Revue d'Evidence-Based Medicine



Quelle est la forme d’entraînement la plus efficace pour obtenir une tension artérielle au repos plus basse ?



Minerva 2024 Volume 23 Numéro 10 Page 244 - 247

Professions de santé

Infirmier, Kinésithérapeute, Médecin généraliste

Analyse de
Edwards JJ, Deenmamode AHP, Griffiths M, et al. Exercise training and resting blood pressure: a large-scale pairwise and network meta-analysis of randomised controlled trials. Br J Sports Med 2023;57:1317-26. DOI: 10.1136/bjsports-2022-106503


Question clinique
Quels sont les effets de différentes formes d’exercice sur la pression artérielle systolique et diastolique au repos chez les adultes dont la pression artérielle est normale et chez ceux qui ont de l’hypertension artérielle ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse en réseau confirme que toute forme d’entraînement physique permet d’obtenir une baisse de la tension artérielle au repos, à l’exception de l’entraînement aérobie par intervalles. Étant donné les lacunes méthodologiques importantes des études incluses et l’hétérogénéité clinique significative en termes de populations étudiées et d’interventions, nous ne pouvons rien conclure concernant la différence en termes d’efficacité entre les interventions étudiées. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour déterminer si d’autres types d’exercices ou combinaisons d’exercices sont bénéfiques pour certains sous-groupes.


Contexte

L’activité physique est recommandée pour maintenir une tension artérielle normale (1). En nous appuyant sur une méta-analyse, nous avons conclu dans Minerva que l’exercice aérobie dynamique abaissait la pression artérielle de manière statistiquement significative, tant chez les personnes hypertendues que chez les personnes normotendues (2,3). Concernant la fréquence et le dosage à conseiller précisément, il existe actuellement des incertitudes, de même que concernant l’effet d’autres formes d’exercice sur la tension artérielle. C’est pourquoi une synthèse méthodique avec méta-analyse a été récemment réalisée sur ce thème (4). 

 

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse en réseau

Sources consultées

  • PubMed (Medline), Cochrane Library, Web of Science
  • recherche manuelle dans les listes bibliographiques de précédentes synthèses méthodiques avec méta-analyse
  • de 1990 à février 2023.

 

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : études contrôlées randomisées (RCTs) publiées dans des revues avec évaluation intercollégiale, portant sur la pression artérielle systolique et diastolique entre un groupe ayant fait de l’exercice pendant au moins 2 semaines et un groupe témoin n’ayant reçu aucune intervention (conseils, régime alimentaire, exercices)
  • les exercices ont été stratifiés en fonction des 5 principales catégories d’entraînement physique (entraînement aérobie (aerobic exercise training, AET), entraînement à la résistance dynamique (dynamic resistance training, RT), entraînement combinant AET et RT (combined training, CT), entraînement fractionné à haute intensité (high-intensity interval training, HIIT), entraînement isométrique* (isometric exercise training, IT)) et des sous-groupes (marche, course et vélo pour l’AET ; entraînement par intervalles en sprint et entraînement aérobie par intervalles pour le HIIT ; exercices de préhension, exercices d’extension des jambes et exercices de squat au mur pour l’IT).
  • critères d’exclusion : études où l’on constate une nette influence du régime alimentaire, des conseils et de l’exercice dans le groupe témoin, études avec intervention conjointe comme l’ajustement des médicaments ou l’ajout de suppléments
  • finalement, inclusion de 270 études.

 

* ou entraînement de résistance statique

 

Population étudiée

  • critères d’inclusion : adultes, indépendamment de leur état de santé et/ou de leur pathologie et des valeurs de leur tension artérielle 
  • finalement, inclusion de 15827 participants de tous les continents ayant une tension artérielle normale ou de l’hypertension, aussi bien des jeunes (étudiants, femmes enceintes) que des adultes plus âgés, et aussi bien des personnes en bonne santé que des personnes souffrant d’obésité, de diabète sucré, d’insuffisance rénale chronique ou ayant des antécédents cardiovasculaires.

