Revue d'Evidence-Based Medicine



Editorial: Le pharmacien et les soins dispensés au patient



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 2 Page 17 - 17

Professions de santé


 

Hepler et Strand furent les premiers à définir les « soins pharmaceutiques » comme étant « ... the responsible provision of drug therapy for the purpose of achieving definite outcomes that improve a patient’s quality of life... » 1. Bizarrement, le pharmacien n’était pas impliqué dans ceux-ci. Strand a ensuite placé l’accent sur une pratique d’officine centrée sur le patient et non sur le médicament 2, mais l’intitulé « soins pharmaceutiques » est demeuré, enseigne trompeuse qui appelle quelques réflexions.

Il y a peu, paraissait l’étude HOME impliquant douze pharmacies aux Etats-Unis 3. Cette étude évalue l’efficacité d’une intervention des pharmaciens au niveau du contrôle de la pression artérielle de patients (n=125; contrôle ≤140/90 mm Hg). Lors de quatre contacts répartis sur trois mois, le pharmacien donne des informations sur l’affection et ses possibles complications, sur l’emploi des médicaments prescrits, sur l’observance et sur les mesures d’hygiène de vie. Les patients se voient gratifier d’un tensiomètre pour mesurer eux-mêmes leur pression artérielle. Pour faciliter l’observance, une boîte à pilules et des dépliants sont fournis. Les pharmaciens transmettent leurs informations aux médecins traitants et font des recommandations élaborées interdisciplinairement. Dans le groupe contrôle, l’intervention se limite à une mesure mensuelle de la pression artérielle en officine. Dans les deux groupes, une diminution significative des pressions diastolique et systolique, par rapport aux valeurs initiales, est observée (p<0,01). Un avantage pour le groupe intervention est limité à une différence significative pour la pression diastolique obtenue (p=0,03). La pression artérielle est sous contrôle chez 42% des patients dans le groupe intervention et chez 30% de ceux du groupe contrôle (p=0,45), ce qui correspond aux chiffres obtenus avec un traitement de référence. Il est, en effet, connu que des mesures effectuées au domicile n’entraînent pas un meilleur contrôle des pressions artérielles mais permettent d’utiliser un peu moins de médicaments pour obtenir une diminution équivalente des valeurs et donc un emploi plus rentable des médicaments 4.

Qu’une intervention aussi impliquante devienne un champ d’action possible pour les pharmaciens semble difficilement imaginable dans notre système de soins. Une tentative dans ce sens a cependant vu le jour, au cours du précédent hiver, dans la région d’Anvers. L’association des pharmaciens (KAVA) a motivé ses membres à informer toutes les personnes âgées de plus de 50 ans de leur niveau de pression artérielle. Si un contrôle de la pression artérielle datait de plus d’un an, le patient était invité à consulter son médecin traitant. Un dépliant d’information sur les risques cardio-vasculaires était remis à chacun. Les pharmaciens espéraient également obtenir des échanges avec les médecins traitants concernant tous les aspects du traitement de l’hypertension.

Nous devons prendre différentes importantes facettes en considération dans de telles initiatives visant à améliorer la qualité des soins. Un accroissement des soins n’entraîne pas automatiquement des économies, ni même toujours de meilleurs résultats. Une gestion commune du pharmacien et du médecin traitant peut permettre de mieux contrôler une pression artérielle chez des hypertendus et d’obtenir un rapport coûts-bénéfices plus favorable 5. Un autre exemple est fourni. Dans une étude évaluant les soins pharmaceutiques, 872 personnes âgées de plus de 80 ans, reçoivent, après leur sortie d’hôpital, la visite d’un pharmacien pour évaluer la manière dont elles gèrent leurs médicaments 6. Le groupe contrôle reçoit les « soins habituels ». Etonnamment, davantage de patients du groupe intervention sont à nouveau hospitalisés en urgence ou consultent leur médecin traitant, sans amélioration du taux de mortalité.

L’efficience et l’organisation des soins sont importantes. Des pharmaciens réclament de pouvoir dispenser des « soins pharmaceutiques ». Dans quelle mesure les médecins doivent-ils spécifier qu’il s’agit de « soins médicaux » et les infirmières de « soins infirmiers » ? Il n’existe, bien sûr, qu’un seul type de soins, les « soins au patient ». Quel modèle de soins et quelles relations de bonne collaboration afin de garantir, au terme, les meilleurs résultats pour la santé publique ? Question prégnante qui exige d’urgentes recherches.

G. Laekeman et P. De Cort

 

Références

  1. Hepler CD, Strand LM. Opportunities and responsibilities in pharmaceutical care. Am J Hosp Pharm 1990;47:533-43.
  2. Strand LM. 1997 Remington Lecture. Re-visioning the profession. Am Pharm Assoc (Wash) 1997;NS37(4):474-8.
  3. Zillich AJ, Sutherland JM, Kumbera PA, Carter BL. Hypertension outcomes through blood pressure monitoring and evaluation by pharmacists (HOME study). J Gen Intern Med 2005;20:1091-6.
  4. Staessen J, Den Hond E, Celis H, et al; Treatment of Hypertension based on home or Office blood Pressure (THOP) Trail Investigators. Antihypertensive treatment based on blood pressure measurement at home or in the physician’s office: a randomized controlled trial. JAMA 2004;291:955-64.
  5. Borenstein JE, Graber G, Saltiel E, et al. Physician-pharmacist comanagement of hypertension: a randomized, comparative trial. Pharmacotherapy 2003;23:209-16.
  6. Holland R, Lenaghan E, Harvey I, et al. Does home based medication review keep older people out of hospital? The HOMER randomised controlled trial. BMJ 2005;330:293-7.
Editorial: Le pharmacien et les soins dispensés au patient

Auteurs

De Cort P.
em. Huisartsgeneeskunde, KU Leuven
COI :

Laekeman G.
em. Klinische Farmacologie en Farmacotherapie, KU Leuven
COI :

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