Revue d'Evidence-Based Medicine
Les dispositifs médicaux en question
Sécurité du médicament
Les dispositions légales prises pour garantir la sécurité des médicaments se sont multipliées au fil des années, souvent à la suite de problèmes rencontrés, comme celui de la thalidomide. Ces législations et contrôles concernent la mise sur le marché du médicament comme sa surveillance post commercialisation. Dans un cas comme dans l’autre, certains conflits d’intérêt diminuent la fiabilité des mesures prises : dossier d’enregistrement peu solide (peu d’études, surtout à long terme, comme par exemple pour la sitagliptine (1)), absence de retrait à temps d’un médicament à risque cardiovasculaire pourtant identifiable par une méta-analyse cumulative des données publiées (comme par exemple avec le rofécoxib (2)). L’évaluation de la sécurité des médicaments avec ses failles éventuelles, fait l’objet de beaucoup d’attention et de publications, au niveau des agences nationales et de la presse de l’International Society of Drug Bulletins. Par contre, le domaine de la sécurité des dispositifs médicaux fait l’objet de moins d’informations. Ces informations sont-elles plus ou moins fiables que celles fournies pour les médicaments ?
Evaluation initiale des dispositifs médicaux
Un dispositif médical est défini comme tout instrument, appareil, équipement, matière ou autre article, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie (définition plus complète sur le site de l’Agence Fédérale des Médicaments et Produits de Santé (3)). Différentes classes sont déterminées pour ces dispositifs. Pour les dispositifs invasifs destinés à diagnostiquer, surveiller ou corriger une défaillance du cœur ou du système circulatoire central par contact direct avec ces parties du corps, une classe III est déterminée avec marquage CE de conformité nécessaire dans notre pays (sauf dispositifs médicaux sur mesure ou destinés à des investigations cliniques). Ce marquage est accordé par un organisme notifié. Quel est le degré de preuve d’un tel marquage ?
Une publication étatsunienne récente (4) évalue la qualité d’une approbation de classe III par la FDA avant sa mise sur le marché, évaluation la plus rigoureuse pour les dispositifs médicaux. Cette étude inclut 123 résumés concernant la sécurité et l’efficacité de dispositifs et, plus précisément, 78 approbations de dispositifs cardiovasculaires à haut risque (implantés ou invasifs : endoprothèses cardiaques, non cardiaques, défibrillateurs implantables, greffon endovasculaire, etc). Les auteurs ciblent les facteurs confondants, les risques de biais et les critères primaires de ces études. Les résultats de leurs observations sont préoccupants : 27% des études sont randomisées et 14% seulement en aveugle (avec des pourcentages plus élevés, proches de 50%, uniquement pour les endoprothèses cardiaques). Les groupes contrôles sont souvent historiques, ce qui représente un risque de biais important. Les autorisations reposent dans 65% des cas sur une seule étude et 31% des études sont rétrospectives. Les critères de jugement sont intermédiaires, par exemple revascularisation nécessaire, dans 88% des dossiers, ce qui ne reflète pas toujours le bénéfice réel pour le patient. Les critères de jugement sont souvent composites avec des composantes d’importance variable. Dans 78% des documents, il y a une différence entre le nombre de patients inclus et le nombre de ceux dont les résultats sont analysés. La durée de suivi varie de 1 à 365 jours. Les auteurs de cette synthèse concluent que l’approbation de classe III, la plus sévère, repose souvent sur des études manquant de rigueur et à risque de biais, que les données sont parfois insuffisantes pour une approbation qui est cependant délivrée. Ils notent, en outre, une utilisation off-label très importante : 69% des endoprothèses pharmacologiques sont placées hors indications enregistrées aux E.-U. (données Medicare), donc hors évaluation initiale.
Matériovigilance
Comme la pharmacovigilance pour les médicaments, une matériovigilance a vu le jour pour les dispositifs médicaux. Elle a pour objet l’étude et le suivi d’incidents pouvant résulter de l’utilisation de dispositifs médicaux et doit conduire au retrait du marché des dispositifs dangereux et à l’élimination des défauts de ceux-ci. En Belgique, une circulaire de la Direction Générale de la protection de la santé publique rappelle l’obligation de notifier les incidents survenus avec les dispositifs médicaux (5). La déclaration d’incident paraît cependant fort faible par rapport à leur incidence, et les alertes pour les patients sont fort rares (6).
Directives européennes
Depuis quelques années, la Commission européenne estime que la situation du dispositif médical est préoccupante et nécessite le renforcement d’un cadre juridique. Face aux propositions qu’elle formule, le Collectif Europe avec d’autres partenaires (6) en souligne les limites. Les limites sont bien semblables à celles observées pour les médicaments : évaluations avant commercialisation insuffisantes, vigilance et surveillance post mise sur le marché à renforcer, non transparence au niveau des prises de décisions, des évaluations avant commercialisation et du suivi post commercialisation, conflits d’intérêt non connus.
Efficacité clinique (utilité)
La controverse belge récente entre cardiologues et experts EBM à propos de certaines valves cardiaques mises en place par voie endoscopique illustre bien la nécessité de sources impartiales pour évaluer les dispositifs médicaux, plus particulièrement quant à leur bénéfice clinique réel. Comme pour les médicaments, une même tâche d’évaluation et de surveillance critiques est donc indispensable.
Références
- Nathan DM. Finding new treatments for diabetes - how many, how fast ... how good? N Engl J Med 2007;356:437-40.
- Juni P, Nartey L, Reichenbach S, et al. Risk of cardiovascular events and rofecoxib: cumulative meta-analysis. Lancet 2004;364:2021-9.
- AFMPS. Dispositifs médicaux et leurs accessoires. (consulté le 5 mars 2010).
- Dhruva SS, Bero LA, Redberg RF. Strenght of study evidence examined by the FDA in premarket approval of cardiovascular devices. JAMA 2009;302:2679-85.
- Direction générale de la protection de la santé publique: médicaments. Rappel de l’obligation de notifier les incidents survenus avec les dispositifs médicaux; Circulaire n°421
- Collectif Europe et Médicament, HAI Europe, ISDB, EAHP. Refonte des directives européennes relatives aux dispositifs médicaux : une opportunité à saisir pour renforcer la sécurité des patients. (consulté le 5 mars 2010).
Ajoutez un commentaire
Commentaires