Analyse
Le traitement par ondes de choc extracorporelles focalisées est-il efficace sur le syndrome douloureux du grand trochanter ?
Contexte
Le syndrome douloureux du grand trochanter (en anglais « Greater Trochanteric Pain Syndrome », GTPS) est une entité clinique dont la pathogénèse exacte est inconnue à ce jour et dont la prise en charge est peu étayée. À côté des anti-inflammatoires non stéroïdiens et de la kinésithérapie, les principaux traitements proposés sont les corticostéroïdes, le plasma riche en plaquettes et les ondes de chocs. En 2012, Minerva analysait une étude établissant une possible efficacité sur la douleur à court terme de l’infiltration de corticostéroïdes. Cependant l’efficacité était mal précisée en termes de disparition des symptômes et non cliniquement pertinente en ce qui concerne l’ampleur de la diminution de la douleur (1,2). D’autres études, non randomisées, tendent à montrer que la thérapie par ondes de choc extracorporelles focalisées (en anglais « Focused Extracorporal ShockWave Therapy », fESWT) peut se révéler efficace pour soulager le GTPS à court et à long terme (3,4). L’apport d’une étude randomisée contrôlée nous permettant d’analyser l’efficacité de la fESWT sur le GTPS se révèle donc tout à fait pertinent.
Résumé
Protocole d’étude
- cette étude randomisée contrôlée en simple aveugle tente de déterminer l’apport de la fESWT associée à un programme d’exercices à la maison (1 fois par jour pendant 24 semaines) sur la qualité de vie et sur les douleurs des patients atteints du GTPS par rapport à un groupe contrôle ne recevant que les exercices
- le protocole de l’étude prévoit 3 séances d’ondes de choc par semaine avec les caractéristiques suivantes : 2000 impulsions de 5 Hz avec une densité d’énergie de flux de 0,20 mJ/mm2 versus 0,01 mJ/mm2 dans le groupe contrôle.
Population étudiée
- 103 patients issus de trois centres hospitaliers différents d’Italie et d’Espagne ont été inclus. - dans le protocole, ils devaient être âgés de plus de 18 ans et présenter une douleur unilatérale dans l’aire du grand trochanter lors de la position en décubitus ainsi que lors de la palpation de cette aire, et ce, depuis plus de 3 mois
- ils ont été soumis à une visite médicale et par la suite, une radiographie ainsi qu’une IRM ou une échographie
- les critères d’exclusion étaient nombreux et incluaient notamment : l’ostéoarthrite, les calcifications, les lésions tendineuses, les mouvements de rotation de la hanche limités (RI < 20°, amplitude < 10°), les antécédents de chirurgie de la hanche, les dorsalgies persistantes, les pathologies rhumatismales, vasculaires et/ou neurologiques de la hanche
- sur les 103 patients inclus dans l’étude, on retrouve, aussi bien dans le groupe contrôle que dans le groupe avec intervention, une majorité de femmes (respectivement 32 et 42 femmes contre 18 et 11 hommes)
- les moyennes d’âge sont de 57,1 +/- 12,9 dans le groupe intervention et de 55,6 +/- 11 dans le groupe contrôle. 55% de tendinopathie de la hanche, 19% de bursite et 26% de tendinopathie associée à une bursite sont observés dans le groupe intervention contre respectivement 58%, 22% et 20% dans le groupe contrôle ; il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes.
Mesure des résultats
- les critères de jugement sont : (i) une échelle visuelle analogique (en anglais « Visual Analogue Score », VAS), allant de 0 (absence de douleur) à 10 (douleur insupportable, (ii) le « Harris Hip Score » (HHS), (iii) le « Lower Extremity Functional Scale » (LEFS), (iv) la qualité de vie mesurée par le « EuroQol-5 Dimensions Questionnaire » (EQ-5D), et (v) le « Roles and Mausley score » (RM) et sont évalués à 0, 1, 2, 3 et 6 mois
- le critère de jugement primaire est la douleur, mesurée par le score moyen sur l’échelle VAS à 2 mois de traitement.
Résultats
- les résultats pour les critères de jugement primaire (2,0 en moyenne sur l’échelle VAS dans le groupe intervention contre 4,7 dans le groupe contrôle) et secondaires étaient tous statistiquement significatifs (p < 0,05), sauf ceux du LEFS score à 1 mois (p = 0,25).
