Analyse


Angor stable avec symptômes d’ischémie : intérêt d’ajouter une angioplastie percutanée à un traitement médical optimisé ?


15 02 2019

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Al-Lamee R, Thompson D, Dehbi HM, et al; ORBITA investigators. Percutaneous coronary intervention in stable angina (ORBITA): a double-blind, randomised controlled trial. Lancet 2018;391:31-40. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)32714-9


Conclusion
Cette RCT est la première à comparer en double aveugle, chez des patients avec angioplastie envisagée dans un but symptomatologique, une angioplastie percutanée (PCI) à une angioplastie factice, les deux interventions étant associées à un traitement médical optimisé. Elle ne montre pas d’intérêt de la PCI en termes d’amélioration du temps d’effort, de la symptomatologie et de la qualité de vie.


Que disent les guides de pratique clinique ?
En cas d’angor stable (ou d’ischémie silencieuse), le guide de pratique clinique de l’European Society of Cardiology de 2014 précise les cas dans lesquels une revascularisation (par pontage ou angioplastie percutanée) est indiquée dans un objectif pronostique ou symptomatique, sans mentionner clairement de préférence pour un type d’endoprothèse dans cette dernière indication. Pour ce qui est de l’indication « objectif symptomatique », ce GPC donne comme référence finale à sa recommandation (de niveau 1A soit « de nombreuses RCTs ou une méta-analyse ») la méta-analyse de Thomas et al. Celle-ci conclut cependant à l’absence de preuve d’intérêt d’une angioplastie percutanée versus traitement médical en termes de réduction de la mortalité totale ou cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde et de réduction de l’angor. Cette RCT confirme l’absence d’intérêt d’une angioplastie au point de vue symptomatique chez des patients pour lesquels une angioplastie est envisagée à titre symptomatique, pour les technique utilisées jusqu’en novembre 2017.



Nous avons publié en 2017 (1,2) dans la revue Minerva, une mise à jour de nos précédentes analyses concernant le traitement médical versus invasif (pontage coronarien (coronary artery bypass grafting - CABG) ou angioplastie percutanée - PCI) en cas d’angor stable. Nous y avons présenté deux méta-analyses publiées en 2014. Pour rappel, celle de Stergiopoulos et al. (3) publiée en 2014 ne montrait pas de différence entre une approche PCI + traitement médicamenteux et un traitement médical seul ni en termes de décès (OR à 0,90 avec IC à 95% de 0,71 à 1,16), ni pour l’infarctus non fatal (OR à 1,24 avec IC à 95% de 0,99 à 1,56), ni pour les revascularisations non programmées (OR à 0,64 avec IC à 95% de 0,35 à 1,17), ni pour l’angor (OR à 0,91 avec IC à 95% de 0,57 à 1,44). 

La méta-analyse en réseau de Windecker et al. (4) également publiée en 2014 concluait à un bénéfice significatif en termes de mortalité totale pour le CABG versus traitement médical seul. Il existait des différences dans les résultats entre les endoprothèses médicamenteuses, avec un résultat favorable significatif uniquement pour l’évérolimus nouvelle génération, résultat à confirmer cependant dans des comparaisons directes. Cette méta-analyse en réseau illustrait nos difficultés dans l’interprétation des résultats : les traitements médicaux, percutanés (types d’endoprothèse médicamenteuse comme métallique) et chirurgicaux se sont modifiés au cours des années et il n’est pas approprié de comparer des techniques nouvelles avec de plus anciennes au point de vue bénéfice entre choix médical ou invasif.

Ces deux méta-analyses n’apportaient donc pas de preuve de l’intérêt d’ajouter une angioplastie percutanée à un traitement médical optimisé chez des patients présentant un angor stable.

Les cardiologues interventionnistes comme les patients qui souffrent d’angor stable estiment souvent qu’une angioplastie percutanée va améliorer les symptômes, généralement sur base d’une information incomplète des patients (5). Si des RCTs (6) ont montré un bénéfice d’une PCI en termes d’amélioration de l’effort, des symptômes d’angor, de qualité de vie, il s’agissait d’études non en aveugle, ce qui ne permettait pas de quantifier l’effet placebo dans ces résultats.

Al-Lamee et al. ont publié en 2017 (7) les résultats de leur RCT en double aveugle, multicentrique, britannique, comparant une PCI à une procédure factice chez des patients présentant un angor stable avec une sténose sévère d’un seul vaisseau (>70%) (mais non plusieurs vaisseaux) pour laquelle une PCI pouvait être appropriée dans un but symptomatique (non à visée pronostique). 73% des patients inclus étaient des hommes et l’âge moyen des patients était de 66 ans (DS de 9 ans); 13% présentaient un antécédent de PCI. Dans une première phase de 6 semaines, le traitement médical a été optimisé : aspirine, deuxième antiagrégant plaquettaire, statine et si nécessaire bêta-bloquant et inhibiteur du calcium. Les patients ont ensuite été randomisés (avec symptômes d’angor malgré le traitement pour 89% d’entre eux) soit dans un groupe PCI avec mise en place d’une endoprothèse médicamenteuse (n = 105) soit dans un groupe PCI factice (n = 95). Le critère de jugement primaire, l’amélioration du temps d'exercice sur tapis roulant jusqu’à l’apparition d’une sous-dénivellation du segment ST de 1 mm, ne montre pas de différence significative entre les deux groupes : temps groupe PCI – temps groupe PCI factice = 16,6 sec (IC à 95% de -8,9 à 42 sec, p = 0,200).

