Revue d'Evidence-Based Medicine



Diagnostic du syndrome de sténose du canal lombaire chez des personnes âgées



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 4 Page 49 - 50

Professions de santé


Analyse de
Suri P, Rainville J, Kalichman L, Katz JN. Does this older adult with lower extremity pain have the clinical syndrome of lumbar spinal stenosis? JAMA 2010;304:2628-36.


Question clinique
Quel est l’apport de l’anamnèse et de l’examen clinique pour le diagnostic du syndrome de sténose vertébrale lombaire (SVL) chez des personnes âgées souffrant de douleurs au niveau des membres inférieurs associées ou non à des lombalgies ?


Conclusion
Cette étude conclut que chez des personnes âgées se présentant avec des douleurs dans les membres inférieurs (avec ou sans lombalgies), l’absence de douleur en position assise, l’amélioration des symptômes au pencher en avant et une marche sur une large base contribuent au diagnostic d’un syndrome de sténose vertébrale lombaire (SVL). Un score prédictif multitests, proposé dans certaines études, pourrait être utile pour exclure un syndrome de SVL. La majorité des patients inclus dans les études l’étant en deuxième ligne de soins, l’extrapolabilité des résultats n’est pas garantie.


 

Contexte

Chez des personnes âgées, une douleur au niveau des membres inférieurs avec des troubles sensorimoteurs, avec ou sans lombalgies associées, peut rentrer dans le cadre d’une sténose vertébrale lombaire. D’autres causes sont cependant possibles. D’autre part, une sténose vertébrale lombaire peut être découverte fortuitement à l’imagerie ou en peropératoire, en dehors de la présence d’un syndrome clinique. Le diagnostic d’un syndrome de SVL nécessite donc la présence de symptômes caractéristiques tels qu’une claudication neurogène et/ou une douleur radiculaire aussi bien qu’une imagerie radiologique typique (1). Le syndrome de SVL exigeant une prise en charge spécifique (2), un diagnostic précis est important. Cette étude évalue l’apport de l’anamnèse et de l’examen clinique dans le diagnostic du syndrome de SVL.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique

 

Sources consultées

  • MEDLINE, EMBASE et CINAHL, de janvier 1966 à septembre 2010.

Etudes sélectionnées

  • critères d’inclusion : études en langue anglaise évaluant la précision de l’anamnèse, de l’examen clinique ou des deux pour le diagnostic du syndrome de SVL, avec ou sans spondylolisthésis ; mentionnant sensibilité, spécificité, précision, valeurs prédictives, rapports de vraisemblance, prévalence, tests index bien définis et n’exigeant pas de matériel de recherche spécialisé, test de référence bien défini
  • critères d’exclusion : études incluant des patients avec des sténoses vertébrales hors niveau lombaire ou avec des signes d’alerte, incluant d’autres patients que ceux porteurs d’une scoliose ou d’une sténose congénitale des cas-séries
  • inclusion finale de quatre études (2 de haute qualité, 2 de basse qualité) avec 741 patients au total, avec une évaluation par un expert clinicien comme test de référence pour le diagnostic de syndrome de SVL.

Population étudiée

  • personnes âgées en moyenne de 65 ans (ET 14) ; 54% de femmes
  • un tiers seulement des patients dans les études de première ligne se plaignant de douleur ou de perte de sensibilité au niveau des jambes ; pour les 2 autres tiers, le critère d’inclusion est un syndrome radiculaire lombosacré et/ou une sciatique.

Mesure des résultats

  • critères de jugement : prévalence de syndrome de sténose vertébrale lombaire en fonction de différents critères évalués pour leurs sensibilité, spécificité, rapports de vraisemblance d’un résultat positif (LR+) ou négatif (LR-) : âge, comorbidités, localisation de la douleur, influence de certaines positions/actions sur la douleur, autres symptômes que la douleur, tests cliniques (de provocation ou neuromusculaires).

Résultats

  • prévalence de syndrome de sténose vertébrale lombaire : 44 à 49% selon les études, de 47% dans une étude de haute qualité incluant 1/3 de patients recrutés en première ligne de soins (avec douleur ou perte de sensibilité dans les membres inférieurs)
  • risque de syndrome de SVL augmentant
    • avec l’âge : LR 2 (IC à 95% de 1,6 à 2,5) pour les patients >70 ans et LR 0,40 (IC à 95% de 0,29 à 0,57) pour ceux <60 ans) (N=1)
    • avec la comorbidité orthopédique (arthrose, arthrite inflammatoire, fractures) : LR 2,0 (IC à 95% de 1,2 à 3,5) (N=1)
  • rapports de vraisemblance pour des résultats positifs >2 et négatifs <0,5 pour les différents symptômes et tests cliniques : voir tableau 1
  • score prédictif dans une étude (3)  : un seuil ≥7 donne un LR+ de 3,3 (IC à 95% de 2,7 à 4,0) et un LR- de 0,10 (IC à 95% de 0,06 à 0,16) (voir tableau 2).