Discussion
Evaluation de la méthodologie et interprétation des résultats
Les scores utilisés comme critères de jugement primaire et secondaire sont tous des scores validés et de très bonne qualité (5-9). La douleur ayant de multiples aspects, le fait d’utiliser de multiples scores traitant de différents aspects de la douleur rend les résultats de cette étude plus signifiants. La multiplicité des scores montrant des résultats positifs augmente la vraisemblance de l’effet. La taille de l’échantillon pour le critère primaire est suffisante d’après le calcul de puissance. On note cependant l’absence de calcul d’intervalle de confiance pour les résultats obtenus, ce qui limite l’évaluation de la pertinence clinique de la différence observée. Par ailleurs, l’étude conclut à l’absence d’effets indésirables liés à l’intervention. Or, les critères de sécurité ne sont pas décrits dans le protocole de l’étude initiale si bien que l’on peut donc se demander s’ils ont réellement été recherchés. Aucune donnée sur le suivi à long terme de ces patients n’est disponible. Enfin, l’adhésion au programme d’exercice à la maison n’a pas été mesurée dans les différents groupes.
Que disent les guides de pratique clinique ?
Les ondes de choc extracorporelles ne font pas encore partie de tous les guides pratiques cliniques dans le cadre des douleurs trochantériennes. La qualité et la quantité des preuves relatives à l’efficacité et à la sûreté des ondes de choc sont faibles (10). NICE encourage d’ailleurs les recherches portant sur la définition du protocole de traitement et l’établissement de son innocuité (11).
Conclusion de Minerva
Cette étude randomisée contrôlée aux limites méthodologiques certaines (grand nombre de critères d’exclusion, absences de mesures des co-traitements et de critères de sécurité) montre que, chez des patients souffrant de syndrome douloureux du grand trochanter, le traitement par ondes de choc extracorporelles focalisées associé à un programme d’exercices entraîne une diminution significative de la douleur à court et moyen terme chez des personnes âgées de 40 à 65 ans. De nouvelles études devraient être réalisées pour avoir une idée plus précise de l’effet de l’intervention.
- T. Poelman. Syndrome du grand trochanter : infiltrations de corticostéroïde ? MinervaF 2012;11(2):19-20.
- Brinks A, van Rijn RM, Willemsen SP, et al. Corticosteroid injections for greater trochanteric pain syndrome: a randomized controlled trial in primary care. Ann Fam Med 2011;9:226-34. DOI: 10.1370/afm.1232
- Rompe JD, Segal NA, Cacchio A, et al. Home training, local corticosteroid injection, or radial shock wave therapy for greater trochanter pain syndrome. Am J Sports Med 2009;37:1981-90. DOI: 10.1177/0363546509334374
- Furia JP, Rompe JD, Maffulli N. Low-energy extracorporeal shock wave therapy as a treatment for greater trochanteric pain syndrome. Am J Sports Med 2009;37:1806-13. DOI: 10.1177/0363546509333014
- Bijur PE, Silver W, Gallagher EJ. Reliability of the visual analog scale for measurement of acute pain. Acad Emerg Med 2001;8:1153-7. DOI: 10.1111/j.1553-2712.2001.tb01132.x
- Boonstra AM, Schiphorst Preuper HR, Reneman MF, et al. Reliability and validity of the visual analogue scale for disability in patients with chronic musculoskeletal pain. Int J Rehabil Res 2008;31:165-9. DOI: 10.1097/MRR.0b013e3282fc0f93
- Wamper KE, Sierevelt IN, Poolman RW, Bhandari M, Haverkamp D. The Harris hip score: do ceiling effects limit its usefulness in orthopedics? Acta Orthop 2010;81(6):703-7. DOI: 10.3109/17453674.2010.537808
- Mehta SP, Fulton A, Quach C, et al. Measurement properties of the lower extremity functional scale: a systematic review. J Orthop Sports Phys Ther 2016;46:200-16. DOI: 10.2519/jospt.2016.6165
- Obradovic M, Lal A, Liedgens H. Validity and responsiveness of EuroQol-5 dimension (EQ-5D) versus Short Form-6 dimension (SF-6D) questionnaire in chronic pain. Health Qual Life Outcomes 2013;11:110. DOI: 10.1186/1477-7525-11-110
- Douleur trochantérienne. Ebpracticenet. Mise à jour : 16/05/2017. Screené : 2017.
- Extracorporeal shockwave therapy for refractory greater trochanteric pain syndrome (interventional procedures guidance (IPG376). Published: 26 January 2011. Consulté le 30/03/21 sur https://www.nice.org.uk/guidance/ipg376
Auteurs
Bragard S.
médecin généraliste
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
Brasseur C-H.
assistant en médecine générale UCLouvain
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
De Jonghe M.
médecin généraliste, Centre Académique de Médecine Générale, UCLouvain
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
Glossaire
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