Revue d'Evidence-Based Medicine
Diffusion des infections : freinée par l’hygiène des mains ?
Contexte
Une précédente méta-analyse montrait que l’hygiène personnelle et un environnement hygiénique ralentissent la diffusion des infections (1). De nombreuses autres études ont montré un effet positif d’une meilleure hygiène des mains sur la survenue d’infections gastro-intestinales et respiratoires (2-4). En raison de la mise sur le marché récente de nouveaux produits, souvent antibiotiques, la réalisation d’une nouvelle et large méta-analyse était utile.
Résumé
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse
Sources consultées
- PubMed (1960-2007) ; EMBASE (1974-2007) ; Web of Science (1960-2007) ; Cochrane library (1988-2007)
- listes de référence de toutes les synthèses trouvées
- banque de données du premier auteur.
Etudes sélectionnées
- critères d’inclusion : études contrôlées réalisées dans la communauté avec, comme intervention, l’hygiène des mains dont une éducation (dans le curriculum scolaire, formation du personnel ; dans des régions moins développées : chansons, proverbes, jeux, formation communautaire, bande dessinée, poster), l’utilisation d’un savon (antibactérien ou non) ou désinfection des mains non aqueuse, et avec comme critère d’évaluation les infections gastro-intestinales et/ou respiratoires et l’absentéisme entraîné par celles-ci
- critères d’exclusion : intervention d’hygiène des mains incluse dans un projet de santé publique plus vaste ou réalisé dans des institutions de soins ou dans des groupes spécifiques (tels des camps militaires) ; études sans mesure de l’effet ou avec données insuffisantes
- parmi les 602 études isolées, 30 sont incluses.
Population étudiée
- 67% des études effectuées dans des pays développés ; 63% dans des centres de soins ou des écoles pour les enfants ; 59% chez des enfants de 5 ans maximum.
Mesure des résultats
- critères de jugement : nombre d’infections gastro-intestinales, d’infections respiratoires, nombre de symptômes gastro-intestinaux et/ou respiratoires
- analyse en modèle d’effets aléatoires.
Résultats
- voir tableau
Tableau. Rapport de proportions (RP) avec IC à 95% pour le nombre d’infections gastro-intestinales, d’infections respiratoires, de symptômes gastro-intestinaux (GI) et respiratoires selon l’intervention d’hygiène des mains.
Interventions |
Infections gastro-intestinales |
Infections respiratoires |
Symptômes gastro-intestinales et respiratoires
|
||||
Intervention
|
N |
RP (IC à 95%) |
N |
RP (IC à 95%) |
N |
RP (IC à 95%) |
|
Education vs contrôle
|
7 |
0,69 (0,50 à 0,95) |
4 |
NS |
- |
- |
|
Savon non antibactérien + éducation vs contrôle |
6 |
0,61 (0,43 à 0,88) |
1 |
0,49 (0,40 à 0,61) |
2 |
NS |
|
Savon antibactérien + éducation vs contrôle |
2 |
NS |
1 |
0,50 (0,40 à 0,61) |
- |
- |
|
Savon antibactérien vs savon non antibactérien |
2 |
NS |
2 |
NS |
1 |
NS |
|
Désinfectant des mains à base d’alcool vs contrôle |
- |
- |
- |
- |
2 |
0,74 (0,59 à 0,93) |
|
Désinfectant des mains à base d’alcool + éducation vs contrôle |
5 |
NS |
6 |
NS |
3 |
0,79 (0,67 à 0,93) |
|
Désinfectant des mains à base de benzalkonium vs contrôle |
2 |
NS |
2 |
0,60 (0,45 à 0,81) |
2 |
0,59 (0,45 à 0,78) |
N = nombre d’études ; NS = non significatif
Conclusion des auteurs
Les auteurs concluent que l’hygiène des mains est nettement efficace dans la prévention des infections gastro-intestinales et, dans une moindre mesure, des infections respiratoires. Des études restent nécessaires pour évaluer des mesures d’hygiène durant des infections respiratoires et des interventions ciblant la transmission aérosolisée.
Financement
Non mentionné.
Conflits d’intérêt
Non mentionné.
Discussion
Considérations sur la méthodologie
Les auteurs de cette synthèse méthodique avec méta-analyse ont réalisé une large recherche dans la littérature. Ils ont consulté les bases de données pertinentes et ont utilisé pas moins de 241 associations de mots-clés ; ceux-ci ne sont cependant pas repris dans la publication et sont de plus très difficiles à retrouver sur le site web. C’est regrettable, d’autant plus que nous aurions pu, en ayant ces précisions, mieux situer ce que recouvrait le terme « éducation ». La recherche s’est faite, si possible, depuis l’année 1960, choix correct étant donné que l’hygiène des mains avec du savon n’est pas une découverte récente et il est concevable que des études sur ce sujet ont été effectuées depuis longtemps. Les auteurs se limitent aux études avec comme critère de jugement les infections des voies respiratoires et/ou gastro-intestinales. L’effet d’une intervention peut facilement être évalué dans ce domaine en enregistrant les plaintes typiques et l’absentéisme au travail ou scolaire qui y est lié.
