Revue d'Evidence-Based Medicine



Editorial: Publicité médicamenteuse à la télévision : bientôt dans toute l’Europe ?



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 1 Page 1 - 1

Professions de santé


 

Les Etats-Unis et la Nouvelle Zélande sont, actuellement, les seuls pays autorisant une publicité directe dans les media pour les médicaments soumis à prescription. Tout nord-américain peut regarder des messages publicitaires concernant des médicaments durant 16 heures par an, soit davantage que ses heures de contact avec le médecin (1)…

Diablotins

Frais dans notre mémoire, ce film publicitaire dans notre pays, présentant un diablotin causant un champignon sur les pieds : panique dans la population et réactions de peur chez les enfants. Le Medicines Health - Care Products Regulatory Agency aux E.-U. a autorisé cette publicité (2). En Hollande, une plainte en justice a été introduite contre Novartis par les autorités mais celles-ci ont mordu la poussière : “aucun produit n’était nommé, ni le nom de la firme » (3). Détail piquant : ’t Jong et coll. ont analysé l’effet de cette campagne en Hollande (4). Dans 10 pratiques en première ligne, la vente de terbinafine orale et d’itraconazol a été examinée ainsi que le nombre de consultations pour mycose des pieds. Le nombre de consultations pour mycose des pieds ainsi que la vente de terbinafine augmentent, également après la campagne publicitaire, tandis que les chiffres de vente de la marque concurrente diminuent. Une campagne sans mention de la marque du médicament eut quand même un effet de marque spécifique. En marge, nous tenons à mentionner qu’il s’agit ici d’une affection à pronostic favorable, tandis que, d’autre part, certains effets indésirables sévères sont décrits (entre autres des anomalies hépatiques sévères).

Ergotage versus communication ouverte 

La discussion entre partisans et opposants d’une publicité libre pour les médicaments est en cours depuis longtemps (5,6). L’industrie pharmaceutique a un lieu où elle aide les consommateurs dans le but de les rendre plus responsables de leur propre santé (5). D’autres préviennent que, aussi bien les médecins que les patients sont sensibles à la publicité, mais que les médecins sont mieux capables, de par leur formation, de placer les messages publicitaires dans leur contexte (6). L’affaire est à ce point actuelle qu’il existe une proposition du Forum Pharmaceutique dans la Commission Européenne « d’écarter du chemin tout obstacle à une communication directe des firmes pharmaceutiques aux patients » : un récent éditorial de Minerva a déjà attiré l’attention la-dessus (7).

Etudes

Au lieu de se lancer dans une discussion non fondée, Minerva choisit de se reposer sur des études publiées dans ce domaine. Les Annals of Family Medicine ont publié une des premières études valides concernant la publicité à la télévision (1). Les auteurs ont analysé le contenu des messages publicitaires, envoyés habituellement en « prime time ». La plupart des publicités parlaient d’arguments rationnels (86 %), mais très peu des causes de l’affection (26%), des facteurs de risque (26%) ou de la prévalence (25%). Une stratégie émotionnelle était toujours élaborée : répondre aux souhaits du patient qui ne peuvent jamais être réalisés. Rarement un changement de style de vie est cité comme alternative. L’accent est mis sur le fait que le patient peut à nouveau reprendre le contrôle de sa santé avec une conséquence sociale très positive. Plus de la moitié des produits sont présentés comme des percées.

Les auteurs concluent que les messages publicitaires ont une valeur éducative faible et que leur promotion est en conflit avec la santé publique en général (1). Très récemment, un aperçu des dix dernières années concernant l’influence et les méthodes de publicité directe aux patients est paru (8). Les coûts totaux de la publicité ont grimpé de 11,4 billions de dollarsen 1996 jusqu’à 29,9 en 2005. Le budget pour la promotion aux patients a augmenté de 330%. Les auteurs constatent que les campagnes de promotion commencent dans l’année après l’arrivée du médicament sur le marché et constatent que les données concernant les effets indésirables sont encore insuffisantes. Ils plaident pour la mise en place dans un premier temps d’un moratoire. Bristol-Myers Squibb a annoncé spontanément respecter ceci l’année suivante. Une deuxième conclusion est que la FDA fonctionne insuffisamment pour évaluer ces messages publicitaires et si nécessaire les repousser.

Europe

La discussion concernant cette matière est aux portes de l’Europe. Le rapport déposé ne précise pas comment la littérature a été rassemblée ; différents avis ne sont pas étayés et des documents importants récents ne sont pas repris (9). Avec les auteurs de l’éditorial du BMJ, nous plaidons pour les trois critères de base sur lesquels une information pour les patients doit reposer : fiable (EBM), comparative (les autres options doivent également être rapportées) et adaptée au patient (9).

De tout ce qui précède, il semble que de plus en plus d’études sont disponibles, qui apportent une aide pour la prise d’une décision responsable en matière de publicité directe au patient concernant les médicaments. Le sous-titre de l’éditorial dans le NEJM résume bien tout : « les preuves concernant l’efficacité et les effets indésirables y sont mais sont négligeables. » Minerva défend une information indépendante pour le patient, mais craint qu’il y ait peu de référence à des sources EBM. Dans ce contexte, il est irresponsable d’autoriser une publicité libre pour les médicaments sur prescription, à la télévision ou non.

 

M. De Meyere

 

Références

  1. Frosch DL, Krueger PM, Hornik RC, Creating demand for prescription drugs: a content analysis of television direct-to-consumer advertising. Ann Fam Med 2007;5:6-13.
  2. Jackson T. Regulator spells out rules on disease awareness campaigns. BMJ 2003;326:1219.
  3. Sheldon T. Dutch GPs call for a ban on Novartis products. BMJ 2002;325:355.
  4. 't Jong GW, Stricker BH, Sturkenboom MC. Marketing in the lay media and prescriptions of terbinafine in primary care: Dutch cohort study. BMJ 2004;328:931.
  5. Holmer AF. Direct-to-consumer prescription drug advertising builds bridges between patients and physicians. JAMA 1999;281,380-2.
  6. Hollon MF. Direct-to-consumer marketing of prescription drugs: creating consumer demand. JAMA 1999;281:382-4.
  7. Chevalier P. Information du patient : comprendre les risques. [Editorial] MinervaF 2007;6(8):113.
  8. Donohue JM, Cevasco M, Rosenthal MB. A decade of direct-to-consumer advertising of prescription drugs. N Engl J Med 2007;357:673-81.
  9. Magrini M, Font M. Direct- to-consumer-advertising of drugs in Europe. BMJ 2007;335:526.
Editorial: Publicité médicamenteuse à la télévision : bientôt dans toute l’Europe ?

Auteurs

De Meyere M.
Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, UGent
COI :

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