Analyse


Le VIH peut-il se transmettre si le patient prend bien ses médicaments antirétroviraux ?


15 10 2019

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
LeMessurier J, Traversy G, Varsaneux O, et al. Risk of sexual transmission of human immunodeficiency virus with antiretroviral therapy, suppressed viral load and condom use: a systematic review. CMAJ 2018;190:E1350-60. DOI: 10.1503/cmaj.180311


Conclusion
Cette synthèse méthodique montre que le risque de transmission du VIH entre une personne séropositive qui prend correctement ses médicaments antiviraux et un partenaire sexuel séronégatif est négligeable.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Les personnes qui ont été infectées par le VIH doivent, dès le diagnostic posé, être adressées à des prestataires de soins professionnels ayant l’expérience de l’utilisation des médicaments antiviraux. Une fois que les médicaments antiviraux ont été commencés, il est essentiel de les poursuivre sans interruption. Les médicaments antiviraux améliorent le pronostic, la qualité de vie et l’aptitude au travail du patient positif pour le VIH. En outre, un traitement médicamenteux à longue durée d’action réduit considérablement la transmission du VIH. Cette synthèse méthodique montre que le risque de transmission du VIH entre un patient séropositif qui prend correctement ses médicaments antiviraux et une personne séronégative est négligeable. Il est néanmoins important de remarquer que les partenaires des personnes positives pour le VIH courent aussi le risque d’être contaminés par le VIH d’un autre partenaire sexuel. Ces transmissions du VIH sont le plus souvent d’un autre génotype que celui du VIH du partenaire principal, et elles ne seront évidemment pas empêchées parce que le partenaire principal prend des médicaments antirétroviraux. D’autres options pour réduire ces transmissions sont l’utilisation de préservatifs, la prophylaxie avant exposition (PrEP) et la monogamie.



Minerva a déjà publié un commentaire sur une méta-analyse d’études randomisées contrôlées disposant d’un bon plan expérimental d’un point de vue méthodologique, dont la conclusion était que la prophylaxie avant exposition (PrEP) avait un effet protecteur chez les personnes séronégatives pour le VIH présentant un risque élevé d’exposition au VIH (1,2).

 

Une récente synthèse méthodique (3) a évalué le risque de contamination par le VIH chez une personne négative pour le VIH qui a des rapports sexuels avec un partenaire positif pour le VIH et qui :

  • (Question 1) prend des médicaments antirétroviraux (avec différents niveaux de charge virale) ;
  • (Question 2) prend des médicaments antirétroviraux et a une charge virale indétectable ;
  • (Question 3) prend des médicaments antirétroviraux et, tout comme le partenaire sexuel négatif pour le VIH, utilise aussi des préservatifs ;
  • (Question 4) prend des médicaments antirétroviraux, a une charge virale indétectable et, tout comme le partenaire sexuel négatif pour le VIH, utilise aussi des préservatifs ;
  • (Question 5) tout comme le partenaire sexuel négatif pour le VIH, utilise uniquement des préservatifs.

 

Deux chercheurs indépendants ont sélectionné, parmi différentes sources, dont MEDLINE, Embase, Global Health et la Cochrane Library (jusqu’en mars 2017), 12 synthèses méthodiques qui déterminaient le risque absolu de transmission sexuelle du VIH entre des partenaires dont le statut sérologique vis-à-vis du VIH était discordant.

Pour les questions 1 à 4, deux synthèses méthodiques de qualité méthodologique élevée (avec inclusion de N = 6 études) ont été sélectionnées à l’aide de l’instrument AMSTAR. Pour deux études, on a ensuite sélectionné, à partir de MEDLINE, de Embase, du registre central Cochrane des essais contrôlés (Cochrane Register of Controlled Trials, CENTRAL) et de Web of Science (jusqu’en avril 2017), en complétant avec les listes des références des études trouvées et par le biais de contacts avec des experts, 7 études plus récentes qui déterminaient le risque absolu de transmission sexuelle du VIH entre une personne positive pour le VIH sous traitement antiviral (avec surveillance de la charge virale et rapport de l’utilisation de préservatifs) et un patient négatif pour le VIH. Les résultats de ces études, dont le risque de biais était considéré comme faible ou modéré selon l’instrument QUIPS, ont été ajoutés à ceux de deux études des synthèses méthodiques.