Les auteurs ont recherché, pour chaque critère, un possible biais de publication en réalisant des funnel plots et tests statistiques. Un biais de publication n’a été montré que pour les infections gastro-intestinales. Les auteurs n’ont pas tenu compte de l’hétérogénéité clinique dans leur méta-analyse. Ils ont, par contre, bien analysé l’hétérogénéité statistique, avec un test Q et un test I², et réalisé une analyse multivariée pour comprendre la cause de cette hétérogénéité. Enfin, ils ont aussi pratiqué une analyse de sensibilité.
Interprétation des résultats
Seules 30 études ont été retenues pour la méta-analyse. Pour certaines interventions, une ou deux études seulement étaient disponibles, ce qui invite à la prudence dans l’interprétation des résultats. Dans la plupart des études, l’utilisation effective des produits évalués n’a pas été vérifiée. Les interventions se limitent à « donner » une éducation et à « mettre à disposition » un produit. Les différences observées entre les études pour des interventions précises pourraient donc être expliquées par des différences dans le degré de respect effectif des recommandations d’application. Celui-ci peut être influencé par d’autres formes d’apprentissage ou d’informations délivrées avec le produit. L’examen des forest plots semble montrer que les interventions d’hygiène des mains sont plus efficaces dans la prévention des infections gastro-intestinales que dans la prévention des infections respiratoires : 31% de diminution versus 21%. Une explication possible est le fait qu’il est mémotechniquement plus facile de se laver les mains après avoir été à selle, endroit où un matériel de lavage des mains est souvent immédiatement disponible. Tousser, éternuer et se moucher se fait en tout lieu et aussi plus fréquemment avec plus de difficultés pour un lavage ou une désinfection des mains à chaque fois.
Les auteurs ont inclus dans leur analyse des interventions conduites aussi bien dans des pays développés que dans des pays en voie de développement. Une analyse multivariée montre que l’efficacité des interventions est en général plus importante dans les pays en voie de développement, probablement en raison d’une prévalence plus importante des infections liée à des différences dans l’approvisionnement en eau potable, dans l’élimination des eaux usées et dans des comportements de santé culturels. Les études à court terme (< 100 jours) montrent également de meilleurs résultats, probablement par reprise d’anciennes habitudes lors des suivis plus longs.
Autres études
Dans leur discussion, les auteurs rapportent trois précédentes synthèses méthodiques concernant des interventions d’hygiène des mains. Deux méta-analyses ciblent l’effet de l’hygiène des mains dans les pays en voie de développement (2,3). L’une d’entre elles (incluant 7 études d’intervention) (2) montre une diminution du risque de diarrhée de 47% grâce au lavage des mains. L’autre (3) montre un effet semblable de l’hygiène des mains et/ou d’une éducation sur la réduction des cas de diarrhée, réduction également observée en améliorant la qualité de l’eau et l’hygiène générale. Une troisième méta-analyse, incluant 8 études (4), montre une réduction du nombre d’infections respiratoires de 16% grâce à des interventions d’hygiène des mains. Nous soutenons le plaidoyer des auteurs de la présente méta-analyse pour la réalisation d’autres études évaluant d’autres interventions pour combattre la diffusion des infections respiratoires.
Pour la pratique
Une éducation et l’emploi d’un savon ordinaire sont des mesures simples qui peuvent être très largement conseillées par le médecin généraliste. Il n’est pas prouvé que des produits récents, tels que des savons antibiotiques, des produits de désinfection des mains à base d’alcool ou de benzalkonium soient plus efficaces dans un contexte communautaire.
Conclusion
Cette étude montre qu’une éducation et l’utilisation d’un savon ordinaire pour le lavage des mains sont des moyens efficaces pour freiner la diffusion des infections gastro-intestinales et, dans une moindre mesure, respiratoires.
Références
- Aiello AE, Larson EL. What is the evidence for a causal link between hygiene and infections? Lancet Infect Dis 2002;2:103-10.
- Curtis V, Cairncross S. Effect of washing hands with soap on diarrhoea risk in the community: a systematic review. Lancet Infect Dis 2003;3:275-81.
- Fewtrell L, Kaufmann RB, Kay D, et al. Water, sanitation and hygiene interventions to reduce diarrhoea in less developed countries: a systematic review and meta-analysis. Lancet Infect Dis 2005;5:42-52.
- Rabie T, Curtis V. Handwashing and risk of respiratory infections: a quantitative systematic review. Trop Med Int Health 2006;11:258-67.
Ajoutez un commentaire
Commentaires