Revue d'Evidence-Based Medicine



L'information à propos des médicaments: du ""sur mesure""



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 6 Page 90 - 91

Professions de santé


 

Que souhaite le patient comme information à propos de ses médicaments ? Un médecin ou un pharmacien consciencieux doit se poser cette question. Les recherches dans ce domaine en viennent toujours à des éléments fondamentaux issus des sciences de la communication.

Nous négligeons souvent ceux-ci par routine ou par oubli. Il nous semble opportun de faire une analyse précise de ce que la littérature nous apprend dans ce domaine. Nous en isolerons ensuite quelques recommandations.

Une abondante information nécessite des messages fondés et s’inscrivant dans un cadre bien précis et claire-ment structuré. Les médecins et pharmaciens sont d’accès facile pour les patients. Il est donc courant d’être confronté à un patient curieux de savoir. Selon une étude effectuée en Flandres 1 , les médecins sont souvent consultés pour des informations concernant les médicaments (77 %) tout comme le pharmacien (54 %). Une enquête récente de Test-Santé montre les lacunes de l’information délivrée dans les pharmacies. Seuls 6 % des patients reçoivent des explications spontanément complètes pour l’utilisation de leur Pulmicort Turbohaler® lors de sa délivrance 2 .

En France, l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES) a édité des recommandations sur ce sujet à destination des médecins 3 . Elles reprennent les dispositions légales quant à l’information des patients. Le législateur précise dans ce cadre : “Celui qui est légalement ou contractuellement tenu à une obligation particulière d’information doit apporter la preuve de l’exécution de cette obligation”. Le rôle informatif du médecin se focalise sur trois aspects :

- l’état de santé (de maladie) du patient, l’évolution probable et les soins nécessaires ;

- la nature du traitement et des résultats qui en sont attendus ;

- les alternatives thérapeutiques éventuelles. Cette information dépasse largement les instructions concernant les médicaments.

En ce qui concerne ces dernières, la Belgique a joué un rôle important dans l’introduction de la notice médicamenteuse pour les usagers. Depuis 1984, un arrêté royal a rendu obligatoire l’élaboration, par les firmes productrices de médicaments, d’une notice pour le patient. Ce projet a été accompagné d’une thèse de doctorat qui en étudie la lisibilité et les comportements induits par cette notice 4 . Elle reste la source d’informations la plus fiable sur les médicaments, la plus consultée : 81 % des patients la consultent souvent 1 .

Nous devons considérer les patients comme des partenaires. Responsabiliser en partageant franchement l’information conduit à une meilleure compliance thérapeutique. L’implication et la responsabilisation des patients hypertendus ou diabétiques permettent d’obtenir de meilleurs résultats thérapeutiques. Il faut préférer un “self empowerment” à une information paternaliste distante 5 . Ces remarques valent également pour les informations écrites. Les patients sont trop peu souvent consultés pour déterminer les besoins informatifs. Le matériel écrit est élaboré sans la collaboration des patients. Le résultat est semblable à un tissu rongé par les mites. Les patients restent souvent sur leur faim au sujet des informations sur l’incidence et les causes possibles de leur affection. Ils se sentent trompés par une vision trop optimiste des résultats des traitements. Ils demandent une information réaliste avec une balance adéquate entre les effets thérapeutiques et indésirables. Ils veulent également en connaître plus sur l’ensemble des traitements disponibles, y compris les traitements alternatifs. Si possible, l’information doit reposer sur des preuves et des sources fiables. Elle doit également être régulièrement actualisée. Enfin, le patient demande un support bien structuré, faisant le tour de la question, illustré de manière adéquate et concis. La qualité de l’information prime sur son moyen de diffusion 5.

Nos recommandations concrètes pour la pratique quotidienne sont basées sur une recherche canadienne récente. Cette étude se fonde sur des interviews structurées dans 19 focus groupes constitués de patients, de pharmaciens et de médecins 6.

