Analyse


HBP : progression ralentie sous dutastéride ?


15 12 2013

Professions de santé

Analyse de
Toren P, Margel D, Kulkarni G, et al. Effect of dutasteride on clinical progression of benign prostatic hyperplasia in asymptomatic men with enlarged prostate: a post hoc analysis of the REDUCE study. BMJ 2013;346:f2109.


Conclusion
Cette analyse post-hoc de l’étude REDUCE conclut que, chez les hommes asymptomatiques présentant une hypertrophie bénigne de la prostate, le dutastéride entraîne une diminution significative de la progression clinique avec des effets indésirables acceptables. Ces résultats demandent à être confirmés par des études contrôlées randomisées avec comme critère de jugement principal la progression de l’hypertrophie bénigne de la prostate symptomatique. Les arguments dont nous disposons sont absolument insuffisants pour modifier la recommandation actuelle qui préconise une temporisation.


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

 

 

 

L’analyse publiée dans la revue Minerva (1) concernant l’étude REDUCE (2) a conclu que, chez les hommes présentant un risque accru de cancer de la prostate, un traitement par dutastéride pendant 4 ans diminue l’incidence du « cancer prostatique détecté lors de biopsies systématiques » (critère de jugement principal). Toutefois, cette diminution allait de pair avec une augmentation du nombre de cancers prostatiques de haut grade.

En avril 2013, le BMJ a publié une analyse post-hoc de cette étude REDUCE (3) qui a tenté de répondre à la question de savoir si le dutastéride pouvait ralentir la progression de l’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) chez 1.617 hommes asymptomatiques qui avaient une prostate d’un volume > 40 ml et un International Prostate Symptom Score (IPPS) < 8. 792 hommes de ce sous-groupe ont été traités avec du dutastéride à raison de 0,5 mg/jour, et 825 ont reçu un placebo. La progression clinique de l’HBP a été suivie pendant 4 ans avec un critère de jugement composite associant une augmentation de l’IPPS ≥ 4 points, une rétention urinaire aiguë, une infection des voies urinaires ou une intervention chirurgicale sur la prostate. Parmi les 464 hommes (29 %) présentant une progression clinique de l’HBP, 297 (36 %) étaient dans le groupe placebo, et 167 (21 %) dans le groupe dutastéride (p < 0,001 pour la différence). La réduction du risque relatif (RRR) est de 41 % ; la réduction absolue de risque (RAR) est de 15 %, et le NST de 7. Une rétention urinaire aiguë a été diagnostiquée chez 63 patients du groupe placebo contre 13 dans le groupe dutastéride (p < 0,001). Respectivement 39 et 7 patients ont subi une chirurgie de la prostate (p < 0,001). Une diminution de la libido, une dysfonction érectile et de la gynécomastie sont survenues significativement plus souvent après l’utilisation de dutastéride qu’après celle de placebo. Des cancers de la prostate avec un score de Gleason ≥ 7 ont été observés dans les 2 groupes sans différence significative (16 dans le groupe placebo contre 12 dans le groupe dutastéride).

Les résultats de cette étude semblent intéressants, mais les analyses post-hoc doivent toujours être examinées avec la réserve nécessaire. L’étude REDUCE entendait en premier lieu explorer la prévention du cancer de la prostate sous dutastéride (critère de jugement principal). La progression de l’HBP n’était qu’un critère de jugement secondaire. Les résultats sont donc hypothétiques et nécessitent une recherche plus approfondie (4,5). De plus, la cohorte concernée n’était pas représentative de la population moyenne puisque l’un des critères d’inclusion était le risque élevé de développer un cancer de la prostate.

Le jury de la conférence de consensus sur les « traitements efficients dans les pathologies bénignes et malignes de la prostate » (6) est arrivé à la conclusion que le dutastéride et les autres inhibiteurs de la 5α-réductase « sont conseillés pour un traitement au long cours (plus d’un an) de l’HBP et après échec de la stratégie conservatrice qui consiste en : des explications, une réassurance (par exemple, le fait de savoir qu’il ne s’agit pas d’un cancer) et une adaptation du mode de vie (GRADE 1B). Les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase réduisent le risque de rétention urinaire et la nécessité de recourir à des interventions chirurgicales. Le jury conclut que, compte tenu de l’effet limité de ces médicaments, le traitement chirurgical reste la norme de référence en cas d’obstruction objectivée (forte recommandation). Les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase peuvent être envisagés dans le cas des patients pour lesquels la chirurgie doit être évitée (GRADE 2C) ». La plupart des guides de pratique (7-11) recommandent également de ne pas « traiter » l’HBP en absence de symptômes de sténose des voies urinaires basses. Le plus souvent la temporisation suffit, moyennant des explications et des mesures d’hygiène.   

 

Conclusion

Cette analyse post-hoc de l’étude REDUCE conclut que, chez les hommes asymptomatiques présentant une hypertrophie bénigne de la prostate, le dutastéride entraîne une diminution significative de la progression clinique avec des effets indésirables acceptables. Ces résultats demandent à être confirmés par des études contrôlées randomisées avec comme critère de jugement principal la progression de l’hypertrophie bénigne de la prostate symptomatique. Les arguments dont nous disposons sont absolument insuffisants pour modifier la recommandation actuelle qui préconise une temporisation.

 

 

Références

  1. Andriole GL, Bostwick DG, Brawley OW, et al; REDUCE Study Group. Effect of dutasteride on the risk of prostate cancer. N Engl J Med 2010;362:1192-202.
  2. Belche JL. Dutastéride pour éviter un cancer de la prostate ? MinervaF 2011;10(5):58-9.
  3. Toren P, Margel D, Kulkarni G, et al. Effect of dutasteride on clinical progression of benign prostatic hyperplasia in asymptomatic men with enlarged prostate: a post hoc analysis of the REDUCE study. BMJ 2013;346:f2109.
  4. Yusuf S, Wittes J, Probstfield J, Tyroler H. Analysis and interpretation of treatment effects in subgroups of patients in randomized clinical trials. JAMA 1991;266:93-8.
  5. Chevalier P, van Driel M. Les pièges des analyses en sous-groupes. [Editorial] MinervaF 2007;6(1):1.
  6. Réunion de consensus INAMI. Traitements efficients dans les pathologies bénignes et malignes de la prostate. Mai 2011.
  7. European Association of Urology. Guidelines on conservative treatment of non-neurogenic male LUTS. Update april 2010.
  8. National Institute for Health and Care Excellence. Lower urinary tract symptoms. The management of lower urinary tract symptoms in men. May 2010. NICE clinical guideline 97.
  9. Canadian Urological Association. 2010 update: Guidelines for the management of benign prostatic hyperplasia.
  10. Hyperplasie bénigne de la prostate. Duodecim Medical Publications Ltd 2010. [Visité le 13/11/2013]. URL : http://www.ebmpracticenet.be/fr/paginas/default.aspx?ebmid=ebm00246
  11. 5-alpha-reductase inhibitors (5ARI) for benign prostatic hyperplasia. Evidence summaries 2011. [Visité le  13/11/2013]. URL : https://www.ebmpracticenet.be/fr/paginas/default.aspx?ebmid=evd00966

 

Nom du produit

Dutastéride = Avodart®

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