Analyse
Efficacité du minoxidil et des inhibiteurs 5 alpha-réductase dans le traitement de l’alopécie androgénique chez les patients de sexe masculin ?
Contexte
L’alopécie androgénique est un processus physiologique du vieillissement chez tous les êtres humains (1). Il est plus ou moins rapide suivant la prédisposition génétique des individus. Cependant, le processus est également sous influence des androgènes : en effet, alors que les hormones sexuelles stimulent la pousse du poil sur l’ensemble du corps, ils provoquent une chute du follicule pileux sur le cuir chevelu. Bien que le mécanisme ne soit pas très bien compris, en inhibant les androgènes dont une enzyme, la 5-alpha réductase, l’alopécie androgénique pourrait être traitée. Les médicaments ciblant cette enzyme sont le finastéride et le dutastéride. Une autre molécule, qui n’est pas un inhibiteur, empêchant la chute des cheveux est le minoxidil. Mais les données dans la littérature montrant une efficacité des trois médicaments que ce soit sous forme orale ou topique, en association ou non, ainsi que leur sécurité à long terme sont encore discutée (1-4). Une nouvelle synthèse méthodique a été jugée utile (5).
Résumé
Revue systématique avec méta-analyses en réseau des essais cliniques randomisés.
Sources consultées
- PubMed
Etudes sélectionnées
- critères d’inclusion
- études observationnelles et randomisées
- études en anglais
- critères d’exclusion :
- autres langues que l’anglais
- les articles analysant uniquement les effets indésirables ou les effets psychologiques ou de nouvelles formulations
- études chez les femmes
- 848 études trouvées ; 23 études ont été sélectionnées ; 2 études d’observation (un seul bras) et 21 RCTs ; parmi les 23 études, 15 régimes ont été identifiés : 0,02 – 0,1 ou 0,5 mg/j de dutastéride oral ; 0,2 – 1 ou 5 mg/j de finastéride oral ; 1% de finastéride topique ; 0,25 ou 5 mg/j de minoxidil oral ; 0,1% - 1% - 2% - 3% ou 5% de minoxidil topique et enfin un placebo ou véhicule qui ont été fusionnés en 1 groupe (c'est-à-dire le groupe témoin) dans les analyses.
Population étudiée
- patients de sexe masculin
- âge moyen de 22,8 à 41,8 années.
Mesure des résultats
Quatre critères de jugement primaire :
- augmentation du nombre total de cheveux après 24 semaines de traitement
- augmentation du nombre de cheveux terminaux* après 24 semaines de traitement
- augmentation du nombre total de cheveux après 48 semaines de traitement
- augmentation du nombre de cheveux terminaux après 48 semaines de traitement.
Résultats
- la plus forte augmentation du nombre total de cheveux à 24 semaines (c'est-à-dire le premier point final) a été obtenue avec 0,5 mg/j de dutastéride, qui était significativement plus efficace que :
- finastéride 1 mg/j (différence moyenne, 7,1 cheveux/cm² avec IC à 95% de 5,1 à 9,3 cheveux/cm²)
- minoxidil 0,25 mg/j (DM de 23,7 cheveux/cm² avec IC à 95% de 9,5 à 38,0 cheveux/cm²)
- minoxidil 5 mg/j (DM de 15,0 cheveux/cm² avec IC à 95% de 3,9 à 26,1 cheveux/cm²)
- minoxidil solution à 2% [DM de 8,5 cheveux/cm² avec IC à 95% de 4,8 à 12,3 cheveux/cm²)
- niveau de preuve faible
- la plus forte augmentation du nombre de cheveux terminaux à 24 semaines a été observée avec 5 mg/j de minoxidil, qui était significativement plus efficace que :
- minoxidil oral à 0,25 mg/j (DM de 43,6 cheveux/cm² avec IC à 95% de 29,7 à 57,7 cheveux/cm² )
- minoxidil sous formes topiques :
- à 2% (DM de 29,3 cheveux/cm² avec IC à 95% de 21,1 à 37,5 cheveux/cm²)
- à 5% (DM de 29,8 cheveux/cm² avec IC à 95% de 19,7 à 39,8 cheveux/cm²)
- finastéride à 1mg/j (DM de 10,4 cheveux/cm² avec IC à 95% de 2,2 à 18,6 cheveux/cm²).
- niveau de preuve bas
- la plus forte augmentation du nombre total de cheveux à 48 semaines a été obtenue avec 5 mg/j de finastéride, qui était significativement plus efficace que :
- minoxidil topique à 2% (DM de 20,7 cheveux/cm² avec IC à 95% de 9,5 à 31,9 cheveux/cm²)
- la plus forte augmentation du nombre de cheveux terminaux à 48 semaines était avec 1 mg/j de finastéride, qui était significativement plus efficace que :
- minoxidil topique à 2% (DM de 32,1 cheveux/cm² avec IC à 95% de 23,9 à 40,3 cheveux/cm²)
- minoxidil topique à 5% (DM de 26,2 cheveux/cm² avec IC à 95% de 16,2 à 36,2 cheveux/cm²).