 

Mesure des résultats

  • méta-analyses par paires de la différence moyenne pondérée dans la pression systolique et diastolique entre le groupe intervention et le groupe témoin pour les différentes catégories et les différents sous-groupes d’entraînement physique
  • analyses de sous-groupes pour les études chez des personnes qui ne présentaient pas de maladie (cardiovasculaire) et chez des personnes qui étaient normotendues (TA < 130/85 mmHg), préhypertendues (TA entre 130/85 mmHg et 140/90 mmHg) ou hypertendues (TA > 140/90 mmHg) au début de l’étude
  • analyses en méta-régression pour un certain nombre de modérateurs (durée de l’intervention (nombre de semaines), fréquence de l’entraînement (nombre de séances par semaine) et observance)
  • méta-analyses en réseau avec classification des différentes catégories et des différents sous-groupes d’entraînement par ordre décroissant d’efficacité sur la base de la SUCRA. 

 

Résultats 

  • pour la méta-analyse par paires :
    • pour toutes les catégories et tous les sous-groupes d’entraînement (à l’exception de l’entraînement aérobie par intervalles), une diminution statistiquement significative de la pression artérielle systolique et diastolique a été observée dans le groupe intervention, par comparaison avec le groupe témoin (voir tableau) 
    • les analyses de sous-groupes ont montré une diminution statistiquement significative de la pression systolique pour toutes les catégories d’entraînement chez les personnes présentant une pression artérielle normale, une préhypertension, une hypertension artérielle, à l’exception de l’entraînement combiné et de l’entraînement fractionné à haute intensité chez les personnes présentant une préhypertension ; dans toutes les catégories, la diminution de la pression artérielle systolique était plus importante chez les hypertendus que chez les normotendus
    • hormis le fait qu’une fréquence d’entraînement plus faible était associée à une réduction plus importante de la pression artérielle, aucun autre modérateur des interventions sur les résultats n’a pu être identifié

 

 

Tableau. Différences moyennes pondérées de la pression systolique et diastolique entre le groupe intervention et le groupe témoin pour la méta-analyse par paires.

 

Type d’entraînement

Différence moyenne pondérée

(IC à 95%) exprimée en mmHg

Catégorie

 

Sous-groupe

Pression systolique

Pression diastolique

Entraînement aérobie

4,49 (de 3,5 à 5,5)

2,53 (de 1,8 à 3,2)

 

Marche

2,85 (1,6-4,1)

1,44 (de 0,7 à 2,2)

 

Vélo

6,88 (de 3,9 à 9,8)

3,2 (de 1,8 à 4,6)

 

Course à pied

6,83 (de 4,0 à 9,7)

5,67 (de 3,9 à 7,5)

Entraînement à la résistance dynamique

4,55 (de 3,2 à 5,9)

3,04 (de 2,2 à 3,9)

Entraînement combiné

6,04 (de 3,2 à 8,9)

2,54 (de 1,1 à 4,0)

Entraînement fractionné à haute intensité

4,08 (de 2,6 à 5,5)

2,50 (de 1,2 à 3,8)

 

Entraînement aérobie par intervalles

1,97 (de -1,2 à 5,2) (ns)

2,60 (de -0,5 à 5,7) (ns)

 

Entraînement par intervalles en sprint

5,26 (de 3,9 à 6,6)

3,29 (de 0,1 à 6,5)

Entraînement isométrique

8,24 (de 6,5 à 10,0)

4,0 (de 2,7 à 5,3)

 

Entraîneurs de préhension

7,10 (de 4,7 à 9,5)

3,46 (de 1,7 à 5,2)

 

Extension de la jambe

10,05 (de 7,3 à 12,8)

4,23 (de 1,4 à 7,0)

 

Squat au mur

10,47 (de 6,3 à 14,6)

5,33 (de 3,6 à 7,0)

 

 

  • pour la méta-analyse en réseau : 
    • réduction statistiquement plus importante de la pression artérielle systolique avec l’entraînement isométrique (SUCRA : 98,3%) qu’avec l’entraînement à la résistance dynamique (SUCRA : 46,1%), l’entraînement aérobie (SUCRA : 40,53%) et l’entraînement fractionné à haute intensité (SUCRA : 39,44%)
    • réduction statistiquement plus importante de la pression artérielle systolique dans tous les sous-groupes d’entraînement isométrique, d’entraînement combiné, de vélo et de course à pied par rapport à la marche, et avec l’entraînement isométrique au moyen des entraîneurs de préhension, du squat mural et du vélo par rapport à l’entraînement aérobie par intervalles
    • pas de différences statistiquement significatives en termes de réduction de la pression diastolique entre les différentes catégories d’entraînement
    • réduction plus importante de la pression artérielle diastolique, et ce de manière statistiquement significative, avec le squat au mur isométrique, l’entraînement à la résistance dynamique, la marche et le vélo par rapport à la marche et avec la course à pied par rapport à l’entraînement combiné, au vélo et à l’entraînement à la résistance dynamique.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que diverses formes d’entraînement physique, en particulier l’entraînement isométrique, améliorent la tension artérielle au repos. Les résultats de cette analyse pourraient servir de base à de futures recommandations en matière d’activité physique pour la prévention et le traitement de l’hypertension artérielle.

