Revue d'Evidence-Based Medicine
Editorial: Le sommet de l'iceberg.
Minerva 2003 Volume 2 Numéro 10 Page 160 - 161
Professions de santé
En tant que médecin ou pharmacien, quelle est notre perception du comportement de nos patients en matière de santé ? Que savons-nous de leur utilisation de « produits bons pour la santé » ? Les suppléments alimentaires peuvent également provoquer des effets indésirables.
C’est ce qui ressort d’un inventaire de données fait par 11 centres de pharmacovigilance aux États-Unis. Pour 1466 prises de suppléments alimentaires, les utilisateurs ont présenté dans 784 cas l’un ou l’autre effet gênant dû aux substances végétales ou non végétales, enrichies ou non en vitamines. Les effets indésirables sévères sont : coma, convulsions, angor, troubles visuels, saignements, perturbations de la balance électrolytique et dyspnée 1. Cette constatation appelle réflexion. Qu’en est-il de la situation en Belgique ? L’exigence d’une base scientifique renvoie toujours les suppléments alimentaires (également appelés « nutriments ») sur la bande d’arrêt d’urgence. Leur efficacité est en effet loin d’être établie.
Leur composition est souvent inconnue, certainement quand il s’agit d’un mélange de plantes exotiques. Il est important que le marché de ces produits soit mieux réglé. Nous en éclaircirons quelques aspects en passant en revue la réglementation concernant l’emploi des plantes dans les domaines médicaux et alimentaires.
En 1989 déjà, le ministre de la Santé de l’époque avait instauré un groupe de travail pour l’enregistrement des médicaments à base de plantes. Il a fallu attendre deux ans pour avoir un enregistrement «simplifié » effectif. Au départ, toutes les tentatives d’enregistrement bloquaient au niveau des bases scientifiques, absentes dans de nombreux cas. En donnant une importance plus grande au dossier analytique, ce problème a pu être résolu.
Le demandeur d’enregistrement doit apporter les preuves de l’identité, de la pureté, de l’absence de contamination, du processus de préparation détaillé, du dosage du produit final et de la conservation du médicament 2, 3. Entre temps des études cliniques relatives à différents produits ont été publiées : Ginkgo biloba, millepertuis, aubépine, valériane et sabal. Par contre, un certain nombre de produits ont disparu, la barre étant trop haut placée pour eux. Ils disparaissent du circuit médico-pharmaceutique et se réfugient dans une simple « notice ». Celle-ci se limite à une communication de la commercialisation avec mention de la composition et de la valeur alimentaire. Une notification est principalement conçue comme un inventaire. Un A.R. de 1997 régit cette procédure. Seul un nombre limité de plantes, issues d’une liste particulière, sont prises en considération pour cette notification. Des espèces ne figurant pas sur la liste ne peuvent être acceptées qu’après une recherche de risques éventuels liés à leur utilisation 4.
Comme les préparations avec notification ne sont pas des médicaments, elles ne peuvent revendiquer aucune indication thérapeutique. C’est un sujet répété d’exaspération de l’industrie alimentaire. Au niveau européen, une tentative est faite pour établir un système de « plaintes en matière de santé » visant à neutraliser toute publicité pseudo thérapeutique trompeuse 5.
Les nutriments ou suppléments alimentaires échappent à toute pharmacovigilance. Nous ne pouvons compter que sur des communications occasionnelles. Par exemple, les préparations à base de millepertuis peuvent accélérer la biotransformation de certains médicaments 6.
Quand le millepertuis est enregistré comme médicament, l’information nécessaire est remise au patient grâce à la notice scientifique. Mais il est souvent vendu en dehors des pharmacies. Un contrôle plus étroit de tout ce qui est vendu de par le monde comme « produit naturel » est souhaitable. L’exemple des herbes chinoises est encore frais dans les mémoires et toujours l’objet de discussions 7, 8.