* le poil développé, qui est plus long, plus ferme, plus épais et plus foncé que le poil de vellus.
Conclusion des auteurs
Selon les auteurs, les points clé de leur étude sont que les résultats de cette méta-analyse indiquent que 0,5 mg/j de dutastéride oral a la probabilité la plus élevée d'être le traitement le plus efficace, suivi par ordre décroissant d'efficacité : 5 mg/j de finastéride oral, 5 mg/j de minoxidil oral, 1 mg/j de finastéride oral, 5% de minoxidil topique, 2% de minoxidil topique et 0,25 mg/j de minoxidil oral. Les auteurs concluent qu’au fur et à mesure que les données d'efficacité des essais comparatifs s'accumulent, il pourrait y avoir une meilleure idée de l'efficacité relative des différentes doses des inhibiteurs de la 5-α réductase et du minoxidil. Les résultats de cette méta-analyse contribuent à la littérature sur l'efficacité comparative des thérapies androgéniques contre l’alopécie.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
Pour effectuer leur synthèse méthodique avec méta-analyse, les auteurs ont suivi les recommandations PRISMA. L’extraction des articles s’est faite par plusieurs personnes (au moins par deux personnes et lorsqu’il y avait un désaccord, une troisième personne intervenait pour faire consensus). Les critères d’exclusions des articles étaient également mentionnés.
Quelques points sont à relever. La recherche dans la littérature s’est faite uniquement dans le moteur de recherche PubMed et uniquement en anglais, excluant ainsi toutes les autres bases de données. Les mots-clés de recherche ont été précisés mais l’équation de recherche n’a pas exclu le mot « femme ». Les auteurs n’ont effectué aucune recherche de biais de publication ; ils n’ont donc pas mis en place de stratégie pour corriger un tel biais qui, dans le cadre de cette méta-analyse, est potentiellement élevé. Concernant l’analyse des risques de biais dans les études sélectionnées, les auteurs ont utilisé la méthodologie de la Cochrane qui évalue 6 domaines : la génération de la séquence de randomisation (sequence generation), le secret d’attribution (allocation concealment), un biais de performance (performance bias), un biais détection (detection bias), un biais de migration (attrition bias), un biais de notification (reporting bias), « autres ». Seules 5 études ne présentaient pas au moins un biais méthodologique important. Par ailleurs, les auteurs précisent que pour chaque bras de chaque étude, ils ont récupéré la taille de l’échantillon ainsi que les résultats sous forme de différence de moyenne. Ils précisent aussi que les études ont été pondérées de façon à être directement proportionnelles à la taille de l’échantillon. Ils présentent leurs résultats sous forme de Kilim Plot, ce qui est intéressant. Pour l’évaluation des niveaux de preuve, ils ont utilisé la méthode CINeMA (6) basée sur la démarche GRADE.
Les auteurs ont fait une méta-analyse en réseau (ou comparaison mixte) ce qui demande de respecter certains principes pour être valide (7) : 1) ne pas faire de comparaison indirecte "naïve" et c’est pourtant ce qui a été fait ici ; 2) homogénéité, similarité et cohérence sont nécessaires pour une comparaison mixte ou une sommation des résultats de comparaisons directes et indirectes. Les auteurs ne mentionnent aucune évaluation ou prise en compte de ces 3 paramètres dans l’étude analysée ici. Les quelques rares éléments que nous parvenons à voir ne nous rassurent pas. L’évaluation méthodologique de cette méta-analyse en réseau montre beaucoup de limites et l'utilisation d'une comparaison indirecte naïve ne peut que laisser supposer que cette étude n'est pas valide sur le plan méthodologique.
Interprétation des résultats
Les résultats observés montrent des valeurs statistiquement significatives. Les critères de jugement choisis ont une pertinence clinique car ils objectivent l’augmentation de la pilosité, et donc un effet positif sur l’alopécie. Les auteurs précisent, dans un supplément, qu’un cheveu terminal a un diamètre supérieur à 60 micromètres et une longueur supérieure à 2 millimètres. Nous avons des difficultés à imaginer qu’une différence moyenne de 7,1 cheveux/cm2 modifie la perception du patient de son alopécie (pour rappel, on compte en moyenne 250 cheveux/cm2 tout en sachant que de nombreux critères influencent ce nombre. Les auteurs ne précisent pas les valeurs à atteindre pour parler de pertinence clinique. Les caractéristiques des patients ne sont pas décrites et les résultats ne sont pas analysés par sous-groupes, ce qui aurait été intéressant pour le clinicien. Malgré quelques point positifs, les limites méthodologiques relevées affaiblissent grandement les résultats observés. Enfin, un autre point important est qu’il n’y a aucune mention de critères de sécurité pour juger de l’innocuité des molécules.
