de creuser davantage : cette étude confirme, une fois encore, qu’il est important de publier aussi les études dont le résultat est négatif. Les chercheurs avaient cependant pas mal d’arguments pour espérer que leur étude aurait une conclusion positive. Depuis des années déjà, il est connu que les processus inflammatoires endogènes jouent un rôle dans la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer, en raison de l’association de cytokines aux plaques séniles. Des études in vitro montrent que les protéines ß-amyloïdes, qui constituent l’élément principal de ces plaques, peuvent stimuler ces cytokines. Enfin, certaines études épidémiologiques indiquent la possibilité que les traitements anti-inflammatoires puissent prévenir ou freiner la maladie d’Alzheimer 1, 2.
Les attentes n’ont-elles pas été rencontrées ?
C’est une étude méthodologiquement bien menée, sur 18 mois, et dont le coût a donc déjà dépassé de loin celui de la plupart des autres études. Les auteurs admettent pourtant qu’une administration d’hydroxychloroquine pendant plus de 18 mois donnerait peut-être un résultat positif. Les auteurs discutent de la raison pour laquelle leurs résultats ne concordent pas avec la connaissance qu’un processus inflammatoire est à la base de la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer. Deux hypothèses pourraient permettre d’expliquer la différence entre les résultats des études cliniques et ceux des études épidémiologiques. L’effet préventif des AINS reposerait peut-être sur un autre mécanisme, comme l’inhibition de la cyclo-oxygénase. Mais l’explication la plus plausible serait que les AINS sont peut-être efficaces pour prévenir la maladie d’Alzheimer, mais n’ont plus d’effet sur une démence clinique instaurée. C’est pourquoi les auteurs plaident aussi pour d’autres études sur les AINS administrés pendant plusieurs années, en prévention de la maladie d’Alzheimer. La conclusion concorde avec les résultats négatifs d’études cliniques relatives à l’indométacine 3, la prednisolone 6 et le diclofénac combiné au misoprostol 4, 5. Chacun de ceux-ci démontre, une fois encore, la prudence dont nous devons faire preuve lorsque nous extrapolons les données de la pathogenèse aux études cliniques, d’une part, lorsque nous transposons des effets possibles sur la prévention aux effets réels sur l’évolution clinique, d’autre part.
Conclusion
L’Hydroxychloroquine n’est pas à prendre en considération dans le traitement des patients atteints de maladie d’Alzheimer. D’autres études sont nécessaires pour considérer la place de cette molécule dans la prévention de la maladie d’Alzheimer.
Références
- McGeer PL, Schulzer M, McGeer EG. Arthritis and anti-inflammatory agents as possible protective factors for Alzheimer’s disease: a review of 17 epidemiologic studies. Neurology 1996;47:425-32.
- Anthony JC, Breitner JC, Zandi PP, et al. Reduced prevalence of AD in users of NSAIDs and H2 receptor antagonists: the Cache County study. Neurology 2000;54:2066-71.
- Rogers J, Kirby LC, Hempelman SR, et al. Clinical trial of indomethacin in Alzheimer’s disease. Neurology 1993;43:1609-11.
- Scharf S, Mander A, Ugoni A, et al. A double-blind, placebo-controlled trial of diclofenac/misoprostol in Alzheimer’s disease. Neurology 1999;53:197-201.
- Warner J, Butler R. Alzheimer’s disease. Clinical Evidence, 2001;6:693-704.
- Aisen PS, Davis KL, Berg JD, et al. A randomized controlled trial of prednisone in Alzheimer’s disease: Alzheimer’s Disease Cooperative Study. Neurology 2000;54:588-93.
Auteurs
De Meyere M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :
Glossaire
ADAS-cogCode
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