Il n’y a pas de différence en termes de proportion de patients déclarant une amélioration de leur angor suivant une gradation de l’effort fourni (Canadian Cardiovascular Society grading of angina pectoris) ni pour la qualité de vie (Seattle Angina Questionnaire et EQ-5D-5L).

Les auteurs de cette recherche concluent, à juste titre, que l’efficacité d’une procédure invasive (PCI) devrait être comparée, dans les études, à une intervention factice (= placebo), comme c’est le cas avec les traitements médicamenteux.

 

Conclusion

Cette RCT est la première à comparer en double aveugle, chez des patients avec angioplastie envisagée dans un but symptomatologique, une angioplastie percutanée (PCI) à une angioplastie fastice, les deux interventions étant associées à un traitement médical optimisé. Elle ne montre pas d'intérêt de la PCI en termes d'amélioration du temps d'effort, de la symptomatologie et de la qualité de vie.

 

Pour la pratique

En cas d’angor stable (ou d’ischémie silencieuse), le guide de pratique clinique de l’European Society of Cardiology de 2014 (8) précise les cas dans lesquels une revascularisation (par pontage ou angioplastie percutanée) est indiquée dans un objectif pronostique ou symptomatique, sans mentionner clairement de préférence pour un type d’endoprothèse dans cette dernière indication. Pour ce qui est de l’indication « objectif symptomatique », ce GPC donne comme référence finale à sa recommandation (de niveau 1A soit « de nombreuses RCTs ou une méta-analyse ») la méta-analyse de Thomas et al. (9). Celle-ci conclut cependant à l’absence de preuve d’intérêt d’une angioplastie percutanée versus traitement médical en termes de réduction de la mortalité totale ou cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde et de réduction de l’angor. Cette RCT confirme l’absence d’intérêt d’une angioplastie au point de vue symptomatique chez des patients pour lesquels une angioplastie est envisagée à titre symptomatique, pour les technique utilisées jusqu’en novembre 2017.

 

Références 

  1. Chevalier P. Angor stable : traitement médical ou invasif ? Quel type d’endoprothèse coronaire ? Données récentes. Minerva bref 15/09/2017.
  2. Bønaa KH, Mannsverk J, Wiseth R, et al; NORSTENT Investigators. Drug-eluting or bare-metal stents for coronary artery disease. N Engl J Med 2016;375:1242-52. DOI: 10.1056/NEJMoa1607991
  3. Stergiopoulos K, Boden WE, Hartigan P, et al. Percutaneous coronary intervention outcomes in patients with stable obstructive coronary artery disease and myocardial ischemia: a collaborative meta-analysis of contemporary randomized clinical trials. JAMA Intern Med 2014;174:232-40. DOI: 10.1001/jamainternmed.2013.12855
  4. Windecker S, Stortecky S, Stefanini GG, et al. Revascularisation versus medical treatment in patients with stable coronary artery disease: network meta-analysis. BMJ 2014;348:g3859. DOI: 10.1136/bmj.g3859
  5. Rothberg MB, Sivalingam SK, Kleppel R, et al. Informed decision making for percutaneous coronary intervention for stable coronary disease. JAMA Intern Med 2015;175:1199-206. DOI: 10.1001/jamainternmed.2015.1657
  6. Wijeysundera HC, Nallamothu BK, Krumholz HM, et al. Meta-analysis: effects of percutaneous coronary intervention versus medical therapy on angina relief. Ann Intern Med 2010;152:370-9. DOI: 10.7326/0003-4819-152-6-201003160-00007
  7. Al-Lamee R, Thompson D, Dehbi HM, et al; ORBITA investigators. Percutaneous coronary intervention in stable angina (ORBITA): a double-blind, randomised controlled trial. Lancet 2018;391:31-40. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)32714-9
  8. The Task Force on Myocardial Revascularization of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association or Cardio-Thoracic Surgery (EACTS); Windecker S, Kohl P, Alfonso F, et al. 2014 ESC/EACTS Guidelines on myocardial revascularization. Euro Heart J 2014;35:2541-619. DOI: 10.1093/eurheartj/ehu278
  9. Thomas S, Gokhale R, Boden WE, Devereaux PJ. A meta-analysis of randomized controlled trials comparing percutaneous coronary intervention with medical therapy in stable angina pectoris. Can J Cardiol 2013;29:472-82. DOI: 10.1016/j.cjca.2012.07.010



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