Revue d'Evidence-Based Medicine
Analyse en intention de traiter
Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM
La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM). |
Un protocole d’étude randomisé contrôlé est considéré comme le plus favorable pour éviter des biais dans l’évaluation d’un traitement. L’objectif de la randomisation est d’obtenir des bras d’étude aux caractéristiques identiques et que la seule différence soit le traitement évalué versus contrôle (1). Toute différence observée au niveau des résultats (efficacité, effets indésirables) peut alors être attribuée au traitement évalué.
Selon les études, un nombre plus ou moins important de sujets ne suivent cependant pas le protocole, pour diverses raisons : arrêt prématuré du traitement évalué (withdrawal), mauvaise observance (compliance), adoption du traitement d’un autre bras d’étude (cross-over), absence aux contrôles de suivi (lost to follow up), absence de résultats disponibles (missing data). Un retrait d’un patient inclus dans un essai est appelé, quel qu’en soit le motif, une sortie d’étude (drop out). Le biais lié à cette exclusion de patients au cours d’étude est appelé biais d’attrition. Il est possible de remédier à ce biais en combinant deux techniques : une analyse en intention de traiter et un remplacement des données manquantes (2).
Analyse en intention de traiter versus par protocole
Exemple 1
Une RCT, analysée dans Minerva (3) évalue l’intérêt d’un traitement antibiotique en premier choix versus chirurgie en cas d’appendicite aiguë. Parmi les patients du groupe antibiotique, 48% sont opérés immédiatement. Parmi les patients du groupe chirurgie, 8% reçoivent des antibiotiques au lieu d’une intervention. En analyse par protocole l’antibiothérapie est efficace à 90,8% et la chirurgie à 89,2% (pas de différence significative) au terme du séjour hospitalier. En analyse en ITT les chiffres sont respectivement de 48% et de 85%.
Avantages de l’ITT
- Une analyse en intention de traiter consiste à analyser les résultats des patients dans leur groupe de randomisation initiale, quel que soit le traitement qu’ils aient réellement reçu et quelle que soit leur évolution par rapport à l’étude. Elle est différente d’une analyse par protocole qui exclut de l’examen les résultats pour tous les patients qui n’ont pas répondu strictement aux critères stipulés dans le protocole. Pourquoi une analyse en intention de traiter est-elle, sauf exception, préférable ?
- La première raison est que l’analyse en ITT maintient la comparaison de base établie par la randomisation. Des écarts au protocole peuvent être liés à l’effet du traitement, par exemple un arrêt pour efficacité insuffisante ou effet indésirable. En analyse par protocole, des résultats de patients sont exclus de l’analyse sur base d’informations acquises après randomisation, opérant ici une sélection post-hoc des observations ; les garanties de la randomisation ne s’appliquent donc plus à la « sous-population » sélectionnée, ce qui introduit un biais. L’analyse en intention de traiter maintient la comparabilité initiale entre les bras d’étude.
- La deuxième raison est que l’analyse en ITT estime mieux ce qui se produit « dans la réalité de tous les jours », sur le terrain où le traitement sera utilisé. Une analyse par protocole peut exclure les patients non observants (par exemple ceux qui ont pris moins de 80% des médicaments à évaluer) ou ceux qui ont été traités avec le traitement de l’autre groupe. Cette analyse donne une étude plus précise de l’effet du traitement (pharmacologique ou chirurgical par ex.) dans l’absolu. Par contre, une analyse en intention de traiter donnera un meilleur reflet de l’efficacité du traitement dans la réalité quotidienne, avec une moins bonne observance du patient pour son traitement, avec des changements d’optique de traitements (cross-over). Cette approche est la plus pertinente car elle évalue l’efficacité clinique dans des conditions proches de son utilisation en pratique clinique.
- Dans l’exemple 1 ci-dessus, c’est bien l’analyse en intention de traiter qui reflète la réalité de ce choix thérapeutique antibiotiques (« nouveau » traitement évalué) versus chirurgie (= traitement conventionnel). La décision du chirurgien (32%) ou du patient (13%) d’une intervention chirurgicale dans le groupe devant être traité par antibiotiques illustre la difficulté d’acceptation d’un nouveau traitement dans la pratique (ici dans le cadre d’une étude, probablement encore plus élevée hors de ce cadre).
Utilité de faire les deux analyses
Exemple 2
L’analyse en intention de traiter permet d’éviter les biais liés au non respect strict du protocole ainsi qu’aux arrêts de traitements. Elle peut cependant être complétée, à titre complémentaire, d’une analyse par protocole qui permet de mieux évaluer l’efficacité théorique d’un traitement, mis en chantier dans des conditions optimales... qui ne sont pas celles de la réalité. Une exception cependant : dans les études de non infériorité, c’est une analyse par protocole qui doit être utilisée (4). Dans des études au protocole complexe de non infériorité avec passage à une supériorité (5), les 2 analyses doivent être faites.
Remplacement des données manquantes
Le remplacement des données non disponibles pour certains patients est la deuxième nécessité pour éviter un biais d’attrition. Ce procédé a déjà précédemment été analysé dans Minerva (6).
Une publication récente (7) montre que l’inclusion dans une méta-analyse d’études excluant des patients de l’analyse (non en intention de traiter) influence les résultats de celle-ci et que cet aspect n’est souvent pas évalué par les auteurs de la publication.
Références
- Guyatt G, Devereaux PJ. The principle of intention-to-treat. In Guyatt G, Rennie D, Hayward R. User’s guide to the medical literature. American Medical Association 2002.
- Cucherat M. Interprétation des essais cliniques pour la pratique médicale. www.spc.univ-lyon1.fr/polycop/
- Chevalier P. Appendicite aiguë : antibiotiques plutôt que chirurgie ? MinervaF 2010;9(2):18-9.
- Chevalier P. Etude de non infériorité : intérêt, limites et pièges. MinervaF 2009;8(7):100.
- Chevalier P. Rivaroxaban plutôt qu’une HBPM après chirurgie orthopédique élective majeure ? MinervaF 2009;8(1):4-5.
- Chevalier P. Concepts et outils en EBM : LOCF ou pas LOCF ? Quand les données manquent… MinervaF 2008;7(8):128.
- Nüesch E, Trelle S, Reichenbach S, et al. The effects of excluding patients from the analysis in randomised controlled trials: meta-epidemiological study. BMJ 2009;339:b3244.
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