Revue d'Evidence-Based Medicine
Hallux valgus: opérer ou temporiser?
Minerva 2003 Volume 2 Numéro 3 Page 45 - 46
Professions de santé
Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.
Résumé
L’hallux valgus ou “valgus en abduction” est défini par une déviation anormale du gros orteil (hallux) vers le deuxième orteil. Peu de preuves existent quant à la prise en charge de cette déformation survenant fréquemment chez les patients adultes. Peu de preuves particulièrement quant à l’efficacité de traitements chirurgicaux ou conservateurs. L’hallux valgus ou “valgus en abduction” est défini par une déviation anormale du gros orteil (hallux) vers le deuxième orteil. Un angle de valgus supérieur à 15° est considéré comme anormal, parce que dans cette situation la phalange perd sa congruence avec le premier métatarsien. Cette articulation peut ne devenir symptomatique que si l’angle de déviation est plus important, avec le développement d’un cal (gonflement douloureux, rougeur) développé sur la face interne du 1er métatarsien. Cette affection serait présente chez 1 enfant sur 50. Elle toucherait 30 % de la population plus âgée. La cause en est inconnue, mais souvent le port de chaussures mal adaptées et se terminant en pointe, surtout chez les femmes, est incriminé. Le traitement peut être conservateur, consistant en l’emploi d’une orthèse (correction externe, “semelle orthopédique”) ou chirurgical. Plus de 150 techniques chirurgicales ont été décrites, dont plusieurs apportent plus d’ennuis que de bénéfices.
Cette RCT compare une technique chirurgicale (l’ostéotomie de Chevron avec section des tendons adducteurs) avec un traitement par orthèse et une temporisation (groupe contrôle). Sont inclus dans l’étude, 209 patients d’un âge moyen de 48 ans, dont 93 % de femmes, présentent un cal douloureux et un angle de valgus ≤ 35° (en moyenne de 24°). Ils sont répartis aléatoirement entre chirurgie, traitement conservateur par orthèse et temporisation durant un an. L’intensité de la douleur pendant la marche est scorée sur une estimation de la douleur que vous éprouvez. Très douloureux -----Non douloureux.">échelle analogique visuelle (0 – 100). L’amélioration subjective globale, le nombre de jours sans douleur, la gêne cosmétique, les problèmes de chaussures, le statut fonctionnel et le degré de satisfaction vis-à-vis du traitement sont notés et comparés pour les trois groupes, après 6 et 12 mois.
Le groupe ayant subi une ostéotomie chirurgicale montre de meilleurs scores d’intensité de la douleur que le groupe contrôle. Une différence significative par rapport au groupe orthèse n’est démontrée qu’après 12 mois. En comparaison avec le groupe temporisation, le groupe orthèse ne montre, après 6 mois, qu’une amélioration significative de l’intensité de la douleur. Cette différence disparaît après 12 mois. Après 12 mois, aucune différence significative n’est observée entre le groupe orthèse et le groupe contrôle, pour aucun des critères. À la fin de l’étude, les patients opérés déclarent plus de satisfaction vis-à-vis de leur traitement que dans les autres groupes. Les auteurs concluent qu’une prise en charge chirurgicale est efficace en cas d’hallux valgus douloureux et qu’une orthèse ne peut diminuer les symptômes qu’à court terme.
Discussion
La conclusion de cette RCT est claire : le seul traitement judicieux pour ce groupe de patients est la chirurgie. Les autres traitements (par orthèse) ne montrent qu’une amélioration temporaire de l’intensité de la douleur et la temporisation ne montre aucune amélioration à 1 an. La population étudiée est constituée de patients présentant une pathologie évidente et fort évoluée, c’est-à-dire un angle de déviation de 24° en moyenne et un cal douloureux. La raison d’un plafond de 35° n’est pas évidente. La définition d’hallux valgus est, en général, un angle de plus de 15°. Tout aussi non évidente est la justification d’une infiltration avec un corticostéroïde, qui peut apporter une amélioration symptomatique de la douleur, mais n’entre pas en ligne de compte dans la littérature de référence. Il en est de même pour une orthèse dans les cas moins sévères. Une synthèse de la Cochrane Library montre que les orthèses n’influencent pas l’évolution de l’affection 1. Les critères d’exclusion pour cette étude représentent des biais qui ne sont pas sans importance : personnes de plus de 60 ans, emploi d’orthèse avant l’étude, lésions rhumatoïdes.Quelle est l’évolution naturelle de l’affection chez les patients plus âgés ? Il n’est pas logique de penser qu’une ankylose d’une articulation arthrosique évolue vers une diminution spontanée de la douleur au fil des années. Des patients fort âgés ne se plaignent cependant quasi jamais de cette affection, probablement aussi parce qu’ils font moins de grands pas, et que, en conséquence, la rigidité non douloureuse de l’hallux porte moins à conséquence. L’orteil est significativement moins étendu lors d’un petit pas.
D’autres études ?
Une synthèse de la Cochrane Library analyse 12 RCTs, toutes de piètre qualité et de faible importance. La conclusion en est l’absence de preuves d’un choix préférentiel entre techniques conservatrices ou chirurgicales comme 1er choix pour le traitement de l’hallux valgus. Le nombre de patients insatisfaits reste élevé lors du suivi (15 à 30 %), également en cas de réduction postopératoire de l’angle de déviation et de diminution de la douleur 1.
Selon Clinical Evidence, cette étude est la seule à avoir comparé prise en charge chirurgicale, orthèse et temporisation 2. Les études qui comparent différentes techniques chirurgicales ne montrent pas de différence significative. Les auteurs font remarquer le manque de suivi à long terme pour les études de traitement chirurgical. Une étude comparant l’emploi d’une orthèse versus temporisation n’a montré, sur trois ans, aucune amélioration. Le port d’une orthèse n’a, de plus, aucun effet sur la prévention de l’hallux valgus.
Conclusion
Pour les patients présentant un hallux valgus sévère (angle jusqu’à 35°) et un cal douloureux, une indication chirurgicale est à envisager, la situation n’évoluant pas spontanément favorablement à court terme et l’orthèse ne diminuant que temporairement l’intensité de la douleur. Cette étude n’aborde pas la question du choix de la technique chirurgicale. De très nombreuses techniques étant pratiquées, les conclusions ne sont pas transposables à la situation locale.
Conflits d’intérêt/financement
Cette étude est financée par le “Finnish Office for Health Technology Assessment” et par d’autres fonds de recherches finlandais. Aucun conflit d’intérêt n’est mentionné.
Références
- Ferrari J, Higgins JPT, Williams RL. Interventions for treating hallux valgus (abductovalgus) and , bunions (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 1, 2003. Oxford: Update Software.
- Ferrari J. Hallux valgus. Clin Evid 2002;8:1103-12.
Auteurs
Wyffels P.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :
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