Analyse


Fibrillation auriculaire paroxystique : ablation par radiofréquence versus médicaments antiarythmiques


15 06 2015

Professions de santé

Analyse de
Morillo CA, Verma A, Connolly SJ, et al; RAAFT-2 Investigators. Radiofrequency ablation vs antiarythmic drugs as first-line treatment of paroxysmal atrial fibrillation (RAAFT-2): a randomized trial. JAMA 2014;311:692-700.


Conclusion
Dans cette étude de bonne qualité méthodologique, l’ablation par radiofréquence s’est montrée plus efficace que les médicaments antiarythmiques comme traitement initial de la fibrillation auriculaire paroxystique. Cette efficacité est cependant modeste (plus de la moitié des participants ont tout de même présenté une récidive dans le groupe ablation) et se fait au prix d’un risque accru d’effets indésirables potentiellement graves.


 

Contrairement au débat concernant les modalités de l’anticoagulation orale, le traitement de la fibrillation auriculaire elle-même, c’est-à-dire en termes de rétablissement d’un rythme sinusal et/ou de traitement conservateur, n’a que peu été discuté dans la revue Minerva (1-3). L’ablation par radiofréquence de la fibrillation auriculaire (FA) est un traitement relativement récent mais qui fait déjà l’objet d’une recommandation européenne de classe I/A (recommandation forte sur base d’un haut niveau de preuve) chez les patients symptomatiques qui n’ont pas répondu aux médicaments antiarythmiques (AAs) (4). Cette thérapie est étudiée depuis peu comme traitement de première ligne (5,6).

 

Dans l’étude internationale RAAFT-2 publiée en 2014 (7), sponsorisée par l’industrie, 127 patients présentant une fibrillation auriculaire paroxystique ont été randomisés entre un traitement par AAs choisis à la discrétion de l’investigateur (flécaïnide 69%, propafénone 25%) versus ablation. 75% des patients avaient présenté au moins 4 épisodes de FA au cours des 6 derniers mois et n’avaient jamais été traités par AAs ou par ablation. Le critère de jugement primaire était la survenue de FA, de flutter auriculaire ou de tachycardie auriculaire durant plus de 30 secondes au cours des 2 années de suivi. Quelques cross-over dans les 2 groupes sont à relever et ne facilitent pas l’interprétation des résultats vu le nombre faible de patients dans chaque groupe de l’étude.

Le taux de survenue du critère de jugement primaire a été de 54,6% dans le groupe ablation et de 72,1% dans le groupe AAs (HR de 0,56 avec IC à 95% de 0,35 à 0,90 ; p = 0,02). Aucun accident vasculaire cérébral ni aucun décès n’est survenu, mais 4 patients dans le groupe ablation ont souffert d’une tamponnade cardiaque. Les scores de qualité de vie se sont améliorés dans les 2 groupes mais sans différence significative entre les groupes. Comme le note un éditorialiste (8), cette étude renforce la recommandation actuelle de Classe II (preuve d’un conflit et/ou d’une divergence d’opinions sur l’utilité/efficacité du traitement) de l’ablation comme traitement de première ligne de la FA paroxystique symptomatique, c’est-à-dire que cette procédure est à envisager mais non à recommander.

Pour rappel, le KCE a publié en 2012 (9) un rapport scientifique sur cette problématique. Il était remarqué que le nombre de traitements de la FA par ablation par cathéter avait doublé ces dernières années (ndlr : en 2011) en Belgique. Le KCE rappelait qu’il s’agit d’une intervention complexe qui n’est pas sans risques, et la moitié des patients semble avoir rechuté dans les 2 ans. Vu le coût de l’intervention, le KCE plaidait pour une restriction du remboursement aux patients pour lesquels les études ont montré que l’intervention leur est la plus profitable, et pour une information préalable au patient des avantages et inconvénients. En outre, selon le KCE toujours, l’intervention devrait être effectuée uniquement par des médecins expérimentés dans des centres expérimentés.

Cette étude renforce la recommandation actuelle de Classe II de l’ablation comme traitement de première ligne de la FA paroxystique.

 

Conclusion

Dans cette étude de bonne qualité méthodologique, l’ablation par radiofréquence s’est montrée plus efficace que les médicaments antiarythmiques comme traitement initial de la fibrillation auriculaire paroxystique. Cette efficacité est cependant modeste (plus de la moitié des participants ont tout de même présenté une récidive dans le groupe ablation) et se fait au prix d’un risque accru d’effets indésirables potentiellement graves.

 

 

Références 

  1. Duytschaever M, Tavernier R. Fibrillation auriculaire: contrôler la fréquence ou le rythme. MinervaF 2004;3(1):2-3.
  2. Wyse DG, Waldo AL, DiMarco JP, et al. A comparison of rate control and rhythm control in patients with atrial fibrillation (AFFIRM). N Engl J Med 2002;347:1825-33.
  3. Van Gelder IC, Hagens VE, Bosker HA, et al. A comparison of rate control and rhythm control in patients with recurrent persistent atrial fibrillation (RACE). N Engl J Med 2002;347:1834-40.
  4. Camm AJ, Lip GY, De Caterina, R, et al; ESC Committee for Practice Guidelines-CPG; Document Reviewers. 2012 focused update of the ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation: an update of the 2010 ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation--developed with the special contribution of the European Heart Rhythm Association. Eur Heart J 2012;33:2719-47.
  5. Cosedis Nielsen J, Mortensen LS, Hansen PS. Radiofrequency ablation as initial therapy in paroxysmal atrial fibrillation. N Engl J Med 2012;367:1587-95.
  6. Wazni OM, Marrouche NF, Martin DO, et al. Radiofrequency ablation vs antiarrhythmic drugs as first-line treatment of symptomatic atrial fibrillation: a randomized trial. JAMA 2005;293:2634-40.
  7. Morillo CA, Verma A, Connolly SJ, et al; RAAFT-2 Investigators. Radiofrequency ablation vs antiarythmic drugs as first-line treatment of paroxysmal atrial fibrillation (RAAFT-2): a randomized trial. JAMA 2014;311:692-700.
  8. Calkins H. Has the time come to recommend catheter ablation of atrial fibrillation as first-line therapy? [Editorial] JAMA 2014;311:679.
  9. Van Brabandt H, Neyt M, Devos C. L'ablation par cathéter de la fibrillation auriculaire. Synthèse Health Techhnology Assessment (HTA). Bruxelles: Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE).2012. KCE Report 184B. D/20122/10.273/58.

 


Auteurs

Delmotte P.
service de Cardiologie, CHU Ambroise Paré, Mons
COI :

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