Revue d'Evidence-Based Medicine



Editorial : Confiance et finances



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 6 Page 81 - 81

Professions de santé


 

La Revue Minerva, au vu de ce titre d’éditorial, se lancerait-elle dans la chronique économique ? Le monde financier n’a pas l’apanage de la crise de confiance. Il est par ailleurs souvent malvenu de parler de crise à propos de la confiance et politiquement plus correct de parler de réajustement. Réajustons donc notre confiance… vis-à-vis des sources dans la littérature, véritable sujet du présent éditorial. Plusieurs publications récentes peuvent nourrir notre réflexion dans ce domaine.

 

Evidence B(i)ased Medicine

Nous savions déjà l’importance que peut avoir le financement des études par les firmes dans le domaine de la psychiatrie (1). L’analyse des études publiées dans des journaux avec revue par les pairs montre d’abord l’importance croissante de ce financement : la proportion d’études sponsorisées est passée de 25% en 1992 à 57% en 2002. Ce financement influence aussi la publication : des résultats favorables sont davantage observés (dans 78% des cas) lorsque l’étude est sponsorisée par le fabricant du médicament, que dans celles non sponsorisées (48% de résultats favorables) ou sponsorisées par la concurrence (28% de résultats favorables). Une autre recherche, basée sur une sélection d’études de bonne qualité dans différents domaines (2), montre que les conclusions des études financées par des organisations lucratives sont plus souvent positives que celles des études non financées par des organisations lucratives. Les premières recommandant plus souvent le nouveau produit évalué comme étant le traitement de choix (OR 5,3 ; IC à 95% de 2,0 à 14,4). Ces conclusions plus favorables sont souvent liées à une interprétation biaisée des résultats, donc ne reposant pas sur des preuves d’une réelle meilleure efficacité ou sécurité. Une étude plus récente (3) évalue l’impact de la sponsorisation d’une étude concernant un médicament par la firme qui le met sur le marché, sur la mention et l’interprétation d’effets indésirables. Les auteurs ont choisi comme thème la sécurité des corticostéroïdes inhalés (par voie nasale ou bronchique) et ont trouvé, dans MEDLINE, 275 études sponsorisées et 229 non sponsorisées par une firme pharmaceutique. Des effets indésirables sont moins fréquemment observés dans les études sponsorisées (34,5%) par rapport à celles qui ne le sont pas (65,1%) soit un rapport de prévalence de 0,53 (IC à 95% de 0,44 à 0,64). L’analyse de l’ensemble des études montrant une augmentation statistiquement significative des effets indésirables montre que les auteurs des études sponsorisées concluent plus fréquemment que ceux des recherches non sponsorisées que le médicament est « sûr » : rapport de prévalence 3,68 (IC à 95% de 2,14 à 6,33).

Le financement de l’étude influence donc souvent ses résultats ou au moins ses conclusions, ainsi que l’ampleur de la mise en évidence des effets indésirables et l’interprétation de ceux-ci.

 

Méta-analyses aussi

Nous savions aussi déjà que l’influence du financement des publications pouvait s’étendre au domaine florissant de l’EBM, les méta-analyses. Une comparaison par paires (24) d’une méta-analyse réalisée par la Cochrane Collaboration et d’une autre, sur le même sujet, financée par l’industrie, (4) montre une moindre qualité des méta-analyses financées ; celles-ci émettent peu de réserves quant aux limites méthodologiques des études incluses et présentent des conclusions plus favorables. Une recherche plus récente, sur un échantillon plus large de méta-analyses (124) (5), étudie l’influence éventuelle du financement d’une méta-analyse par une seule firme pharmaceutique sur les résultats et les conclusions de cette publication en termes d’efficacité de médicaments antihypertenseurs versus comparateur, pour les études mentionnant des critères de jugement cliniques. Quarante pour cent de ces méta-analyses étaient financées par une seule firme pharmaceutique. Ce financement n’est pas associé à la présentation de meilleurs résultats en faveur du médicament de la firme sponsorisante… mais bien à la formulation de conclusions d’étude plus favorables (OR 4,09 ; IC à 95% de 1,30 à 12,83), indépendamment de la qualité de la méta-analyse.

Le financement d’une méta-analyse peut donc en influencer les conclusions et également aller de pair avec une moindre qualité méthodologique de celle-ci.

 

Intervalle de confiance

Ces différentes observations et analyses confirment l’intérêt d’une lecture toujours critique des études pour mieux en interpréter les résultats, pour situer notre confiance dans un certain intervalle. La sponsorisation d’une étude peut en influencer les résultats (efficacité, sécurité) et les conclusions… comme la parution ou non.

La revue Minerva a pour objectif d’aider ses lecteurs dans l’apprentissage de cette démarche d’analyse critique afin d’élargir au mieux l’intervalle de confiance dans les résultats observés. Pour une fois, le but est d’atteindre un intervalle de confiance le plus large possible.

 

Références

  1. Kelly RE Jr, Cohen LJ, Semple RJ, et al. Relationship between drug company funding and outcomes of clinical psychiatric research. Psychol Med 2006;36:1647-56.
  2. Als-Nielsen B, Chen W, Gluud C, Kjaergard LL. Association of funding and conclusions in randomized drug trials: a reflection of treatment effect or adverse events? JAMA. 2003;290:921-8.
  3. Nieto A, Mazon A, Pamies R, et al. Adverse effects of inhaled corticosteroids in funded and nonfunded studies. Arch Intern Med 2007;167:2047-53.
  4. Jørgensen AW, Hilden J, Gøtzsche PC. Cochrane reviews compared with industry supported meta-analyses and other meta-analyses of the same drugs: systematic review. BMJ 2006;333:782-7.
  5. Yank V, Rennie D, Bero LA. Financial ties and concordance between results and conclusions in meta-analyses: retrospective cohort study. BMJ 2007;335:1202-5.
Editorial : Confiance et finances



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