Revue d'Evidence-Based Medicine



Niveaux de preuve et de recommandation



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 5 Page 64 - 64

Professions de santé


 

Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM

La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM).

 

« Plus de la moitié des recommandations faites dans les guides de pratique clinique (GPC) des Sociétés d’Infectiologie étatsuniennes (IDSA) sont basées sur des preuves de niveau III (pas de RCT, opinions d’autorités reconnues basées sur l’expérience clinique, sur des études descriptives ou des rapports de comités d’experts). Les praticiens resteront prudents lors de l’utilisation de tels guides de pratique comme seule source pour prendre des décisions pour soigner des patients » (1).

Cette affirmation en conclusion d’un article récemment publié est l’occasion de rappeler brièvement ce que sont des niveaux de preuve, de recommandation et leur place dans une démarche clinique basée sur l’Evidence-Based Medicine.

Niveaux de preuve

De nombreux scores de niveaux de preuve sont proposés dans les différents GPC, avec des échelles de 1 à 3, 5 ou 6, ou allant de A à C ou D. Le principe de ces scores est le même : du plus solide (une méta-analyse de RCTs de bonne qualité méthodologique) au niveau le moins étayé (opinion d’expert ne reposant que sur sa seule expérience).

De tels scores de niveaux de preuve ont été établis pour les différents types de recherches (interventions, diagnostic, pronostic, économique par exemple) (2).

Exemple

En 1979, pour leur Guide canadien de médecine préventive, les auteurs ont choisi comme niveaux de preuve (3)

I : Au moins un essai randomisé

II - 1 : Essais comparatifs non randomisés bien conçus

II - 2 :Etudes de cohortes ou cas/témoins bien conçues, réalisées de préférence dans plus d'un centre

II - 3 : Comparaisons entre différents moments ou différents lieux ou selon qu'on a ou non recours à une intervention ou études non comparatives très probantes

III : Opinions d'experts dans le domaine fondées sur l'expérience clinique, études descriptives ou rapports de comités d'experts.

 

Niveaux de recommandation

Le niveau de recommandation est fixé par les auteurs du GPC. Il doit être lié de manière rigide ou souple au niveau de preuve dans la littérature.

Exemple

En 1979, pour leur Guide canadien de médecine préventive, les auteurs ont choisi comme niveaux de recommandation (3)

A :  Données suffisantes pour recommander la mesure.

B :  Données acceptables pour recommander la mesure.

C : Données insuffisantes pour décider.

D :  Données acceptables pour exclure la mesure.

E : Données suffisantes pour exclure la mesure.

avec un lien souple : outre la qualité des résultats (niveau dans la littérature), d’autres facteurs sont pris en compte pour influencer le niveau de recommandation : accessibilité à la technique évaluée, observance des patients évaluée, risque potentiel.

 

En prendre pour son GRADE

Les auteurs de l’analyse des GPC étatsuniens (1) choisissent d’analyser uniquement le niveau de preuve dans la littérature, attribué suivant le modèle canadien précité. Si la littérature est pauvre (parfois inexistante) en RCTs sur un thème précis, le niveau de preuve sera (très) faible. Un niveau de preuve ne peut-il pour autant pas être plus élevé que le niveau strict de la littérature avec preuves très souvent faibles dans les échelles proposées ? C’est la démarche proposée par GRADE (4) qui tient compte de plusieurs paramètres pour déterminer le niveau de qualité des preuves : protocole d’étude (RCT en tête), qualité méthodologique de l’étude, incohérence des résultats entre les différentes études, inférence possible des résultats (comparaisons directes versus indirectes entre traitements, validité externe), de l’imprécision des données (population trop faible, intervalles de confiance fort larges). Des niveaux de qualité de preuve élevé, modéré, bas et très bas sont ainsi attribués dans GRADE. Pour le niveau de recommandation, sur base du niveau de preuve, les auteurs déterminent la probabilité qu’une recherche ultérieure puisse modifier (l’ampleur de) l’effet observé.

Pour le niveau de recommandation, il est soit de 1 (les avantages dépassent clairement les désavantages ou les risques) soit de 2 (incertitude quant aux avantages et désavantages – possibilité d’équilibre entre les deux) (5).

Dans un tel système, tant les niveaux de preuve que les niveaux de recommandation apportent une réponse plus appropriée au praticien.

Prudence est mère de sûreté : démarche clinique tenant compte (entre autres) de l’EBM

L’invitation initiale à la prudence au vu de la faiblesse des preuves est trompeuse. D’une part, un processus actualisé (GRADE par exemple) d’élaboration de niveaux de recommandation sera plus solide, d’autre part, quels que soient les niveaux de preuve et de recommandation, la démarche clinique basée sur l’EBM reste située à la conjonction de l’expérience du médecin, des attentes, des craintes et du vécu du patient, et des données de la littérature (6).

 

Références

  1. Lee DH, Vielemeyer O. Analysis of overall level of evidence behind infectious diseases society of America practice guidelines. Arch Intern Med 2011;171:18-22.
  2. Oxford Centre for Evidence-based Medicine Levels of Evidence (March 2009). http://www.cebm.net/index.aspx?o=1025 
  3. The periodic health examination. Canadian Task Force on the periodic health examination. Can Med Assoc J 1979;121:1193-254.
  4. The Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation (GRADE) Working URL: http://www.gradeworkinggroup.org/intro.htm
  5. Guyatt G, Gutterman D, Baumann MH, et al. Grading strength of recommendations and quality of evidence in clinical guidelines: report from an american college of chest physicians task force. Chest 2006;129:174-81.
  6. Haynes RB, Devereaux PJ, Guyatt GH. Clinical expertise in the era of evidence-based Medicine and patient choice. Evid Based Med 2002;7:36-8.
Niveaux de preuve et de recommandation

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

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