Si la médecine est un art, elle n’est pas un flou artistique

La formation professionnelle du médecin, dans son cursus universitaire comme dans sa formation continue, fut longtemps essentiellement basée sur l’expérience et l’opinion incontestable des professeurs. Chaque praticien enrichissait cet enseignement magistral de sa propre expérience. Il se construisait ainsi un bagage fait de connaissances théoriques, d’observations cliniques et d’un va et vient, tantôt inductif, tantôt déductif, entre ses observations et ses théories. Certains maîtres insistaient pourtant plus que d’autres sur l’indispensable observation clinique. Dans ce courant, Cochrane fut un des premiers, en 1972, à proposer de baser davantage sa pratique sur un outil des temps modernes, les études contrôlées, développées initialement par des épidémiologistes. Sackett, Chalmers, Haynes contribuèrent également à définir l’Evidence-Based Medicine ou Médecine fondée sur les niveaux de preuve, ou médecine factuelle. Les études randomisées contrôlées (Randomized Controlled Trials – RCTs) se multiplièrent, suivies de synthèses méthodiques de la littérature et de méta-analyses. Les enseignements tirés de celles-ci, avec des niveaux de preuve à l’appui, permettent désormais d’établir des guidelines ou recommandations de bonne pratique, développé(e)s suivant les contingences locales.

Dans ce contexte de formation professionnelle modifié, l’apprentissage de la lecture critique a pris une importance grandissante. L’abondance de la littérature reste cependant une limite importante dans le choix des articles pertinents pour la pratique du médecin généraliste et une éventuelle modification de son comportement en fonction de données nouvelles fiables.   L’Interuniversitair Centrum voor de Huisartsenopleiding (ICHO) qui est issu des différents centres universitaires de médecine générale de la partie flamande de notre pays, a créé Minerva en 1998.

Minerva a pour but d’extraire de la littérature internationale les nouveautés des RCT utiles pour le médecin généraliste belge. Il sélectionne dans la littérature internationale spécialisée ou propre à la médecine générale :

• les études pertinentes pour la pratique de la médecine générale

• dont le sujet est centré sur le patient

• dont le processus est méthodologiquement correct.

Les articles sélectionnés sont résumés de manière structurée. Une analyse en est faite avec discussion critique des résultats et exposé de la pertinence de l’étude pour la pratique du médecin généraliste. Une recommandation pour la pratique en est tirée.   Une publication régulière de ces travaux était incluse dans la Revue mensuelle « Huisarts Nu» de la Wetenschappelijke Vereniging van Vlaamse Huisartsen (WVVH). Une version électronique de ces publications est également disponible depuis peu sur le site https://minerva-ebp.be, dont la version francophone est en cours d’élaboration. Le comité de rédaction de Minerva était constitué de médecins généralistes motivés, issus des différents centres universitaires de médecine générale, en lien avec la WVVH.

   En 2002, ce projet est devenu national. Des généralistes issus des 3 centres académiques de médecine générale francophones, en lien avec la Société Scientifique de Médecine Générale, ont rejoint leurs collègues néerlandophones dans le même enthousiasme communicatif. L’équipe de rédaction se réjouit également de l’arrivée de pharmaciens en son sein.

Une première Minerva a réussit une première en Belgique : réaliser une collaboration entre les centres académiques de médecine générale et les Sociétés Scientifiques de Médecine Générale des communautés flamandes et francophones, avec le soutien financier du Ministère des Affaires Sociales. La publication, initialement destinée surtout aux étudiants en médecine, aux enseignants des CUMG et DUMG, aux médecins en formation professionnelle et à leurs maîtres de stage, est actuellement proposée à tous les médecins généralistes et aux pharmaciens.

Minerva veut ainsi contribuer à enrichir et à actualiser les connaissances et comportements des médecins généralistes en leur apportant les nouveautés pertinentes. Cet apport, en parfait complément de l’expérience clinique de chacun et des particularités du patient que nous prenons en charge, devrait nous permettre d’être encore plus performants. L’art de la médecine devient la capacité d’harmoniser les trois éléments précités.Nous sommes loin du flou artistique…

Votre avis nous intéresse Votre avis sur nos publications est de grande importance et nous vous invitons à nous en faire part.

Pour ce premier numéro en français, nous vous proposons une sélection de publications parues dans l’année écoulée dans la version flamande de Minerva. Les numéros ultérieurs seront communs au niveau du contenu et de la présentation pour les éditions francophones et flamandes. Vous n’aurez droit, hélas, qu’à dix numéros par an. Allez-vous adorer Minerva ? Nous vous en souhaitons une lecture enrichissante pour votre pratique quotidienne.

Pierre Chevalier, au nom de la Rédaction