Revue d'Evidence-Based Medicine



Traitement local des verrues



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 5 Page 85 - 86

Professions de santé


Analyse de
Gibbs S, Harvey I, Sterling J, Rosemary S. Local treatments for cutaneous warts: systematic review. BMJ 2002;325:461.


Conclusion
L’acide salicylique semble être le traitement le plus indiqué pour le traitement local des verrues d’origine virale en médecine générale. L’efficacité de l’application locale d’acide salicylique est bien établie et les effets secondaires sont peu nombreux.


 

Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture

 

Résumé

Les verrues d’origine virale (verruca vulgaris) sont courantes, bénignes et le plus souvent des lésions cutanées autolimitantes se localisant principalement au niveau des mains et des pieds. La fréquence de consultation pour ce problème a été évaluée de 25 à 30 pour 1000 patients par an. Cette affection survient le plus souvent chez les adolescents 1. La question de recherche de cette synthèse méthodique est l’efficacité des différents traitements locaux.

Les RCTS dans lesquelles différentes interventions locales pour les verrues ont été comparées ont été recherchées dans Medline (1966 à mai 2000), Embase (1980 à août 2000) et la banque de données Cochrane (depuis mars 1999). Les références ont été vérifiées manuellement.

Cinquante études ont été sélectionnées, dont un nombre limité a été regroupé dans une méta-analyse (voir tableau 1) avec comme critère de jugement primaire, la disparition totale des verrues. Une efficacité significative a été mise en évidence pour l’acide salicylique et le dinitrochlorobenzène, versus placebo. La cryothérapie n’était pas plus efficace que le placebo. Il n’y avait pas de différence significative entre l’acide salicylique et la cryothérapie.Quelques études avec l’acide salicylique ont rapporté des irritations cutanées légères. Dans une seule étude, une cryothérapie agressive peut être plus douloureuse et engendre plus de formation de bulles, qu’une cryothérapie légère (OR 2,26 ; IC à 95%: 1,28-3,99). Trois études n’ont pas démontré de différence d’efficacité entre des intervalles de traitement de 2, 3 et 4 semaines et une unique étude n’a pas montré de bénéfice supplémentaire lorsque la cryothérapie trihebdomadaire dure plus de trois mois. Le traitement avec du dinitrochlorobenzène peut provoquer une inflammation locale sévère.

Les études avec la bléomycine intralésionnelle, l’interferon, le fluorouracile, une thérapie photodynamique et une thérapie au laser ont fourni des données incomplètes et contradictoires sur l’efficacité et les effets indésirables. Les auteurs concluent que l’efficacité d’un traitement local des verrues à l’acide salicylique est bien établi. Ceci reste valable, dans une moindre mesure, pour le traitement au dinitrochlorobenzène. Tous les autres traitements locaux, y compris la cryothérapie, sont d’efficacité insuffisamment établie.

 

Tableau 1 : Résultats regroupés pour le traitement local des verrues virales.

 

Nombre

d’études

Nombre de

patients

Nombre de

patients guéris*

Odds ratio

(IC à 95%)

Acide salicylique

Versus placebo

6

191 vs 185

144 vs 89

3,19 (2,40-6,36)

Cryothérapie versus placebo

2

31 vs 38

11 vs 13

0,82 (0,16-4,24)

Acide salicylique versus cryothérapie

2

139 vs 133

92 vs 87

1,04 (0,63-1,71)

Pour les verrues aux mains

Acide salicylique versus cryothérapie

1

26 vs 22

15 vs 9

1,97 (0,62-6,23)

Pour les verrues plantaires

Cryothérapie agressive versus légère

4

304 vs 288

159 vs 89

3,69 (1,45-9,41)

Dinitrochlorobenzène

Versus placebo

2

40 vs 40

32 vs 15

6,67 (2,44-18,23)

* guérison : disparition totale des verrues

 

Discussion

Les auteurs de cette synthèse méthodique décrivent clairement comment la recherche de RCTs a été menée. Celles-ci sont ensuite évaluées une à une quant à leur méthodologie (randomisation en aveugle et mesure des résultats ; analyse en intention de traiter) et quant à l’ampleur de l’étude, à l’homogénéité des groupes étudiés et aux mentions des données 2. D’après les auteurs, sur les 50 études, 41 sont de faible qualité, 7 de qualité moyenne et seulement 2 de très bonne qualité. De plus, ces études sont fort hétérogènes, mais en poolant des études ayant la même méthodologie, les auteurs ne tiennent pas compte de l’hétérogénéité des populations de patients. Ils ont regroupé des RCTs qui incluent tant les verrues des mains que les verrues plantaires, tous groupes d’âges confondus, avec des études qui excluaient systématiquement les verrues plantaires et les verrues résistant aux thérapies 3. Cette constatation, en plus de la qualité médiocre des études mêmes, nous conduit inévitablement à interpréter les résultats poolés avec prudence 2, 3.