Au total, 11 études qui évaluaient le risque de transmission du VIH entre une personne positive pour le VIH sous thérapie antirétrovirale et un partenaire sexuel négatif pour le VIH ont été trouvées. Les chercheurs ont uniquement tenu compte de la contamination par un VIH dont le génotype correspondait (était phylogénétiquement lié) au génotype du VIH retrouvé chez le partenaire séropositif. Au total, 23 transmissions de VIH phylogénétiquement liés ont été trouvées sur plus de 10511 personnes-années. Cela revient à 0,22 transmissions/100 personnes-années (avec IC à 95% de 0,14 à 0,33 ; GRADE élevé pour les couples hétérosexuels et modéré pour les couples homosexuels) (question 1). La plupart des personnes-années provenaient toutefois d’études de cohortes où l’observance du traitement par médicaments antiviraux était élevée. L’utilisation complémentaire de préservatifs variait d’une étude à l’autre. Une sous-estimation du risque ne peut donc être exclue. Chez les patients qui suivaient une thérapie antirétrovirale et dont la charge virale était indétectable, avec moins de 200 copies/ml lors de mesures successives tous les 4 à 6 mois (comme preuve d’une bonne observance), aucune transmission du VIH n’a été observée (0,00 transmission/100 personnes-années avec IC à 95% de 0,00 à 0,28 ; GRADE élevé) (question 2). Dans l’étude PARTNER (incluse dans cette synthèse méthodique) (4), on a récemment aussi observé, durant la deuxième phase (5), que la transmission du VIH chez les couples homosexuels ayant des rapports sexuels anaux sans préservatifs était nulle lorsque le partenaire positif pour le VIH prenait des médicaments antirétroviraux et que la charge virale était inférieure à 200 copies/ml. Aucune étude examinant directement les questions 3 et 4, n’a été trouvée mais les chercheurs ont estimé que le risque de transmission du VIH était faible.

Pour la question 5, une synthèse méthodique de la Collaboration Cochrane (6) permettant de montrer avec suffisamment de certitude que le risque de transmission du VIH est faible chez les personnes qui utilisent des préservatifs sans thérapie antirétrovirale a été trouvée. Les auteurs de la présente synthèse méthodique estiment qu’une mise à jour n’est pas nécessaire. Le risque a été estimé à 1,14 transmission/100 personnes-années (avec IC à 95% de 0,56 à 2,04). Les chercheurs signalent ici une possible sous-estimation de l’effet de l’utilisation des préservatifs du fait d’un excès dans la déclaration de l’utilisation des préservatifs (en conséquence d’un biais de déclaration ou biais lié au comportement socialement accepté), du fait d’un biais d’indication (dans un contexte où le risque est plus élevé, on utilisera peut-être plus de préservatifs) et du fait de l’inclusion possible de transmissions de VIH d’un autre génotype que celui du partenaire le plus important.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique montre que le risque de transmission du VIH entre une personne séropositive qui prend correctement ses médicaments antiviraux et un partenaire sexuel séronégatif est négligeable.

 

Pour la pratique

Les personnes qui ont été infectées par le VIH doivent, dès le diagnostic posé, être adressées à des prestataires de soins professionnels ayant l’expérience de l’utilisation des médicaments antiviraux. Une fois que les médicaments antiviraux ont été commencés, il est essentiel de les poursuivre sans interruption. Les médicaments antiviraux améliorent le pronostic, la qualité de vie et l’aptitude au travail du patient positif pour le VIH. En outre, un traitement médicamenteux à longue durée d’action réduit considérablement la transmission du VIH (7). Cette synthèse méthodique montre que le risque de transmission du VIH entre un patient séropositif qui prend correctement ses médicaments antiviraux et une personne séronégative est négligeable. Il est néanmoins important de remarquer que les partenaires des personnes positives pour le VIH courent aussi le risque d’être contaminés par le VIH d’un autre partenaire sexuel. Ces transmissions du VIH sont le plus souvent d’un autre génotype que celui du VIH du partenaire principal, et elles ne seront évidemment pas empêchées parce que le partenaire principal prend des médicaments antirétroviraux. D’autres options pour réduire ces transmissions sont l’utilisation de préservatifs, la prophylaxie avant exposition (PrEP) (1,2) et la monogamie.

 

 

Références 

  1. De Man J. Prophylaxie en cas de risque élevé de contracter une infection à VIH. MinervaF 2013;12(6):67-8.
  2. Okwundu CI, Uthman OA, Okoromah CA. Antiretroviral pre-exposure prophylaxis (PrEP) for preventing HIV in high-riskindividuals. Cochrane DatabaseSystRev 2012, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD007189.pub3
  3. LeMessurier J, Traversy G, Varsaneux O, et al. Risk of sexual transmission of human immunodeficiency virus with antiretroviral therapy, suppressed viral load and condom use: a systematic review. CMAJ 2018;190:E1350-60. DOI: 10.1503/cmaj.180311
  4. Rodger AJ, Cambiano V, Bruun T, et al; PARTNER Study Group. Sexual activity without condoms and risk of HIV transmission in serodifferent couples when the HIV-positive partner is using suppressive antiretroviral therapy. JAMA 2016;316:171-81. DOI: 10.1001/jama.2016.5148
  5. Rodger AJ, Cambiano V, Bruun T, et al; PARTNER Study Group. Risk of HIV transmission through condom less sex in serodifferent gay couples with the HIV-positive partner taking suppressive antiretroviral therapy (PARTNER): final results of a multicentre, prospective, observational study. Lancet 2019;393:2428-38. DOI: 10.1016/S0140-6736(19)30418-0
  6. Weller S, Davis K. Condom effectiveness in reducing heterosexual HIV transmission. Cochrane Database Syst Rev 2002, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD003255
  7. Infection par le HIV. Ebpracticenet 2000. Dernière mise à jour: 13/02/2017. Dernière révision contextuelle: 23/02/2019.

 




Ajoutez un commentaire

Commentaires