Revue d'Evidence-Based Medicine



Le risque de biais lié à la séquence d’attribution



Minerva 2012 Volume 11 Numéro 5 Page 64 - 64

Professions de santé


 

 

Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM

La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM)

 

Les risques de biais

Un biais dans une étude est une erreur systématique ou déviation de la vérité dans des résultats ou des conclusions de celle-ci, avec surestimation ou au contraire sous-estimation potentielle des résultats. Il est donc plus correct de parler de risque de biais.

Nous avons déjà abordé dans cette rubrique, de manière résumée, l’approche actuelle de la Collaboration Cochrane à propos de ces risques de biais (1). Nous vous proposons maintenant une série d’articles sur différents risques de biais, basés sur les directives CONSORT (2) et sur le Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Interventions (3), avec des exemples issus d’articles qui ont été analysés dans la revue Minerva.

 

Risques de biais liés à la randomisation

Dans une étude randomisée contrôlée (RCT) les traitements évalués, par exemple un nouveau traitement médicamenteux versus son placebo, doivent être attribués, assignés au hasard aux différents participants. Les participants à une étude doivent être répartis totalement au hasard dans les bras d’étude et la séquence d’attribution (allocation, assignation) doit donc permettre une assignation aléatoire, le but de la randomisation étant que la seule différence entre les deux (ou plus) bras d’étude soit le traitement évalué. Il faut donc que l’attribution soit correctement réalisée, avec un équilibre entre les bras d’étude pour tous les facteurs pouvant influencer le pronostic. Toute méthode permettant d’anticiper une assignation, soit en la prédisant, soit en la connaissant, peut permettre une assignation sélective (les patients moins atteints inclus préférentiellement dans le groupe avec le nouveau médicament, par exemple) ou un non enrôlement dans l’étude. Une séquence d’attribution doit être imprévisible. Si l’assignation est déterminée par une alternance, une date de naissance, un jour d’hospitalisation, si la séquence d’attribution est semblable à celle (connue) d’une étude antérieure, cette séquence n’est pas réellement aléatoire et est identifiable ou identifiée par les chercheurs (pas de respect du secret de l’attribution).

Séquence d’attribution correcte

Une séquence d’attribution est correcte en cas de randomisation simple, dite non restreinte : pile ou face par exemple, ou liste d’assignation aléatoire générée par un ordinateur central pour l’étude (= tirage au sort) avec répartition dans deux (ou plusieurs) groupes de taille similaire ; plus la population d’étude est importante, au moins le risque de différence entre les bras d’étude est important.

Une séquence de randomisation peut également être protocolée de façon restreinte, pour respecter un rapport précis de participants dans deux bras d’étude (par exemple 1 : 1), avec randomisation par blocs d’un certain nombre de patients, par exemple 10 avec 5 aléatoirement répartis dans chaque bras. La taille des blocs peut varier successivement aléatoirement.

Une randomisation restreinte peut être faite dans différentes strates pour des facteurs qui sont potentiellement importants en termes de pronostic, par exemple pour la sévérité de l’affection.

Exemple de randomisation restreinte stratifiée correcte

Etude APPRAISE-2 avec l’apixaban post syndrome coronarien aigu (4) : système informatisé central de réponse vocale interactive, par blocs de deux stratifiés par centre et suivant un traitement à long terme par aspirine ou par aspirine + thiénopyridine.

 

Séquence d’attribution inadéquate en permutation

Des processus de séquence d’attribution inadéquats sont, par exemple, une assignation en fonction d’une simple alternance, de la date de naissance, du numéro de dossier (successif), de la date du premier contact, de la semaine du mois. Dans tous ces cas de processus dit systématique, il y a un risque important de biais : par exemple, le jour de la semaine pour une admission à l’hôpital n’est pas uniquement lié au hasard, l’attribution est donc biaisée (et le secret d’attribution non préservé, également).

Exemple de randomisation incorrecte

Dans l’étude d’Assantachai 2002 incluse dans la méta-analyse de Gillespie (5) analysée dans MINERVA (6), étude contrôlée avec randomisation en grappes, concernant 1 043 personnes âgées ≥ 60 ans vivant dans 11 communautés urbaines différentes, l’attribution est faite suivant l’ordre (pair ou impair) de l’enrôlement.

 

Séquence d’attribution non claire (= biais ?)

Une simple mention dans une publication « allocation aléatoire » ou « dessin (design) aléatoire » est insuffisante pour pouvoir se prononcer sur l’existence d’un biais ou non pour cette séquence d’attribution. De même, la mention d’une randomisation par blocs sans description de la façon dont les blocs ont été constitués est insuffisante.

Exemple de randomisation peu claire

Etude de Charles 1991 dans la méta-analyse de O’Meara (7) concernant les contentions pour les ulcères de jambe (8). Les auteurs de cette étude évaluant différents types de contention chez 53 patients présentant des ulcères de jambe veineux ne mentionnent dans leur protocole que “Patients ... were randomly divided into a control and an expérimental group”, ce qui ne permet pas de définir s’il existe ou non un risque de biais de séquence d’attribution.

 

Références

  1. Chevalier P. Qualité méthodologique et biais dans les RCTs. MinervaF 2010;9(6):76.
  2. Altman DG, Schulz KF, Moher D, et al for the CONSORT Group. The revised CONSORT statement for reporting randomized trials: explanation and elaboration. Ann Int Med 2001;134:663-74.
  3. Higgins JPT, Green S (editors). Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Interventions Version 5.0.2 [updated September 2009]. The Cochrane Collaboration, 2009. available from http://www.cochrane.org/resources/handbook/
  4. Chevalier P. Nouveaux anticoagulants et antiagrégants oraux et SCA. Minerva online 28/05/2012.
  5. Gillespie LD, Robertson MC, Gillespie WJ, et al. Interventions for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 2.
  6. Chevalier P. Réduction des chutes chez les personnes âgées : intérêt du programme Otago ? Minerva online 28/6/2011.
  7. O’Meara S, Cullum NA, Nelson EA. Compression for venous leg ulcers. Cochrane Database Syst Rev 2009, Issue 1.
  8. Poelman T. Ulcère de jambe veineux : traitement par compression. MinervaF 2010;9(7):82-3.
Le risque de biais lié à la séquence d’attribution

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
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