Revue d'Evidence-Based Medicine
Editorial: Examen de santé périodique
Faites le point de l’inflation d’exigences qualitatives posées par diverses instances dans le domaine de l’évaluation de santé périodique pour des personnes en général en bonne santé, ainsi que sur les limites de votre mise en application de ces exigences en tant que médecin généraliste ; vous serez sans doute partagé entre l’impression de rapetisser ou la sensation d’un grand frisson parcourant votre dos. Les soins aux patients doivent répondre à quatre critères : efficacité, utilité (efficacité pratique), efficience et, enfin, équité et accessibilité (1). Pour évaluer l’intérêt de proposer un examen de santé comme pierre angulaire de soins corrects aux patients, il est nécessaire d’analyser dans quelle mesure cet examen répond aux quatre critères précités.
Efficacité
L’aspect efficacité est sans doute le plus facile à satisfaire. Depuis longtemps, des institutions renommées telles que l’US Preventive Services Task Force, la Canadian Task Force on Preventive Health Care, mais aussi les Nederlandse Standaarden et les Recommandations de Bonne Pratique belges publient des documents complets, scientifiquement bien élaborés et qui présentent comme d’intérêt prouvé l’évaluation périodique d’un certain nombre de risques pour la santé chez des personnes saines. L’efficacité de cette évaluation est en général basée sur des expérimentations cliniques contrôlées ou sur une comparaison entre cohortes, dont une bénéficie de l’évaluation d’une intervention (par exemple une vaccination au moyen d’un vaccin antipneumococcique conjugué) et dont l’autre se voit offrir des soins courants. L’efficacité de ces interventions est en général décrite grâce à des critères cliniques, mais aussi au moyen d’évaluations économiques.
Utilité
L’implantation de ces recommandations dans la pratique est une entreprise plus laborieuse. Le dépistage du cancer du sein en est un bon exemple. Il n’y a probablement pas d’autre programme de dépistage qui n’ait bénéficié d’un soutien aussi fort de la part des autorités, des media et de leaders d’opinion identifiés. En Belgique, pour les années 2003-2004, seuls 24% de la population cible pour ce programme de dépistage ont effectué une mammographie (2). La National Commission on Prevention Priorities étatsunienne a calculé le nombre de QALYs (années de qualité de vie ajoutées) si un dépistage atteignait 90% de la population. Les gains les plus importants (1 300 000 QALYs) sont obtenus par un dépistage du tabagisme couplé à une brève intervention. D’autres interventions préventives sont également synonymes de bénéfices appréciables : cancer colorectal, vaccination pour la grippe dans des groupes à risque, cancer du sein, cancer du col utérin, prophylaxie par aspirine (3). Cette recherche montre en tous cas que l’utilité d’une évaluation périodique de certains facteurs de risque dépend uniquement du degré de motivation des médecins et des patients pour prendre conscience de cette possibilité dans la pratique quotidienne et d’autre part pour donner suite à cette offre. En soutenant spécifiquement la médecine générale par la fourniture d’outils permettant la gestion de ces interventions périodiques, l’offre de prévention augmente de 22,8% dans ces pratiques professionnelles (4).
Efficience, équité et accessibilité
Les autorités et les assureurs ont bien entendu leurs propres responsabilités dans cette problématique. Leur première responsabilité est d’établir les priorités. Les interventions préventives efficientes n’apportent pas toutes le même bénéfice en termes de QALYs. Les ressources sont limitées, ce qui rend des choix obligatoires, choix à faire connaître à la population comme aux soignants. L’ampleur des investissements réalisés pour développer de nouveaux médicaments ou de nouvelles technologies est parfois en net contraste avec la petitesse des investissements faits dans des systèmes de garantie de délivrance de soins à tous les patients qui en ont besoin et pour lesquels un gain plus important en termes de santé peut être atteint (5). Vu sous cet angle de degré de couverture de l’ensemble de la population, la contribution d’un soignant préférentiel pour une intervention de santé précise est importante. La responsabilité des autorités et des assureurs est également importante dans ce domaine. Le dépistage du cancer du sein peut actuellement être demandé par tout médecin et tout centre de dépistage ; le score de réalisation reste cependant médiocre. La vaccination contre le cancer du col utérin est revendiquée par les médecins généralistes, gynécologues et pédiatres ; chacun sait pourtant que le meilleur taux de couverture vaccinale ne peut être atteint que par une vaccination de cohorte d’âge par la médecine scolaire. Une reconnaissance des logiciels médicaux limitée à ceux incluant des fichiers opérationnels pour la gestion des interventions périodiques pour la santé peut augmenter l’efficience des moyens investis. Une augmentation de la libéralisation et de la marchandisation des soins de santé rendra l’accès de ces interventions plus difficile pour certaines catégories de personnes (6). Veiller à une accessibilité des soins reste la tâche primordiale des autorités.
Chez des personnes en bonne santé, le suivi périodique des risques pour la santé qui peuvent être modifiés favorablement sur la base d’arguments scientifiques n’est possible que si le médecin de famille est soutenu dans sa pratique pour la gestion de cette tâche.
M. Lemiengre
Références
- Van Driel M. The implementation of evidence in clinical care. Exploring the gap between knowledge and practice. [Dissertation]. Department of General Practice and Primary Health Care, Ghent University, 2007.
- Conseil National de la Promotion de la Qualité de l’INAMI. Plate-forme Mammoscreening (INAMI - AIM - KCE – Comités paritaires). Feedback individuel 2006.
- Maciosek MV, Coffield AB, Edwards NM, et al. Priorities among effective clinical preventive services: results of a systematic review and analysis. Am J Prev Med 2006;31:52-61.
- Woolf SH, Johnson RE. The break-even point: when medical advances are less important than improving the fidelity with which they are delivered. Ann Fam Med 2005;3:545-52.
- Dubey V, Mathew R, Iglar K, et al. Improving preventive service delivery at adult complete health check-ups: the Preventive health Evidence-based Recommendation Form (PERFORM) cluster randomized controlled trial. BMC Fam Pract 2006;7:44.
- Willems S. The socio-economic gradient in health: a never-ending story? A descriptive and explorative study in Belgium [Dissertation]. Department of General Practice and Primary Health Care, Ghent University, 2005.
Auteurs
Lemiengre M.
Huisartsenpraktijk De Wijngaard Roeselare; Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
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