Analyse
Dans quelle mesure les modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes (SERM) préviennent-ils le développement du cancer du sein ?
15 05 2014
Professions de santé
Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone
Une méta-analyse de 2003 a montré que le tamoxifène réduit de 48 % la probabilité de développer un carcinome du sein invasif avec récepteurs sensibles aux estrogènes (ER+) (1). L’effet préventif du raloxifène sur le développement d’un carcinome du sein invasif a également déjà été montré dans l’étude MORE et dans l’étude CORE chez des femmes ménopausées présentant de l’ostéoporose (2).
Une méta-analyse a récemment actualisé ces résultats avec des données complémentaires concernant deux autres SERM : le lasofoxifène et l’arzoxifène (3). Au total, neuf études ont suivi 83 399 femmes avec un risque élevé de carcinome du sein pendant 306 617 années-patients (suivi médian : 65 mois (intervalle interquartile 54 à 93)) pour détecter le développement de toute forme de cancer du sein. Seules 3 des 9 études incluses ont été menées en aveugle. Globalement, une diminution de 38 % (HR 0,62 avec IC à 95 % de 0,56 à 0,69) de l’incidence du cancer du sein a été observée après 10 ans entre le groupe SERM et le groupe témoin. Cette réduction relative du risque correspondait à une diminution de l’incidence cumulée estimée sur 10 ans du cancer du sein passant de 6,3 % dans le groupe témoin à 4,2 % dans le groupe SERM, soit un NST de 42 pendant 10 ans pour prévenir un carcinome du sein. Le NST est de 53 en se limitant aux cancers du sein invasifs ER+. Aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre le groupe SERM et le groupe témoin quant à la mortalité globale ou la mortalité liée au cancer du sein. La réduction relative du risque du cancer du sein est plus importante pendant les 5 premières années, mais s’est néanmoins poursuivie au cours du suivi sur 5 à 10 ans (respectivement 42 % (HR 0,58 avec IC à 95% de 0,51 à 0,66 ; p < 0,0001) et 25 % (HR 0,75 avec IC à 95% de 0,61 à 0,93 ; p < 0,007)). C’est la raison pour laquelle les auteurs indiquent dans leur discussion qu’il est nécessaire de continuer à suivre les chiffres de mortalité. L’incidence du cancer du sein variait fort d’une étude à l’autre, ce qui s’explique probablement par les différences dans les critères d’inclusion. Les données de la méta-analyse ne permettent pas toujours de déterminer s’il s’agissait de femmes avec un risque élevé ou modéré de cancer du sein. Il est donc impossible, à partir des résultats de cette étude, de prédire quelles sont les femmes qui bénéficieront de cette diminution de l’incidence du cancer du sein. Nous ne savons pas non plus à quel âge et à quel dosage instaurer ce traitement pour en obtenir une efficacité préventive maximale. Le nombre d’événements thromboemboliques est fortement augmenté pour tous les SERM (OR 1,73 avec IC à 95% de 1,47 à 2,05 ; p < 0,0001). En outre, l’incidence du carcinome de l’endomètre est nettement augmentée (OR 2,18 avec IC à 95% de 1,39 à 3,42 ; p = 0,001), uniquement pour le tamoxifène. Il y a une diminution de 34 % du nombre de fractures vertébrales (OR 0,66 avec IC à 95% de 0,59 à 0,73). Pour les fractures non vertébrales, la diminution est cependant très limitée (OR 0,93 avec IC à 95% de 0,87 à 0,99). L’incidence du carcinome intracanalaire est diminuée uniquement dans les études portant sur le tamoxifène.
Conclusion
Cette méta-analyse d’études contrôlées montre que chez des femmes avec un risque élevé de cancer du sein les modulateurs sélectifs des récepteurs aux estrogènes (SERM) diminuent de manière statistiquement significative l’incidence des cancers du sein invasifs avec récepteurs sensibles aux estrogènes. Elle ne permet cependant pas de savoir quelle est la place des SERM dans la prévention du cancer du sein car une efficacité préventive sur la mortalité totale et sur la mortalité liée au cancer du sein n’est pas montrée et le rapport entre les bénéfices et les effets indésirables (tels que les évènements thromboemboliques et le carcinome de l’endomètre) n’est pas clairement établi.
Références
- Cuzick J, Powles T, Veronesi U, et al. Overview of the main outcomes in breast-cancer prevention trials. Lancet 2003;361:296-300.
- Vermeire E. Le raloxifène diminue-t-il le risque de cancer du sein chez les femmes ostéoporotiques? Minerva 2006;5(4):59-61.
- Cuzick J, Sestak I, Bonanni B, et al; SERM Chemoprevention of Breast Cancer Overview Group. Selectove oestrogen receptor modulators in prevention of breast cancer; an updated meta-analysis of individual patient data. Lancet 2013;381:1827-34.
Auteurs
Vermeire E.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
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