Revue d'Evidence-Based Medicine



Nombre de sujets à traiter



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 2 Page 24 - 24

Professions de santé


 

Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM

La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM).

 

Le Nombre de Sujets à Traiter (NST) est sans doute la mesure la plus facile à comprendre pour un non-initié, probablement la plus utile pour mieux convaincre un patient de l’intérêt d'un traitement et aussi celle qui permet les décisions thérapeutiques les plus réservées (1). Le NST (Number Needed to Treat NNT en anglais) est le nombre de personnes à traiter pendant une période déterminée (celle de l’étude) pour guérir ou pour prévenir un cas supplémentaire de la pathologie considérée. Ce NST est calculé à partir de la RAR (Réduction Absolue de Risque) avec la formule classique : NST = (1/RAR) x 100 ou avec d’autres formules équivalentes : 100/RAR (exprimée en pour cent) ou 1/RAR (exprimée par rapport à l’unité).

 

Exemple 
Dans l'étude 4S (2), la RAR de survenue de décès est de 4% ; le NST = (1/4) x 100 (ou 100/4 ou 1/0,04) = 25, ce qui signifie qu'il faut soigner, pendant 5,4 ans, 25 personnes en prévention secondaire (angor) ou tertiaire (post infarctus du myocarde) avec hypercholestérolémie malgré un régime pauvre en graisses, avec de la simvastatine pour éviter 1 décès supplémentaire chez ce type de personne. Le Risque Relatif (RR) est de 0,70 et la Réduction Relative de Risque (RRR) de 30%.

Plusieurs pièges doivent être évités lors de l’analyse d’un NST dans une étude. Le premier est celui d’un NST basé sur le nombre d’événements survenus plutôt que sur le nombre de patients présentant au moins un événement repris dans le critère de jugement (primaire). En effet, le fait de sommer tous les événements survenus ne permet pas d’évaluer le nombre de patients bénéficiant réellement du traitement : quelques patients auront une (forte) réduction du nombre d’événements aigus sur maladie chronique mais beaucoup d’autres ne verront aucun changement. En comptabilisant les événements et non les patients avec au moins un événement, la présentation d’un NST sur ce critère donne une image erronée du service rendu aux patients (3).

Exemple 
Dans l’étude UPLIFT (4), un traitement de la BPCO par tiotropium durant 4 ans montre une diminution du nombre d’exacerbations (critère secondaire avec absence de différence pour le critère primaire). Une hypothétique réduction absolue de risque entre les deux groupes (tiotropium versus placebo) peut être estimée à 12% soit un NST de 8 environ. La comparaison du nombre de patients présentant des exacerbations (total ou ceux devant être hospitalisés) ne montre pas de différence statistique.

 

D’autres pièges sont à éviter dans l’interprétation d’un NST (1) et surtout dans les comparaisons entre NST de différentes études. Il faut d’abord bien comprendre qu’un NST n’est spécifique que d’une comparaison entre 2 options de traitement dans le cadre d’une étude particulière et ne peut être transformé en un chiffre valable pour toute comparaison entre ces traitements. Ensuite, le NST varie inversement avec le risque initial des patients inclus dans l’étude et ce risque peut (fort) varier d’une étude à l’autre. Il est également plus important si des co-interventions réduisent la fréquence de survenue du critère de jugement. Comme les co-interventions sont plus fréquentes dans les études récentes que dans des études plus anciennes, la comparaison de NST est faussée. Une comparaison entre un NST pour une étude sur 2 ans et un NST pour une étude sur 5 ans peut difficilement être faite, les extrapolations étant hasardeuses. Il reste aussi à intégrer, pour un même traitement des NST différents pour plusieurs critères (événement coronarien et AVC pour un traitement antihypertenseur par exemple) avec les Nombres Nécessaires pour Nuire (NNN) de ce traitement pour pouvoir tirer des conclusions cliniques. Une belle illustration en est donnée dans une méta-analyse concernant la rhinosinusite (5).

Des NST issus de différentes études ne pourraient être valablement comparés que s’ils évaluent les mêmes traitements, avec les mêmes comparateurs, sur le même critère, dans des populations au même stade de la pathologie et suivies pendant la même durée (1). Suivant le risque initial des patients inclus dans l’étude (moins à risque parce que plus jeunes, en meilleure santé avec meilleur pronostic de survie ou avec moins de comorbidités que dans la pratique), le NST n’est pas extrapolable comme tel dans la pratique.

Pour mieux personnaliser le bénéfice potentiel d'un traitement pour un individu donné, Sackett (6) propose le NNT/F, le facteur F étant le quotient de risque du patient considéré par rapport à celui des sujets du groupe témoin de l'étude thérapeutique.

Exemple 
Par rapport aux sujets du groupe témoin de l'étude WOSCOPS (7), le patient belge qui nous consulte possède un risque d’événement coronarien plus bas que dans l'ouest de l'Ecosse. Si nous estimons que le risque de ce patient est moindre (3/4 ?) que celui de la population témoin (toute la difficulté est dans cette estimation !) le NNT/F sera de 42/0,75 = 56, ce qui signifie qu'il faudrait soigner 56 patients comme celui qui nous consulte pour éviter 1 événement coronarien sur les 5 ans de traitement par pravastatine. Il s’agit, cependant, d’une estimation fort aléatoire qui ne peut remplacer une preuve provenant d’une étude.

Le Nombre de Sujets à Traiter (NST) donné dans une méta-analyse doit être considéré avec précaution (8,9), principalement en raison des différences entre les études (entre autres pour le risque de base) et également parce qu’il faut, dans l’interprétation des données d’une méta-analyse pour un individu donné, tenir compte de son propre risque initial.

Si le NST est une présentation fort utile des résultats d’une étude ou d’une méta-analyse, son interprétation doit tenir compte de nombreux éléments et rester toujours critique.

 

Références

  1. McAlister FA. The “number needed to treat” turns 20 – and continues to be used and misused. CMAJ 2008;179:549-53.
  2. Scandinavian Simvastatin Survival Study Group. Randomised trial of cholesterol lowering in 4444 patients with coronary heart disease: the Scandinavian Simvastatin Survival Study (4S). Lancet1994;344:1383-9.
  3. Aaron SD, Fergusson DA. Exaggeration of treatment benefits using the “event-based” number needed to treat. CMAJ 2008;179:669-71.
  4. Tashkin DP, Celli B, Senn S, et al; UPLIFT Study Investigators. A 4-year trial of tiotropium in chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2008;359:1543-54.
  5. Young J, De Sutter A, Merenstein D, et al. Antibiotics for adults with clinically diagnosed acute rhinosinusitis: a meta-analysis of individual patient data. Lancet 2008;371:908-14.
  6. Sackett DL, Straus SE, Richardson WS, et al. Evidence-Based Medicine - How to Practice and Teach EBM. New York: Churchill Livingstone, 1997, 250 pp.
  7. Shepherd J, Cobbe SM, Ford I, et al. Prevention of coronary heart disease with pravastatin in men with hypercholesterolemia. N Engl J Med 1995;16:1301-6.
  8. Smeeth L, Haines A, Ebrahim S. Numbers needed to treat derived from meta-analyses – sometimes informative, usually misleading. BMJ 1999;318:1548-51.
  9. Marx A. Bucher HC. Numbers needed to treat derived from meta-analysis: a word of caution. ACP J Club 2003;138:A11-2.
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