Analyse
Nodules pulmonaires détectés par CT scan à faible dose : cancer probable ou non ?
15 06 2014
Professions de santé
Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone
Récemment, la revue Minerva, vous a présenté certains résultats de l’étude NLST concernant le dépistage du cancer du poumon par CT scan à faible dose dans une population à risque (1) et plus précisément, les résultats obtenus au premier examen de dépistage (2).Le dépistage initial a été positif pour 27,3% des sujets soumis au CT scan à faible dose et pour 9,2% des sujets soumis à la radiographie de thorax. Un acte chirurgical s’en est suivi chez respectivement 4,2% et 5,2% des sujets, avec un diagnostic post-opératoire de cancer pour respectivement 1,1% et 0,7% des sujets dépistés. Ce qui pour le CT scan donne une force probante de 3,53 et une force excluante de 11,8. Pour le bras RX thorax, la force probante est meilleure : 8,45 mais la force excluante est plus faible, de 3,44.
Globalement, à côté des irradiations répétées susceptibles en elles-mêmes de favoriser le développement d’un cancer, se pose la question de la nature d’un résultat positif. Dans l’étude NLST suite aux trois tomodensitométries de dépistage, 24% des résultats ont été qualifiés d’anormaux mais plus de 96% d’entre eux se sont révélés être des faux positifs (3).
Un modèle précis et simple permettant de prédire le risque de malignité d’un nodule pulmonaire découvert lors du premier CT scan à faible dose permettrait de prendre des décisions cliniques appropriées et de réduire les risques de morbimortalité induits par les mises au point et les traitements inutiles (surdiagnostic), ainsi que les coûts du dépistage non chiffrés dans l’étude NLST.
Pour répondre à ce besoin, une équipe canadienne, à partir d’une première étude prospective de cohorte (Pan-Canadian early detection of Lung cancer Study (4,5)) issue de la population générale, a construit par régression logistique des modèles prédictifs de la nature cancéreuse des nodules pulmonaires (6). Les variables prédictives indépendantes du modèle appelé complet (incluant les variables associées en régression univariée au risque de cancer avec une valeur de p < 0,25), étaient les suivantes : âge avancé, sexe féminin, antécédents familiaux de cancer pulmonaire, emphysème, taille du nodule, localisation dans les lobes supérieurs, nature partiellement solide, nombre faible de nodules et aspect spiculé. Un modèle parcimonieux ne reprenant que les variables statistiquement significatives en régression univariée (p < 0,05), à savoir le sexe féminin, la taille du nodule, la localisation dans les lobes supérieurs et le caractère spiculé a aussi été utilisé. Les caractéristiques discriminantes de ces modèles (capacité à classer correctement) ont été évaluées par l’aire sous la courbe ROC.
Ces modèles ont ensuite été validés dans une seconde cohorte prospective (patients inclus dans plusieurs études réalisées par la British Columbia Cancer Agency). Comme dans cette seconde cohorte, le caractère spiculé ou non des nodules n’avait pas été décrit, cette variable a été retirée des deux modèles testés. Le taux de cancer dans la première cohorte (pour la dérivation du modèle) était de 5,5% et de 3,7% dans la cohorte de validation du modèle. Dans la cohorte de développement comme dans la cohorte de validation, les deux modèles offraient une excellente discrimination avec une aire sous la courbe ROC > 0,90 avec cependant un avantage statistiquement significatif pour le modèle complet (p = 0,002 dans la cohorte de validation).
Les auteurs concluent que ce nouveau modèle prédictif du risque de la nature néoplasique des nodules découverts par CT scan à faible dose couplé à un calculateur en accès libre sur internet (www.brocku.ca/cancerpredictionresearch) améliorerait par réduction des faux positifs les bénéfices escomptés du dépistage du cancer du poumon.
Cette affirmation devra être validée dans un essai randomisé type NLST.
Conclusion
Cette étude de cohortes de bonne qualité construit et valide un modèle mathématique prédictif de la nature maligne ou bénigne d’un nodule découvert lors d’un premier examen de dépistage du cancer du poumon par CT scan à faible dose. Il reste à valider ce modèle dans le cadre d’une RCT.
Références
- Van Meerhaeghe A, Chevalier P. CT scan à faible dose pour le dépistage du cancer du poumon. Minerva online 15/04/2014.
- Church TR, Black WC, Aberle DR, et al; National Lung Screening Trial Research Team. Results of initial low-dose computed tomographic screening for lung cancer. N Engl J Med 2013;368:1980-91.
- Aberle DR, Adams AM, Berg CD et al. National Lung Screening Trial Research Team. Reduced lung-cancer mortality with low-dose computed tomographic screening. N Engl J Med 2011;365:395-409.
- Tammemagi CM, Pinsky PF, Caporaso NE, et al. Lung cancer risk prediction: Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Cancer Screening Trial models and validation. J Natl Cancer Inst 2011;103:1058-68.
- Tammemägi MC, Katki HA, Hocking WB, et al. Selection criteria for lung-cancer screening. N Engl J Med 2013;368:728-36.
- McWilliams A, Tammemagi MC, Mayo JR et al. Probability of cancer in pulmonary nodules detected on first screening CT. N Engl J Med 2013;369:910-9.
Auteurs
Van Meerhaeghe A.
Service de Pneumologie et GERHPAC, Hôpital Vésale, CHU-Charleroi ; Laboratoire de Médecine Factuelle, ULB
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