Revue d'Evidence-Based Medicine



Editorial: Conscience du prix des médicaments



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 4 Page 49 - 49

Professions de santé


 

Tout traitement médical, médicamenteux comme non médicamenteux, représente un coût social et individuel, dans ce dernier cas tant humain (par ses effets indésirables et sa stigmatisation de l’état de maladie entre autres) que financier. Le médecin prescripteur se doit, pour des raisons éthiques, de prendre en considération le coût du traitement pour son patient comme pour la société. Quelle est l’importance de ce coût financier, particulièrement de celui des médicaments, dans ses conséquences sur l’état de santé du patient et quel est le degré de conscience du médecin de cet éventuel problème pour la santé de son patient ?

 

Conséquences pour la patient

Un coût plus élevé des médicaments peut avoir un impact négatif sur la santé des patients en contraignant des personnes aux ressources limitées à devoir faire un choix entre l’achat de ces médicaments (totalement ou partiellement) et d’autres nécessités comme la nourriture ou l’habillement (1). D’autre part, les patients qui ne prennent pas leurs médicaments suivant les prescriptions précises en subissent souvent les conséquences négatives au point de vue santé (2). De plus, les patients qui se trouvent dans cette situation de ne pouvoir se payer les médicaments nécessaires ne se sentent souvent pas le courage d’en parler à leur médecin (3).

 

Le practicien est-il conscient des coûts ?

Les médecins prescripteurs (expérimentés comme en formation) ont-ils une connaissance précise du coût des médicaments qu’ils prescrivent ? Une étude récente (4) analyse la littérature sur ce sujet, de manière systématique. Parmi les 24 études sélectionnées, 21 proviennent des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou du Canada. Les conclusions sont claires : la connaissance précise du coût des médicaments par les prescripteurs est faible. Près d’un tiers de leurs estimations n’atteignent qu’un cinquième ou un quart du coût réel et moins de 50% de ces estimations atteignent un seuil de précision (à 25% près du prix réel) suffisant. Le prix des médicaments très chers était estimé plus précisément que celui des médicaments peu onéreux. Interrogés, ces médecins affirment désirer une information sur le coût en estimant que leur prescription s’en trouverait améliorée ; ils déclarent en même temps que cette information ne leur était pas accessible. Les auteurs concluent que les médecins ont tendance à sous-estimer le prix des médicaments chers, en surestimant par contre celui des médicaments peu onéreux, ce qui conduit à une absence d’appréciation de l’importante différence de coût entre les deux catégories de médicaments.

 

(In)formation

Cette synthèse mentionne plusieurs études montrant l’intérêt de fournir aux médecins un feed-back de leurs prescriptions, joint à une information sur le coût et à des éléments éducatifs, feed-back personnalisé et rapide par rapport aux prescriptions faites. Elle cite également des études plus récentes montrant l’intérêt d’une prescription assistée par un programme informatique incluant les coûts des médicaments et des données de l’Evidence-Based Medicine, ce qui diminue non seulement le coût (5) de la prescription mais réduit également les erreurs médicamenteuses (6). Cette observation confirme l’intérêt de l’implantation dans la clinique quotidienne des connaissances les plus solides et récentes apportées par une évaluation systématique et rigoureuse des études montrant les traitements les plus susceptibles d’apporter un bénéfice pour nos patients en termes de santé. Que ces traitements représentent, en sus, un intérêt financier est également important : pour un même budget de santé, davantage de traitements pourront être pris en charge par la collectivité et assumés, pour la partie financière qui leur incombe, par davantage de patients aux moyens limités.

 

Quelques chiffres

Pour le traitement de l’hypertension artérielle, par exemple, le coût INAMI moyen d’une Defined Daily Dose de diurétique est de 0,14 euro (0,06 pour le patient sans remboursement préférentiel) mais celui d’un sartan est de 0,46 euro (0,09 pour le patient). Cette différence incite à la réflexion, d’autant plus au vu de l’ampleur du budget des spécialités médicamenteuses : plus de 3,4 milliards d’euros cette année. La quote-part des patients dans leur traitement médicamenteux remboursé par l’INAMI croît, globalement, d’environ 3,7% par an, en médecine ambulatoire, atteignant la somme de 534 millions d’euros en 2006, avec une croissance dans les domaines pour lesquels les montants les plus élevés en médicaments sont enregistrés : cardiovasculaire, système nerveux, système respiratoire, système digestif et pathologies métaboliques (données Pharmanet 1998-2006). Il faut y ajouter aussi, pour le patient, les médicaments non remboursés. En cas de maladie(s) chronique(s), le budget familial s’en trouve rapidement grevé.

 

Où trouver des informations ?

L’information des prescripteurs en ce qui concerne le prix et la part remboursée des médicaments semble donc à améliorer encore ; les moyens sont cependant disponibles : en Belgique, e.a. Répertoire Commenté et site du Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique, site de l’INAMI, programmes de dossiers médicaux informatisés avec un module pour la prescription incluant les prix.

 

Références

  1. Spence MM, Hui R, Chan J. Cost reduction strategies used by elderly patients with chronic obstructive pulmonary disease to cope with a generic-only pharmacy benefit. J Manag Care Pharm 2006;12:377-82.
  2. Tamblyn R, Laprise R, Hanley JA, et al. Adverse events associated with prescription drug cost-sharing among poor and elderly persons. JAMA 2001;285:421-9.
  3. Piette JD, Heisler M, Wagner TH. Cost-related medication underuse: do patients with chronic illnesses tell their doctors? Arch Intern Med 2004;164:1749-55.
  4. Allan GM, Lexchin J, Wiebe N. Physician awareness of drug cost: a systematic review. PloS Med 2007;4:e283.
  5. McMullin ST, Lonergan TP, Rynearson CS. Twelve-month drug cost savings related to use of an electronic prescribing system with integrated decision support in primary care. J Manag Care Pharm 2005;11:322-32.
  6. Tamblyn R, Huang A, Perreault R, et al. The medical office of the 21st century (MOXXI): effectiveness of computerized decision-making support in reducing inappropriate prescribing in primary care. CMAJ 2003;169:549-56.
Editorial: Conscience du prix des médicaments

Auteurs

Bogaert M.
emeritus hoogleraar Farmacotherapie, UGent
COI :

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

Glossaire

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