C’est ainsi que seules 8 des 50 études incluses ont été menées en 1re ligne, ce qui rend la plupart des résultats moins pertinents pour la médecine générale parce que depuis les années 80, ce sont les verrues résistantes aux thérapies qui sont principalement traitées à l’hôpital 3.

La cryothérapie est-elle efficace ?

La plupart des études comparent différentes modalités de traitement par cryothérapie. C’est ainsi que l’on a observé que la cryothérapie agressive donne de meilleurs résultats que la cryothérapie légère (voir tableau 1). Les définitions de cryothérapie agressive varient de « effleurer 2 fois au lieu d’une avec un coton-tige trempé dans de l’azote liquide » à « contact pendant 10 secondes avec un cryogun». Cette différence entre cryothérapie agressive et douce n’a pas été prise en compte dans l’étude comparative entre cryothérapie, placebo ou acide salicylique. Nous ne savons donc pas si une forme plus agressive standardisée de cryothérapie donne de meilleurs résultats pour un groupe de patients déterminé, comparé à une crème placebo, aucun traitement, ou un traitement avec acide salicylique. Ce dont nous sommes certains c’est que la cryothérapie est généralement douloureuse. Principalement chez les enfants et cela peut être préjudiciable pour la relation avec le médecin. L’application préalable d’une crème anesthésiante pourrait être, dans ce cas, une solution, mais ceci n’exclut pas la douleur post-traitement, invalidante, fréquente (principalement pour les verrues plantaires).

L’acide salicylique est-il efficace ?

Dans Clinical Evidence, on a calculé un risque NNT = 1/RAR *100.">NST de 4 (IC à 95%: 3 à 6) pour enregistrer un bon résultat tant avec l’acide salicylique local qu’avec un placebo. La définition de bon résultat variait cependant de « disparition de verrues » à « moins de verrues » à « meilleurs résultats » sans définition claire 3. En outre, la concentration d’acide salicylique utilisée était très hétérogène (variant de 15 % à 60 %) et l’acide salicylique était souvent mélangé avec d’autres acides, par exemple l’acide lactique. Quelle est donc la formule standard la plus efficace ? Il est certain qu’un traitement local par acide salicylique est un traitement sûr. Ceci n’est pas anodin, vu que les verrues sont finalement des lésions bénignes, le plus souvent autolimitantes, comme le démontre le pourcentage élevé de guérison avec un placebo. Dans les 17 groupes avec placebo, de toutes les études incluses, il y avait en moyenne 30 % de guérison après 10 semaines. La bonne tolérance et le fait qu’une préparation magistrale avec acide salicylique ne soit pas onéreuse, permet son utilisation en 1re ligne.

Les inconvénients sont les traitements de longue durée (quelques semaines à quelques mois) et les instructions complexes d’utilisation à respecter. Par exemple, on conseille de laisser tremper la zone cutanée 10 minutes par jour, de retirer les peaux mortes avant d’appliquer le produit 4.

Clinical Evidence place le dinitrochlorobenzène local au même niveau d’efficacité que la cryothérapie et l’acide salicylique local. La pommade au dinitrochlorobenzène peut être réalisée sous forme magistrale, peu onéreuse mais réservée selon les auteurs, à des centres spécialisés, au vu des effets secondaires fréquemment graves. Aucune preuve n’est disponible quant à l’efficacité de la bléomycine intralésionnelle. Les effets secondaires de ces traitements onéreux de deuxième ligne ne sont pas clairement décrits.

Conflits d’intérêt/financement

Cette synthèse méthodique a été financée en partie par le Norofolk Health Authority. Il n’y a pas de conflit d’intérêt mentionné.

 

Conclusion

L’acide salicylique semble être le traitement le plus indiqué pour le traitement local des verrues d’origine virale en médecine générale. L’efficacité de l’application locale d’acide salicylique est bien établie et les effets secondaires sont peu nombreux.

 

Références

  1. van de Lisdonk EH, van den Bosch WJHM, Huygen FJA, Lagro-Janssen ALM. Ziekten in de huisartspraktijk. Maarssen: Elsevier/Bunge, 1999.
  2. Jüni P, Witschi A, Bloch R, Egger M. The hazards of scoring the quality of clinical trials for meta-analysis. JAMA 1999;282:1054-60.
  3. Bigby M, Gibbs S, Harvey I, Sterling J. Non-genital warts. Clin Evid 2002;8:1731-44.
  4. Stulberg DL, Hutchinson AG. Molluscum contagiosum and warts. Am Fam Physician 2003;67:1233-48.
Traitement local des verrues

Auteurs

Poelman T.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

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