Revue d'Evidence-Based Medicine



Une arthroscopie est elle judicieuse en cas de gonarthrose?



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 3 Page 44 - 45

Professions de santé


Analyse de
Moseley JB, O’Malley K, Petersen NJ, et al. A controlled trial of arthroscopic surgery for osteoarthritis of the knee. N Engl J Med 2002;347:81-8.


Conclusion
Malgré des erreurs méthodologiques, cette étude montre qu’une intervention arthroscopique faite de façon routinière chez un patient présentant une gonarthrose n’est pas judicieuse.Cette intervention doit être réservée à des complications aiguës comme l’hydrops ou la libération de fragments.


 

Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.

 

Résumé

Les auteurs de cette étude cherchent à établir l’utilité d’une intervention arthroscopique pour le traitement de la gonarthrose. Ils ont inclus 180 patients suivant une méthodologie randomisée, en double aveugle et contrôle versus placebo. Les patients subissent une des procédures suivantes : (1) une opération factice comportant uniquement les incisions cutanées de l’arthroscopie, sans autre traitement, (2) un lavage arthroscopique sans débridement de fragments instables, (3) ou un lavage arthroscopique associé à un débridement de fragments instables. Le résultat de ces procédures est déterminé lors d’évaluations intermédiaires et deux ans après l’intervention. Cinq scores subjectifs différents sont utilisés pour cette évaluation (3 pour la douleur et 2 pour la fonction) ainsi qu’un score objectif basé sur l’amélioration de la marche et sur la montée d’un escalier. Les auteurs ne mettent pas en évidence de différences significatives entre les 3 procédures. Le groupe placebo présente une amélioration identique à celle des groupes avec arthroscopie effective, pour tous les scores aussi bien subjectifs qu’objectifs. Ils en concluent que, pour une gonarthrose, une intervention placebo est aussi efficace qu’un lavage arthroscopique associé ou non à un débridement.

 

Discussion

Cette étude a suscité, dans les mois précédents, une tempête de réactions aux USA. Le “lobby arthroscopique” s’est, en effet, senti ciblé surtout après la diffusion en long et en large des résultats de cette étude dans presque tous les journaux ou chaînes de télévision nord-américains 1. Quelques critiques importantes sont à formuler. Le groupe étudié est beaucoup trop petit pour démontrer une différence significative. Près de la moitié des patients recrutés ont refusé de participer, vu le risque d’1 à 3 d’être inclus dans le groupe pseudo-intervention. Ensuite, l’étude s’est déroulée dans un hôpital de Vétérans, connu pour une incidence élevée de “Workers’ compensation” (névrose d’indemnisation) 2. De plus, et ceci est de loin la principale critique de cette étude, tous les patients arthrosiques sont évalués sur la même échelle. Aucune distinction n’est faite sur base d’une déviation possible du genou (en varus ou valgus), de la présence d’une obésité, du grade d’arthrose (perte minimale ou totale du cartilage), de la présence d’hydrops, du niveau d’activité du patient, des limitations d’amplitude articulaire du genou, etc. 3. Ces facteurs sont, dans la pratique chirurgicale quotidienne (du moins dans notre pays), à la base de la décision de pratiquer ou non une intervention arthroscopique. Une intervention arthroscopique systématique pour le patient présentant une gonarthrose n’a pas beaucoup de sens, et, comme cette étude le démontre, n’est pas plus efficace qu’une pseudo-intervention. L’atteinte subjective et fonctionnelle liée à l’arthrose est la conséquence de la perte cartilagineuse et du contact os contre os qu’elle entraîne. Une intervention arthroscopique ne modifie en rien cette situation et n’apportera aucune amélioration réelle des plaintes liées à l’arthrose comme l’ankylose à l’initiation du mouvement et la douleur à la mise en charge. Une intervention arthroscopique pourrait cependant être justifiée si ce même patient, en plus de ses plaintes arthrosiques classiques, présente une phase aiguë suite à la libération de fragments de ménisque ou de cartilage. Un lavage arthroscopique avec débridement de ces fragments instables peut “dépanner” le patient dans certaines circonstances, sans avoir, naturellement, une efficacité sensible sur des plaintes arthrosiques cliniques. Cette nuance importante n’est malheureusement pas mentionnée dans cette étude.

 

Conclusion

Malgré des erreurs méthodologiques, cette étude montre qu’une intervention arthroscopique faite de façon routinière chez un patient présentant une gonarthrose n’est pas judicieuse.Cette intervention doit être réservée à des complications aiguës comme l’hydrops ou la libération de fragments.

 

Conflits d’intérêt/financement

L’étude est sponsorisée par le “Department of Veterans Affairs” (USA). Aucun conflit d’intérêt n’est mentionné.

 

Références

  1. Poehling G. Degenerative arthritis arthroscopy and research. [Editoriaal] Arthroscopy 2002;18:683.
  2. Chambers K, Schulzer M, Sobolev B, et al. Degenerative arthritis arthroscopy and research. [Letter to the editor] Arthroscopy 2002;18:686-7.
  3. Johnson L. Degenerative arthritis arthroscopy and research. [Letter to the editor] Arthroscopy 2002;18:683-6.
Une arthroscopie est elle judicieuse en cas de gonarthrose?

Auteurs

Bellemans J.
Dienst Orthopedie, Universitair Ziekenhuis Pellenberg, Leuven
COI :

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