 

Financement de l’étude

Aucun financement direct de l’article. Deux auteurs font état d’un soutien du National Institute for Health and Care Research.

 

Conflits d’intérêt des auteurs

Les auteurs ne mentionnent pas de conflits d’intérêt.

 

Discussion 

 

Évaluation de la méthodologie

Pour le compte rendu de cette étude, les auteurs ont suivi les recommandations PRISMA. Le protocole de l’étude a été publié au préalable sur PROSPERO. Cependant, lorsque nous nous appuyons sur un outil récemment développé pour évaluer la pertinence et la fiabilité des méta-analyses en réseau (5), nous constatons encore des lacunes dans la méthodologie appliquée ou, du moins, dans le compte rendu. Le principal problème est qu’une évaluation de la qualité n’a été effectuée que pour 10% des études sélectionnées par type d’exercice. Il se peut donc que des études de faible qualité méthodologique aient été incluses. Par conséquent, il est impossible de déterminer correctement la fiabilité des données probantes de cette méta-analyse en réseau. Pour évaluer la qualité méthodologique, les auteurs ont utilisé un outil spécifique appelé TESTEX (Tool for the assEssment of Study qualiTy and reporting in EXercise). Cet outil a été validé pour évaluer la qualité et le compte rendu des études d’intervention sur l’activité physique (6). En raison de la nature de l’intervention, il n’était pas utile d’évaluer la mise en aveugle des participants et des thérapeutes. Cependant, pour la plupart des études, on ne sait pas non plus si la randomisation a été effectuée en aveugle et correctement. Le plus souvent, l’évaluation de l’effet n’a pas été effectuée en aveugle. En outre, les activités du groupe témoin n’ont pas fait l’objet d’un suivi, et aucune des études n’a procédé à une analyse en intention de traiter. La qualité méthodologique des études ayant fait l’objet d’une évaluation méthodologique est donc très faible.
En raison de la largeur importante des critères d’inclusion utilisés, nous avons affaire ici à une population d’étude très hétérogène d’un point de vue clinique. Les chercheurs ont donc effectué une analyse de sous-groupes, et ils ont examiné l’effet d’un certain nombre de modérateurs. Cependant, de nombreux modérateurs pertinents n’ont pas été inclus, tels que l’état général du patient et les maladies sous-jacentes. Par exemple, on peut imaginer que des participants en bonne santé participeront mieux à une intervention d’exercice physique, ce qui pourrait conduire à une amélioration plus importante de leur tension artérielle. En outre, pour les modérateurs sélectionnés, peu ou pas d’informations sont données sur la manière dont ils ont été mesurés.  
Les chercheurs mentionnent autant des comparaisons directes (par paires) que des comparaisons indirectes. Malgré de grandes incohérences entre les résultats directs et indirects, ce point n’est pas discuté plus avant par les auteurs. Les résultats de cette méta-analyse en réseau en sont d’autant moins fiables (5).

 

