Revue d'Evidence-Based Medicine
La thérapie par l’exercice dans l’arthrose de la main ?
Minerva 2025 Volume 24 Numéro 2 Page 40 - 43
Professions de santé
Ergothérapeute, Kinésithérapeute, Médecin généralisteContexte
Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes atteintes d’arthrose, et en particulier d’arthrose de la main, devrait augmenter fortement (1,2). Le guide de pratique clinique néerlandais « Arthrose de la main » stipule que, pour le traitement de l’arthrose de la main, il est essentiel de disposer d’informations concernant l’arthrose de la main et les possibilités de prise en charge des symptômes. Ces informations concernent notamment la fourniture d’aides, les instructions pour les exercices de la main, les principes ergonomiques et la répartition de l’énergie (3). Si la thérapie par l’exercice est vivement recommandée chez toutes les personnes souffrant d’arthrose, les données probantes à ce sujet sont toutefois nettement plus abondantes pour le traitement de l’arthrose du genou et de la hanche que pour celui de l’arthrose de la main (4). Une synthèse méthodique récente a recherché des preuves de l’effet de la thérapie par l’exercice dans l’arthrose de la main (5).
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse.
Sources consultées
- PubMed, Web of Science, Embase, Cochrane Library, CINAHL; jusqu’au 23 juillet 2023
- listes des références des articles inclus
- auteurs contactés en cas de données pertinentes manquantes.
Études sélectionnées
- critères d’inclusion : études randomisées contrôlées (RCTs) publiées avec évaluation intercollégiale, portant sur l’effet de la thérapie par l’exercice chez des personnes atteintes d’arthrose de la main, chez qui ce diagnostic a été posé par un médecin sur la base des symptômes cliniques (douleur et raideur) ou des caractéristiques radiologiques (rétrécissement de l’espace articulaire et ostéophytes)
- critères d’exclusion : articles en une langue différente de l’anglais ; protocoles d’étude, revues, rapports de cas, lettres (sans données primaires) ; absence de résultats pertinents (tels que les critères de jugement concernant les patients et les performances)
- finalement, inclusion de 14 études (n = 1341 participants) dont 8 études portant sur la revalidation à domicile et 6 sur la revalidation en établissement ; les exercices les plus couramment utilisés étaient les suivants : faire le signe du « O », rouler le poing, extension/abduction du pouce ; la fréquence des exercices variait de 3 à 7 jours par semaine ; la durée de l’intervention était de 12 semaines dans 6 études ; 8 études portaient uniquement sur les exercices, et 6 études sur des interventions mixtes comprenant des orthèses, des protections articulaires, des traitements multidisciplinaires ; dans la plupart des études, le contrôle consistait en des soins habituels ou un traitement placebo (aucune étude avec « pas d’intervention » comme groupe témoin).
Population étudiée
- 1341 adultes (de 19 à 204 par étude) ayant en moyenne moyen 46,7 à 83 ans ; majorité de femmes (de 62 à 100%) (sauf dans une étude ayant inclus des hommes uniquement)
- la plupart des études ont recruté des personnes présentant différents sous-types d’arthrose de la main (érosive, nodulaire et carpo-métacarpienne) ; 4 études ont principalement recruté des personnes atteintes d’arthrose carpo-métacarpienne.
Mesure des résultats
- principaux critères de jugement : douleur et capacités fonctionnelles mesurées à l’aide de différentes échelles
- critères de jugement secondaires : raideur des articulations des doigts, force de préhension, force de pincement, qualité de vie
- les résultats sont présentés sous forme de différences moyennes standardisées (DMS)
- modèle à effets aléatoires
- analyse de sous-groupes en fonction du type d’intervention : « thérapie par l’exercice uniquement » ou « intervention mixte » (combinaison d’exercices et d’autres éléments de revalidation).
Résultats
- résultats des principaux critères de jugement :
- à court terme (< 24 semaines) : diminution de la douleur et amélioration des capacités fonctionnelles dans le groupe intervention par rapport au groupe témoin, et ce tant avec la « thérapie par l’exercice uniquement » qu’avec les « interventions mixtes » (voir tableau 1)
- à long terme (≥ 24 semaines) : pas de différences statistiquement significatives entre le groupe intervention et le groupe témoin
- faible certitude des données probantes pour tous les critères de jugement principaux
Tableau 1. Effet à court terme de la thérapie par l’exercice sur la douleur et les capacités fonctionnelles, par rapport au contrôle, tant pour la totalité de l’échantillon que pour les sous-groupes avec uniquement la thérapie par l’exercice ou avec la combinaison de la thérapie par l’exercice et d’autres composantes de la revalidation (intervention mixte).