 

Tableau. LR+ >2 et LR- <0,5 pour les différents symptômes et tests cliniques.

 

LR+ (IC à 95%)

LR- (IC à 95%)

Pas de douleur en position assise

7,4 (1,9-30)

 

Trouble urinaire inexpliqué

6,9 (2,7-17)

 

Amélioration au pencher en avant

6,4 (4,1-9,9)

 

Douleurs bilatérales fesses ou jambes

6,3 (3,1-13)

 

Claudication neurogène

3,7 (2,9-4,8)

0,23 (0,17-0,31)

     

Marche sur une large base

13 (1,9-95)

 

Test de Romberg anormal

4,2 (1,4-13)

 

 

Tableau 2. Score prédictif (Konno S,2007) 

 

caractéristiques de l’anamnèse et de l’examen clinique

score attribué

anamnèse

âge 60-70 ans

1

âge >70 ans

2

absence de diabète

1

claudication neurogène

3

symptômes accrus en position debout

2

amélioration des symptômes au pencher en avant

3

examen clinique

symptômes provoqués par le pencher en avant

-1

symptômes provoqués par le pencher en arrière

1

bonne circulation artérielle périphérique

3

réflexe achilléen anormal

1

manoeuvre de Lassègue positive

-2

interprétation du score

écarts pour le score

-2 à 16

score positif

≥7

 

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le diagnostic d’un syndrome de sténose vertébrale lombaire requiert un tableau clinique précis et la présence de critères radiologiques. L’absence de douleur en position assise et l’amélioration de la douleur au pencher en avant sont les critères individuels les plus utiles. Une association de différents critères est plus utile pour identifier les patients chez lesquels ce diagnostic est peu probable.

Financement

National Institutes of Health and the Rehabilitation Medicine Scientist Training Program et le National Institute of Arthritis and Musculoskeletal and Skin Diseases qui n’ont pas participé ni à l’élaboration ni au déroulement de l’étude.

 

Conflits d’intérêt

Aucun n’est déclaré.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Les critères d’inclusion et d’exclusion pour cette synthèse méthodique sont bien détaillés. Deux chercheurs ont consulté un nombre suffisant de bases de données mais se sont limités aux études publiées en anglais. Ils n’ont localisé qu’un nombre limité d’études évaluant la précision d’une anamnèse et de tests cliniques pour le diagnostic du syndrome de sténose vertébrale lombaire. Ce nombre limité rend la recherche d’un biais de publication peu fiable. Les auteurs ont recours à un score validé pour l’évaluation de la qualité méthodologique des études. En raison des différences méthodologiques entre études et de leur hétérogénéité clinique, une sommation des résultats dans une méta-analyse n’était pas possible. Dans 3 des 4 études incluses, une analyse multivariée est effectuée ce qui permet d’y comparer l’apport relatif de différents symptômes dans le diagnostic. Aucune étude n’est stratifiée en fonction de la sévérité de la sténose au point de vue radiologique.

Interprétation des résultats

Les auteurs définissent un seuil de LR+ >2 et de LR- <0,50 comme cliniquement pertinents. Peu de symptômes pris individuellement ou de tests cliniques atteignent ce seuil. Les auteurs soulignent que la prévalence de SVL dans les études incluses est relativement élevée, probablement en raison d’un recrutement des patients dans 80% des cas en deuxième ligne de soins (2). Ils décrivent l’utilité du test pencher en avant positif dans un cas clinique avec la même force probante et la même force excluante quelle que soit la prévalence du syndrome (15% ou 30% en première ligne de soins versus 47% dans l’étude précitée). Comme nous pouvons le faire sur un nomogramme, ils montrent qu’un test pencher en avant réduisant la douleur (force probante de 6,4) fait passer une probabilité pré test de 15% à une probabilité post test de 53% (ou de 30% à 73%). L’utilité d’un test dépend du seuil d’action et de l’action choisie : pour quelle probabilité de diagnostic de pathologie (SVL) le médecin généraliste va-t-il référer ou demander un examen technique ? Une chance pré test de 15% (1 chance sur 6) est un seuil suffisant pour demander un examen technique, au vu de la gravité de la pathologie.

Dans deux des études analysées (3,4), les auteurs proposent un score clinique avec seuil pour le diagnostic de probabilité d’un syndrome de SVL, sur base d’un ensemble de critères anamnestiques et cliniques. Certains des critères repris dans la synthèse analysée ici et présentés comme ayant un rapport de vraisemblance intéressant (LR+ élevé) ne sont pas repris dans ces deux scores, par exemple des troubles urinaires non expliqués, des douleurs bilatérales dans les fesses ou les jambes, un test de Romberg anormal.

Les auteurs de la synthèse donnent également un exemple d’utilité d’un score multitests en pratique de première ligne. Pour un score multitests <7 (3), la force excluante est de 10,3 (LR- de 0,10) et une probabilité pré test de 15% passera à une probabilité post test de 2%. Ce score, quand il est <7 pourrait donc être utile pour exclure un syndrome de SVL en première ligne de soins.