Que disent les guides de pratique clinique ?
La Société Néerlandaise des Médecins Généralistes (NHG) (8) recommande une retenue médicamenteuse étant donné que l’alopécie androgénique est un phénomène de vieillissement du cheveu et étant donné que l’efficacité et l’innocuité des traitements proposés sur le long terme sont limitées et inconnues. Il convient de proposer les options thérapeutiques uniquement en cas de grande détresse psychologique, notamment chez les jeunes hommes et les femmes. Le CBIP (9) rappelle que le finastéride est parfois utilisé à faible dose, off-label, et en préparation magistrale en cas d’alopécie androgénique. Il rappelle que les troubles dépressifs sont repris comme effet indésirable dans le RCP des spécialités à base de finastéride et de dutastéride et que leur fréquence est inconnue. La revue Prescrire (10) mentionne de rappeler d’utiliser un préservatif lors de relations sexuelles avec une femme enceinte ou pouvant l’être car, passant dans le sperme, il peut être à l’origine de malformation des organes génitaux de l’enfant à naître. Quant au minoxidil, le CBIP (11) mentionne que le minoxidil est proposé en application locale pour le traitement de l'alopécie androgénique. Une dermatite de contact allergique est possible. Des effets indésirables systémiques tels qu'une hypotension et une tachycardie ont été rapportés. Les préparations magistrales à base de minoxidil posent des problèmes de stabilité.
Conclusion de Minerva
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse en réseau conclut qu’une meilleure idée de l'efficacité relative des différentes doses des inhibiteurs de la 5-α réductase et du minoxidil à 24 et 48 semaines en cas d’alopécie androgénique est possible grâce à leur travail. Cette recherche présente de nombreuses limites méthodologiques. De plus, les données concernant les caractéristiques des populations étudiées, l’absence de mention de seuil de pertinence clinique, l’absence de données relatives à l’innocuité de l’intervention ne permettent pas d’aider le clinicien et les patients.
- Gupta AK, Mays RR, Dotzert MS, et al. Efficacy of non-surgical treatments for androgenetic alopecia: a systematic review and network meta-analysis. J Eur Acad Dermatol Venereol 2018;32:2112-25. DOI: 10.1111/jdv.15081
- Chen L , Zhang J, Wang H , Chen B. The efficacy and safety of finasteride combined with topical minoxidil for androgenetic alopecia: a systematic review and meta-analysis. Aesthetic Plast Surg 2020 Jun;44:962-70. DOI: 10.1007/s00266-020-01621-5
- Giordano S, Romeo M, Lankinen P. Platelet-rich plasma for androgenetic alopecia: Does it work? Evidence from meta analysis J. Cosmet Dermatol 2017;16:374-81. DOI: 10.1111/jocd.12331
- Zhou Y, Chen C, Qu Q, et al. The effectiveness of combination therapies for androgenetic alopecia: a systematic review and meta-analysis. Dermatol Ther 2020;33:e13741. DOI: 10.1111/dth.13741
- Gupta AK, Venkataraman M, Talukder M, Bamimore MA. Relative efficacy of minoxidil and the 5-alpha-reductase inhibitors in adrogenetic alopecia treatment of male patients: a network meta-analysis. JAMA Dermatol 2022;158:266-74. DOI: 10.1001 /jamadermatol.2021.5743
- Nikolakopoulou A, Higgins JP, Papakonstantinou T, et al. CINeMA: an approach for assessing confidence in the results of a network meta-analysis. PLoS Med 2020;17:e1003082. DOI: 10.1371/journal.pmed.1003082
- Chevalier P. Méta-anlyses en réseau : comparaisons directes et indirectes. MinervaF 2009;8(10):148.
- NHG-Behandelrichtlijn. Alopecia. Mai 2017. URL : https://richtlijnen.nhg.org/behandelrichtlijnen/alopecia#volledige-tekst
- Inhibiteurs de la 5-alpha réductase (finastéride et dutastéride) et risque de dépression. Folia Pharmacotherapeutica juillet 2017.
- La rédaction. Finastéride ou dutastéride - Messages-clés Médicaments. Rev Prescrire 2021;41:883
- Médicaments divers en dermatologie. Minoxidil. Répertoire Commenté des Médicaments. CBIP septembre 2022.
Auteurs
Couty M.
assistante en médecine générale, UCLouvain
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
De Jonghe M.
médecin généraliste, Centre Académique de Médecine Générale, UCLouvain
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
Mots-clés
alopécie, dutastéride, finastéride, inhibiteur de la 5-alpha réductase, minoxidil, placeboGlossaire
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