Revue d'Evidence-Based Medicine



Editorial: Intégrer les preuves socio-économiques dans les guides de pratique clinique



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 9 Page 138 - 138

Professions de santé


 

Un problème de santé s’inscrit dans un ensemble d’inter-actions bio-psycho-sociales. Ces différentes interactions sont-elles étudiées? Peuvent-elles modifier les recommandations?

Le statut social du patient a une influence sur sa santé. L’accès aux services de santé, les capacités de comprendre les conseils de santé et de modifier certains facteurs de risque sont influencés par les circonstances dans lesquelles le patient vit et travaille 1 . Une étude rétrospective a montré que la qualité des soins est moindre pour des patients de condition sociale plus basse: en dépit d’une prévalence plus élevée de maladies chroniques et d’un nombre moindre de démarches préventives, ces patients bénéficient de moins de consultations de longue durée que des patients de statut économiquement plus aisé 2 . Par contre, il apparaît que les médecins de ces patients défavorisés sont confrontés à des demandes de consultations plus fréquentes nécessitant une réponse souvent immédiate 2 . Une étude prospective portant sur 7 726 adultes de 16 à 75 ans a montré que la prévalence de l’anxiété et de la dépression est significativement supérieure en cas de non-emploi et de pauvreté, indépendamment de la classe sociale à laquelle appartiennent les patients 3 . Si ces deux facteurs aggravent la persistance de ces épisodes, leur apparition n’est par contre pas modifiée. L’étude a également montré que les difficultés économiques constituent un facteur prédictif indépendant de maladie mentale. De nouvelles recherches sont donc recommandées pour mieux objectiver cette observation.

Malgré ces multiples constats, il faut bien reconnaître que les guidelines ne tiennent en général pas compte de ces connaissances. Peu d’analyses abordent réellement objectivement ces influences. La qualité de l’information que le praticien donne au patient, se trouve donc également altérée par ces manquements. Or, la plus haute qua lité possible de l’information tant pour le praticien que pour le patient est un objectif prioritaire de l’Evidence-Based Medicine.

Reconnaissant ces difficultés, l’Australia’s National Health and Medical Research Council a commissionné un travail pour inciter les développeurs de guidelines à relever les conditions sociales des patients étudiés et à tenir compte de celles-ci lorsqu’ils éditent les recommandations de bonne pratique, comme ce fut le cas dans deux recommandations déjà parues.

Voici les conclusions de ce travail 4 . La première étape est de bien définir la question clinique et de bien préciser les critères de jugement primaires. Ceux-ci devraient inclure les critères de bien-être et d’équité autant que ceux de mortalité et de morbidité. Dans un deuxième temps, il y a lieu d’effectuer une revue de la littérature afin d’identifier si les résultats de certains sous-groupes sont dépendants de leur statut socio-économique. De nombreux facteurs peuvent intervenir: personnels, comportementaux, physiologiques, sociaux et environnementaux. Les interventions ayant démontré un impact positif sur les résultats en terme d’équité des soins seront analysées dans un troisième temps. Enfin, les recommandations pour la pratique pourront être affinées en fonction de toutes ces données afin d’aider plus efficacement le praticien dans sa démarche de soins. Les auteurs recommandent d’effectuer cette méthode d’analyse tant pour les études déjà effectuées (à condition qu’elles aient une puissance suffisante pour que cette analyse par sous-groupes soit possible) que pour celles à venir. Ils espèrent ainsi parvenir à une plus grande équité des soins.

Le comité de rédaction de Minerva estime également que ce critère d'équité doit être intégré dans l’élaboration des recommandations de bonne pratique.

M. De Jonghe, M. Roland

 

Références

  1. Wilkinson R, Marmot M. Social determinants of health: the solid facts. Geneva: World Health Organization. 1998. http://www.euro.who.int/document/e81384.pdf (consulté le 20.09.2004)
  2. Furler JS, Harris E, Chondros P et al. The inverse care law revisited: impact of disadvantaged location on accessing longer GP consultation times. Med J Aust 2002;177:80-3.
  3. Weich S, Lewis G. Poverty, unemployment, and common mental disorders: population based cohort study. BMJ 1998;317:115-9.
  4. Aldrich R, Kemp L, Williams JS et al. Using socioeconomic evidence in clinical practice guidelines. BMJ 2003;327:1283-5
 
Editorial: Intégrer les preuves socio-économiques dans les guides de pratique clinique

Auteurs

De Jonghe M.
médecin généraliste, Centre Académique de Médecine Générale, UCLouvain
COI :

Roland M.
Centre Universitaire de Médecine Générale, Université Libre de Bruxelles
COI :

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