Les sensibilités et spécificités des tests (et donc leurs LR et forces probante et excluante) ne peuvent cependant pas toujours être automatiquement extrapolées à une population de patients en première ligne de soins si la population testée est fort différente (5). Pour ce syndrome de SVL, il est vraisemblablement de sévérité nettement moindre en première ligne de soins, avec une fréquence moindre de chirurgie disco-vertébrale probablement, ce qui en fait une population différente de celle référée en deuxième ou troisième ligne (4). Les auteurs ne tiennent pas compte de ces éléments.

 

Autres études

La prévalence de syndrome de SVL ne peut pas être estimée suivant cette synthèse et d’autres données ne sont pas disponibles dans la littérature. Les études évaluant l’apport des symptômes cliniques pour le diagnostic de ce syndrome sont rares. Katz et coll. ont montré une sensibilité élevée (88%) et une spécificité basse (34%) pour l’argument lombalgies avec irradiation bilatérale vers les fesses ou plus distalement (1,6), soit une force probante de 1,3 très faible, fort différente de celle donnée dans la synthèse analysée ici. Cette différence pourrait être liée aux populations d’étude non semblables, comme aux tests de référence utilisés. Pour les autres symptômes tels que « absence de douleur en position assise » (sensibilité de 46% et spécificité de 93%), marche sur une large base et déficit sensorimoteur (haute spécificité), les observations sont par contre similaires avec celles de la synthèse. Dans leur synthèse méthodique effectuée en 2006, de Graaf et coll. (7) mentionnent que, en raison de l’hétérogénéité et la mauvaise qualité des différentes études, ils ne peuvent conclure pour ce qui concerne la précision des différents tests. Dans l’American Family Physician, Ebell (8) arrivent à une conclusion semblable à celle de la synthèse de Suri : LR+ élevée pour des symptômes urinaires, pour l’amélioration au pencher en avant, pour la claudication neurogène. Ils décrivent un score clinique légèrement différent avec faible force probante (3,3) et bonne force excluante (10).

 

Conclusion de Minerva

Cette étude conclut que chez des personnes âgées se présentant avec des douleurs dans les membres inférieurs (avec ou sans lombalgies), l’absence de douleur en position assise, l’amélioration des symptômes au pencher en avant et une marche sur une large base contribuent au diagnostic d’un syndrome de sténose vertébrale lombaire (SVL). Un score prédictif multitests, proposé dans certaines études, pourrait être utile pour exclure un syndrome de SVL. La majorité des patients inclus dans les études l’étant en deuxième ligne de soins, l’extrapolabilité des résultats n’est pas garantie.

 

Pour la pratique

Un guide de pratique récent (9) cite comme arguments importants pour suggérer le diagnostic de syndrome de sténose vertébrale lombaire : douleur sévère au niveau des membres inférieurs s’améliorant ou disparaissant en position assise, une marche sur une large base, un test de Romberg anormal, une douleur dans la jambe à l’extension et des troubles neuromusculaires. L’absence d’aggravation de la douleur à la marche diminue la probabilité. Les preuves sont cependant faibles.

La présente synthèse, sans méta-analyse possible, reprend à peu près les mêmes arguments, sans apporter de preuve de meilleur niveau.

 

Références

  1. Katz JN, Harris MB. Clinical practice: lumbar spinal stenosis. N Eng J Med 2008;358:818-25.
  2. National Institute for Health and Clinical Excellence. Interspinous distraction procedures for lumbar spinal stenosis causing neurogenic claudication. NICE Clinical guideline, November 2010.
  3. Konno S, Hayashino Y, Fukuhara S, et al. Development of a clinical diagnosis support tool to identify patients with lumbar spinal stenosis. Eur Spine J 2007;16:1951-7.
  4. Sugioka T, Hayashino Y, Konno S, et al. Predictive value of self-reported patient information for the identification of lumbar spinal stenosis. Fam Pract 2008;25:237-44.
  5. Chevalier P. Précision des tests et prevalence. MinervaF 2001;10(4):51.
  6. Katz JN, Dalgas M, Stucki G, et al. Degenerative lumbar spinal stenosis diagnostic value of the history and physical examination. Arthritis Rheum 1995;38:1236-41.
  7. de Graaf I, Prak A, Biersma-Zeinstra S, et al. Diagnosis of lumbar spinal stenosis. A systematic review of the accuracy of diagnostic tests. Spine 2006;31:1168-76.
  8. Ebell MH. Diagnosing Lumbar Spinal Stenosis. Am Fam Physician 2009;80(10):1145-7.
  9. North American Spine Society (NASS). Diagnosis and treatment of degenerative lumbar spinal stenosis. Burr Ridge (IL): North American Spine Society (NASS); 2007 Jan. 262 p.
Diagnostic du syndrome de sténose du canal lombaire chez des personnes âgées

Auteurs

Heytens S.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

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