Évaluation des résultats

Une réduction statistiquement significative de la pression artérielle systolique et diastolique a été observée avec l’exercice, en comparaison avec le contrôle, pour toutes les formes d’entraînement, à l’exception de l’entraînement aérobie par intervalles. Mais cela s’explique peut-être par un manque de puissance car l’intervalle de confiance est large. Cependant, la pertinence clinique de ces résultats n’est pas discutée dans l’article. Tant dans la méta-analyse par paires que dans la méta-analyse en réseau, l’exercice isométrique semble être le plus efficace, avec une réduction de la pression artérielle systolique pouvant aller jusqu’à 10 mmHg. Toutefois, en raison des lacunes méthodologiques des études incluses, la prudence est de mise pour en tirer des conclusions définitives (7). En outre, du fait des lacunes dans les rapports, il est difficile d’interpréter les résultats correctement. Par exemple, on ne sait pas clairement de quelle manière la pression artérielle a été mesurée, et le groupe de contrôle n’est pas clairement défini. De plus, non seulement les populations étudiées, mais aussi les interventions étudiées sont très hétérogènes. Il est difficile de comparer les catégories car l’effet sur l’abaissement de la tension artérielle pour les sous-groupes au sein d’une catégorie peut varier considérablement. Ainsi, on constate que, dans la catégorie de l’entraînement aérobie, la course à pied a beaucoup plus d’effet que la marche. La conclusion générale des auteurs affirmant que les exercices isométriques en tant que catégorie sont les plus efficaces et qu’il faut adapter les recommandations sur cette base est donc beaucoup trop réductrice.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Les guides de pratique internationaux soulignent l’importance de l’activité physique pour la gestion du risque cardiovasculaire. Les guides de pratique clinique de la Société européenne de cardiologie (European Society of Cardiology, ESC), du NICE, de la Société néerlandaise des médecins généralistes (NHG) et de la Société européenne d’hypertension (European Society of Hypertension, ESH) (1,8-10) recommandent toutes les activités aérobies. En outre, le NHG recommande des activités de renforcement musculaire et osseux, l’ESH, des exercices de résistance dynamique, et l’ESC, des exercices de résistance dynamique ou isométrique. La recommandation du NICE est de conseiller des exercices aérobies et des exercices de renforcement musculaire, sans préférence pour l’un ou l’autre. 

 

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse en réseau confirme que toute forme d’entraînement physique permet d’obtenir une baisse de la tension artérielle au repos, à l’exception de l’entraînement aérobie par intervalles. Étant donné les lacunes méthodologiques importantes des études incluses et l’hétérogénéité clinique significative en termes de populations étudiées et d’interventions, nous ne pouvons rien conclure concernant la différence en termes d’efficacité entre les interventions étudiées. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour déterminer si d’autres types d’exercices ou combinaisons d’exercices sont bénéfiques pour certains sous-groupes. 

 

 


Références 

  1.  2024 ESC Guidelines for the management of elevated blood pressure and hypertension: Developed by the task force on the management of elevated blood pressure and hypertension of the European Society of Cardiology (ESC) and endorsed by the European Society of Endocrinology (ESE) and the European Stroke Organisation (ESO). Eur Heart J 2024;45:3912-4018. DOI:  10.1093/eurheartj/ehae178
  2. Fagard R. Efficacité de l'exercice aérobique sur la pression artérielle. MinervaF 2003;2(10):162-3.  
  3. Whelton SP, Chin A, Xin X, He J. Effect of aerobic exercise on blood pressure: A meta-analysis of randomized controlled trials. Ann Int Med 2002;136:493-503. DOI: 10.7326/0003-4819-136-7-200204020-00006
  4. Edwards JJ, Deenmamode AHP, Griffiths M, et al. Exercise training and resting blood pressure: a large-scale pairwise and network meta-analysis of randomised controlled trials. Br J Sports Med 2023;57:1317-26. DOI: 10.1136/bjsports-2022-106503
  5. Jansen JP, Trikalinos T, Cappelleri JC, et al. Indirect treatment comparison/network meta-analysis study questionnaire to assess relevance and credibility to inform health care decision making: an ISPOR-AMCP-NPC Good Practice Task Force report. Value Health 2014;17:157-73. DOI: 10.1016/j.jval.2014.01.004 
  6. Smart NA, Waldron M, Ismail H, ET AL. Validation of a new tool for the assessment of study quality and reporting in exercise training studies: TESTEX. Int J Evid Based Healthc 2015;13:9-18. DOI: 10.1097/XEB.0000000000000020
  7. Poelman T. La surface sous la courbe de classement cumulatif (Surface Under the Cumulative RAnking, SUCRA) est-elle une manière fiable d’interpréter les résultats d’une méta-analyse en réseau sur le plan clinique ? MinervaF 2023;22(4):83-6.
  8. National Institute for Healh and Care Excellence. Cardiovascular disease: risk assessment and reduction, including lipid modification. NICE Guideline [NG238] 14 December 2023.
  9. Nederlands Huisartsen Genootschap. Cardiovasculair risicomanagement. NHG-standaard M84. Gepubliceerd: juni 2019 ; Laatste update: september 2024.
  10. Mancia G, Kreutz R, Brunström M, et al. 2023 ESH Guidelines for the management of arterial hypertension The Task Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Hypertension: endorsed by the International Society of Hypertension (ISH) and the European Renal Association (ERA). J Hypertens 2023;41:1874-2071. DOI: 10.1097/HJH.0000000000003480

 




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