Critère de jugement |
Totalité |
Uniquement la thérapie par l’exercice |
Intervention mixte |
Douleur |
N = 13 ; DMS de -0,65 avec IC à 95% de -1,06 à -0,25 ; p = 0,002 ; I² = 91% |
N = 8 ; DMS de -0,45 avec IC à 95% de -0,77 à -0,13 ; p = 0,006 ; I² = 66% |
N = 5 ; DMS de -1,18 avec IC à 95% de -2,05 à -0,32 ; p = 0,007 ; I² = 96% |
Capacités fonctionnelles |
N = 11 DMS de -0,35 avec IC à 95% de -0,54 à -0,15 ; p = 0,0005 ; I² = 61% |
N = 7 ; DMS de -0,46 avec IC à 95% de -0,78 à -0,14 ; p = 0,005 ; I² = 67% |
N = 4 ; DMS de -0,24 avec IC à 95% de -0,47 à -0,01 ; p = 0,04 ; I² = 55% |
- résultats des critères de jugement secondaires :
- à court terme (< 24 semaines) : amélioration de la raideur et de la force de préhension dans le groupe intervention par rapport au groupe témoin ; statistiquement significative seulement pour la « thérapie par l’exercice uniquement » et non pour les « interventions mixtes » (voir tableau 2) ; pas de différences statistiquement significatives entre le groupe d’intervention et le groupe témoin en ce qui concerne la force de préhension (N = 8) et la qualité de vie (n = 3)
- à long terme (≥ 24 semaines) : pas de différences statistiquement significatives entre le groupe intervention et le groupe témoin en ce qui concerne la rigidité et la force de préhension ; pas de données disponibles concernant la force de pincement et la qualité de vie
- faible certitude des données probantes pour tous les critères de jugement secondaires, sauf certitude modérée pour la raideur à court terme.
Tableau 2. Effet à court terme de la thérapie par l’exercice sur la raideur et la force de préhension, par rapport au contrôle, tant pour la totalité de l’échantillon que pour les sous-groupes avec uniquement la thérapie par l’exercice ou avec la combinaison de la thérapie par l’exercice et d’autres composantes de la revalidation (intervention mixte).
Critère de jugement |
Totalité |
Uniquement la thérapie par l’exercice |
Intervention mixte |
Raideur |
N = 7 ; DMS de -0,33 avec IC à 95% de -0,51 à -0,16 ; p = 0,0002 ; I² = 25 % |
N = 5 ; DMS de -0,46 avec IC à 95% de -0,66 à -0,26 ; p< 0,0001 ; I² = 0 % |
NS
|
Force de préhension |
N = 14 DMS de 0,21 avec IC à 95% de 0,03 à 0,38 ; p = 0,02 ; I² = 53 % |
N = 8 ; DMS de 0,31 avec IC à 95% de 0,04 à 0,58 ; p = 0,03 ; I² = 52 % |
NS
|
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que la revalidation axée sur la thérapie par l’exercice améliore à court terme la douleur, les fonctions, la raideur et la force de préhension chez les personnes souffrant d’arthrose de la main. Ces bénéfices ne se sont pas maintenus sur le long terme.
Financement de l’étude
Aucun financement ne provient d’organismes publics, du secteur commercial ou d’organisations à but non lucratif.
Conflits d’intérêt des auteurs
Conflits d’intérêt non mentionnés par les auteurs.
Discussion
Évaluation de la méthodologie
Cette synthèse méthodique a été enregistrée au préalable dans PROSPERO. Deux chercheurs indépendants ont effectué, dans cinq bases de données, une recherche systématique d’articles publiés. En cas de désaccord, ils ont tenté de parvenir à un consensus ou ont consulté un troisième chercheur. S’il manquait des données pertinentes, les auteurs des études ont été contactés. Le risque de biais a été estimé par deux chercheurs, indépendamment l’un de l’autre, à l’aide de l’outil Cochrane pour évaluer le risque de biais (Risk of Bias, RoB-2) : pour six études, le score de risque de biais était faible, il était élevé pour quatre études et indéterminé pour quatre autres. Le risque de biais était principalement lié à la mise en aveugle des participants et du personnel (biais de performance), à la mise en aveugle des critères de jugement (biais de détection) et au biais de déclaration.
Le degré de certitude des données probantes a été évalué à l’aide de la méthodologie GRADE (Grading of Recommendations, Assessment, Development, and Evaluations, GRADE) par deux chercheurs indépendamment l’un de l’autre. Le degré de certitude des données probantes était faible pour la plupart des résultats, sauf pour le critère de jugement « raideur » mesuré à court terme. Le risque de biais et l’incohérence étaient les principales raisons d’abaissement du niveau de classification. Afin d’explorer la robustesse des résultats, deux analyses de sensibilité ont été réalisées post hoc, l’une excluant les études menées principalement chez des patients souffrant d’arthrose carpo-métacarpienne de la main et l’autre excluant les études comportant des groupes avec contrôle actif. Ces analyses ont donné des résultats similaires, à l’exception de la disparition de l’effet statistiquement significatif sur la force de préhension dans l’analyse de sensibilité excluant les études menées principalement chez des patients souffrant d’arthrose carpo-métacarpienne de la main.