Mais la situation est encore plus complexe, comme le montre l’exemple du thé vert, également appelé thé chinois (Camellia sinensis (L.) Kuntze). Des preuves d’un effet protecteur du thé contre les pathologies cardiovasculaires existent sur le plan épidémiologique 9, 10. Cette plante est riche en polyphénols et possède des propriétés antioxydantes. Les autorités européennes ont reçu récemment sept communications détaillées d’hépatotoxicité possible de concentrés de thé vert chez des patients 11. Ce type de communication ne doit pas nécessairement provoquer la panique. L’utilisation d’extraits éthanolés ou de feuilles de thé moulues en poudre rompt avec la tradition. L’apparition d’effets non prévus ne peut donc être exclue. En France, ces communications ont entraîné le retrait du marché des préparations concernées 11.
Que pouvons-nous conseiller aux consommateurs ? 1 | |
1 | Il est préférable d’utiliser les produits mentionnant clairement sur l’emballage le fabriquant et le distributeur, avec une adresse accessible |
2 | Il vaut mieux utiliser des préparations simples plutôt que des mélanges complexes |
3 | Des préparations à base de précurseurs de propres métabolites n’ont pas de justification rationnelle en tant que suppléments alimentaires (comme les précurseurs de GABA) |
4 | Une utilisation chronique augmente le risque de complications |
5 | Les effets indésirables augmentent avec l’âge du consommateur. Une bonne connaissance de l’expérience peut nous aider à ne pas reproduire les mêmes erreurs (herbes chinoises, millepertuis, thé vert, …) |
Tableau : Procédures possibles pour les préparations à base de plantes |
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* uniquement pour certaines plantes |
§ dossier bibliographique
G. Laekeman
Références
- Palmer ME, Haller C, McKinney PE, et al. Adverse events associated with dietary supplements : an observational study. Lancet 2003;361:101-6.
- Ministerieel Rondschrijven van 30 november 1994. Richtlijnen betreffende de samenstelling van het registratiedossier van geneesmiddelen op basis van planten. Belgisch Staatsblad 10.02.1995 : pp. 3103-11.
- Ministerieel Rondschrijven tot wijziging van de lijsten in bijlage bij het ministerieel rondschrijven van 30 november 1994 houdende richtlijnen betreffende de samenstelling van het registratiedossier van geneesmiddelen op basis van planten. Belgisch Staatsblad 25.12.1997 : p. 34819.
- Koninklijk Besluit betreffende de fabricage van en de handel in voedingsmiddelen die uit planten of uit plantenbereidingen samengesteld zijn of deze bevatten. Belgisch Staatsblad 29.08.1997 : pp. 30898-30920.
- Verhagen H, Tuijtelaars S, Pannemans D, Verschuren P. De wetenschappelijke onderbouwing van gezondheidsclaims op voedingsmiddelen. Voeding Nu 2003;23-5.
- Henderson L, Yue QY, Bergquist C, et al. St Johns wort (Hypericum perforatum) : drug interactions and clinical outcomes. Br J Clin Pharmacol 2002;54:349-56.
- Vanherweghem JL, Depierreux M, Tielemans C, et al. Rapidly progressive intestinal renal fibrosis in young women associated with slimming regimen including Chinese herbs. Lancet 1993;341:387-91.
- Malak J. Chinese herb nephropathy is not a (dex)fenfluramine nephropathy but a serotonin nephropathy. J Altern Complementary Med 1998;4:131-5.
- Bruneton J. Pharmacognosie. Phytochimie Plantes Médicinales. Éditions Tec & Doc Paris, 3 e éd. pp. 1078-9.
- Tokunaga S, White IR, Frost C, et al. Green tea consumption and serum lipids and lipoproteins in a population of healthy workers in Japan. Ann Epidemiol 2002 ;12:157-65.
- Kreft-Jais C. Non-urgent information in pharmacovigilance. Interne Europese nota, 2003.
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