- Nous informons nos patients quant aux effets indésirables et aux risques. Cette information doit, nécessairement, être conçue pour permettre une décision de traitement en toute connaissance de cause. Une attitude sceptique vis à vis du traitement peut en résulter 4. Mais une information objective rend ce problème plus facile à discuter. Un dialogue sincère est toujours le plus important, au-delà de déclarations difficilement formulées de non compliance thérapeutique ou de recours à des thérapies non prescrites. 

- Nous discutons avec le patient de la durée de prise du médicament. Dans quelle mesure ce traitement devra-t- il être poursuivi, à vie par exemple ? Ce point est également important pour la prise de décision.

- Chaque médicament a son prix. La discussion concernant l’introduction ou non de médicaments génériques nous est devenue familière. Savoir si le patient souhaite la solution la moins onéreuse, et discuter des coûts établit un climat de confiance.

- Nous sommes attentifs au caractère personnel du traitement à initier. Un patient appréciera plus un médicament ou un traitement spécifique à sa propre situation qu’un traitement que nous proposons à peu près à tout le monde.

Ce dernier aspect nous est quelque peu étranger. Par exemple, comment présenter un traitement classique pour l’hypertension comme un traitement individualisé ? En adaptant simplement, à chaque fois, l’accompagnement de manière individuelle. L’information sous forme de dialogue est, par définition, personnelle puisqu’elle est centrée sur chaque cas spécifique. Le pourquoi et le comment du traitement sont des éléments essentiels des instructions. Intéresser aux résultats couronne le tout. Ce dernier aspect est, par exemple, particulièrement intéressant dans la délivrance dite de routine, en pharmacie, de médicaments à usage chronique.

Pour terminer, quelques mots sur l’information écrite. Elle ne peut, en aucun cas, remplacer les instructions orales mais doit être considérée comme complémentaire. L’expérience nous apprend avec quelle nonchalance, dans certains cercles médico-pharmaceutiques, sont diffusés différents folders, feuillets, tracts et brochures. Les pharmaciens surtout semblent destiner un lieu privilégié pour des documents aux couleurs attirantes, dans lesquels la publicité étouffe vite l’objectivité. C’est dommage, d’autant plus qu’il existe des règles bien élaborées pour l’acceptation ou le rejet de ce matériel proposé 1 . Nous préférons utiliser des informations indépendantes de la publicité comme les folders du WVVH ou le Geneesmiddelenwijzer 7, 8 . Des publications plus familières au patient, sous forme de livres, sont également disponibles.

"Celui qui est légalement ou contractuellement tenu à une obligation particulière d’information doit apporter la preuve de l’exécution de cette obligation” 3 . À nous de démontrer notre valeur ajoutée.

G. Laekeman

 

Références

  1. Laekeman G, Leemans L. Communicatie in de apotheek. ACCO: Leuven, 1999:14-21 en 40-5.
  2. www.test-aankoop.be (geraadpleegd op 2 mei 2003)
  3. Information des patients – Recommandations destinées aux médecins. Edité par Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé, 2000 (59 pages). www.anaes.fr.
  4. Van Haecht CHM, Vander Stichele R, De Backer G, Bogaert M. Impact of patient package inserts on patients’ satisfaction, adverse drug reactions and risk perception: the case of NSAIDs for posttraumatic pain relief. Patient Education and Counseling 1991;17:205-15.
  5. Coulter A, Entwistle V, Gilbert D. Sharing decisions with patients: is the information good enough? BMJ 1999;318:318-22.
  6. Nair K, Dolovich L, Cassels A, et al. What patients want to know about their medications. Can Fam Physician 2002;48:104-10.
  7. www.wvvh.be (geraadpleegd op 2 mei 2003)
  8. www.kava.be (geraadpleegd op 2 mei 2003)
  9. Laekeman G. Geneesmiddelen: wat de bijsluiter niet vertelt. ACCO: Leuven, 2002:176.
L'information à propos des médicaments: du ""sur mesure""

Auteurs

Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :

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