Évaluation des résultats
Les résultats montrent qu’en cas d’arthrose de la main, la thérapie par l’exercice a un effet modéré à court terme (immédiatement après l’intervention) pour la diminution de la douleur et un petit effet pour l’amélioration des capacités fonctionnelles, de la raideur et de la force de préhension. Ces effets positifs semblent cependant disparaître après un suivi de six mois. Toutefois, ce dernier résultat est basé sur une méta-analyse de seulement trois études.
Les résultats des méta-analyses concernant les effets à court terme sur la douleur et les capacités fonctionnelles sont associés à une importante hétérogénéité statistique. Parallèlement, nous constatons une hétérogénéité clinique importante : différences significatives entre les interventions, utilisation de différentes échelles de mesure, inclusion de différentes populations de patients. De plus, les interventions d’exercice physique étaient généralement de faible qualité notamment par manque de protocoles standardisés et parce que l’on ne dispose pas de données suffisantes concernant la progression de l’exercice et l’observance. Les résultats de l’étude ne peuvent donc pas être simplement extrapolés à la pratique clinique. Il n’est pas non plus possible de formuler des recommandations sur la nature des exercices ou sur le contenu du programme thérapeutique idéal.
Que disent les guides de pratique clinique ?
Trois traitements non médicamenteux sont recommandés comme étant essentiels pour la prise en charge de l’arthrose : les exercices, l’éducation/l’autogestion et les orthèses de la main (en particulier pour la première articulation carpo-métacarpienne) ; ces recommandations se trouvent dans la mise à jour 2018 des recommandations de la Ligue européenne contre le rhumatisme (European League Against Rheumatism, EULAR) pour le traitement de l’arthrose de la main et dans le guide 2019 de l’American College of Rheumatology/Arthritis Foundation pour la prise en charge de l’arthrose (4,6). Les exercices ne sont pas précisés, mais l’EULAR souligne qu’ils doivent viser à améliorer la mobilité des articulations, la force musculaire et la stabilité de la base du pouce.
Conclusion de Minerva
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse, de bonne qualité méthodologique, montre, avec une faible certitude des données probantes, que la thérapie par l’exercice en cas d’arthrose de la main réduit modérément la douleur à court terme et améliore légèrement la raideur, les capacités fonctionnelles et la force de préhension. Aucune amélioration à court terme de la force de pincement et de la qualité de vie n’a été constatée. Les critères de jugement principaux et secondaires n’ont pas montré d’effet à long terme, mais ce résultat repose sur une méta-analyse de trois études seulement. Le faible degré de certitude des données probantes est principalement dû à des lacunes méthodologiques des RCTs incluses, ainsi qu’à l’incohérence des résultats. Pour ces raisons, mais également en raison de l’importante hétérogénéité clinique entre les études, les résultats sont difficilement extrapolables à la pratique clinique. L’inclusion de la thérapie par l’exercice dans un programme de revalidation devra donc surtout tenir compte des préférences personnelles du patient ainsi que de l’expérience du thérapeute.
- Lawrence RC, Felson DT, Helmick CG, et al. Estimates of the prevalence of arthritis and other rheumatic conditions in the United States. PartII. Arthritis Rheum. 2008;58:26-35. DOI: 10.1002/art.23176
- Zhang Y, Niu J, Kelly-Hayes M, et al. Prevalence of symptomatic hand osteoarthritis and its impact on functional status among the elderly: the Framingham Study. Am J Epidemiol 2002;156:1021-7. DOI: 10.1093/aje/kwf141
- Behandeling van handartrose. Nederlandse Vereniging voor Reumatologie, 2022.
Richtlijnendatabase. Federatie Medisch specialisten. URL: https://richtlijnendatabase.nl/richtlijn/behandeling_van_handartrose/startpagina_-_behandeling_van_handartrose.html - Kolasinski SL, Neogi T, Hochberg MC, et al. 2019 American College of Rheumatology/Arthritis Foundation Guideline for the management of osteoarthritis of the hand, hip, and knee. Arthritis Care Res (Hoboken) 2020;72:149-62. DOI: 10.1002/acr.24131
- Huang L, Zhang ZY, Gao M, et al. The effectiveness of exercise-based rehabilitation in people with hand osteoarthritis: a systematic review with meta-analysis. J Orthop Sports Phys Ther 2024;54:457-67 DOI: 10.2519/jospt.2024.12241
- Kloppenburg M, Kroon FP, Blanco FJ, et al. 2018 update of the EULAR recommendations for the management of hand osteoarthritis. Ann Rheum Dis 2019;78:16-24. DOI: 10.1136/annrheumdis-2018-213826
Auteurs
Geysen K.
ergotherapeut, gecertificeerd handtherapeut van de Nederlandse vereniging voor Handtherapie (NVHT) (CHT-NL)
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.
Glossaire
Code
M19
L91
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