Revue d'Evidence-Based Medicine



Equivalence clinique des génériques - Personne à convaincre



Minerva 2009 Volume 8 Numéro 5 Page 53 - 53

Professions de santé


 

 

Génériques : moindre coût et meilleure observance

Nous avons rappelé il y a quelques mois dans les colonnes de Minerva  que le coût plus élevé des médicaments peut avoir un impact négatif sur la santé des patients en contraignant des personnes aux ressources limitées à devoir faire un choix entre l’achat de tous ou d’une partie de ces médicaments et d’autres nécessités comme la nourriture ou l’habillement (1). Les médicaments génériques, grâce à leur moindre coût, peuvent, dans ce cadre, avoir un effet favorable. Ils peuvent également en avoir un, indirect, au niveau de l’observance thérapeutique, comme l’a montré une enquête nord-américaine sur 7 532 nouvelles prescriptions dans le cadre de « 3-tier pharmacy benefit structure » (plan pharmaceutique à 3 niveaux) (2). Les bénéficiaires d’un tel programme ont une contribution financière élevée pour les spécialités médicamenteuses originales « non préférées », plus faible pour les spécialités originales « préférées » (listes établies en fonction du prix), encore plus faible pour les médicaments génériques. L’enquête a porté sur les classes de médicaments les plus souvent prescrits (médicaments pour lesquels une alternative générique existe) et utilisés de manière chronique (statines, IEC, contraceptifs oraux par exemple). En corrigeant pour les caractéristiques sociodémographiques des participants et pour les différentes classes thérapeutiques, cette enquête montre que la prescription de génériques ou de spécialités originales « préférées » améliore, versus spécialités originales « non préférées » l’observance thérapeutique. Ces données nord-américaines ne sont pas totalement transposables dans la réalité belge, au vu des différences dans l’organisation et le remboursement des soins mais elles ont une valeur indicative utile.

 

Génériques : bioéquivalence et différences

En Belgique, comme dans les autres pays, l’intitulé « médicament générique » a été légalement bien défini. Il doit s’agir d’un médicament qui, par rapport à la spécialité originale, contient le même principe actif, la même concentration par unité, la même forme galénique, la même voie d’administration, la même disponibilité biologique et est au moins 30% moins cher. La disponibilité biologique est la vitesse et l’intensité d’absorption qui déterminent la disponibilité au site d’action. La disponibilité biologique d’un générique doit être située entre 80 et 125% des valeurs pour le médicament original. Ces données doivent être situées dans un intervalle autour de la moyenne située entre 80 et 125%. En cas d’équivalence de disponibilité biologique de deux spécialités contenant la même quantité du même principe actif, le terme de « bioéquivalence » est utilisé. Pour les médicaments à marge thérapeutique étroite (dose toxique proche de la dose efficace), l’intervalle de bioéquivalence mentionné plus haut doit encore être plus étroit. Toutes ces données sont rigoureusement contrôlées lors de l’enregistrement du générique. Certaines autres caractéristiques peuvent être différentes : la couleur, la forme, les substances non actives incluses, le processus de fabrication. Le contrôle des colorants ou conservateurs inclus doit rester de mise, certainement chez les (rares) patients ayant des antécédents d’allergie. Pour le praticien, passer d’une spécialité originale à un générique ou d’un générique à un autre nécessite de prendre ces éléments et d’autres en considération (3). 

 

Génériques : équivalence clinique

En principe, si deux spécialités sont bioéquivalentes, elles devraient avoir le même effet clinique. Néanmoins, certains se posent la question de savoir dans quelle mesure cette équation se confirme, en d’autres mots la bioéquivalence montrée correspond-elle à une équivalence clinique ? Kesselheim et coll. (4) se sont penchés sur cette question dans une méta-analyse évaluant des médicaments utilisés dans le domaine cardiovasculaire. Ils ont systématiquement recherché les études comparant médicaments génériques et spécialités originales et donnant des résultats en termes d’efficacité et de sécurité. Ils ont ainsi localisé 47 articles (dont 81% de RCTs) couvrant 9 sous-classes de médicaments cardiovasculaires. Une équivalence clinique entre génériques et spécialités originales est observée pour les bêta-bloquants, diurétiques, inhibiteurs calciques (avec des différences, de pertinence clinique limitée, p ex espace PR à l’ECG), antiagrégants plaquettaires, statines, IEC, alpha-bloquants. Les résultats cliniques confirment donc les données pharmacocinétiques. En considérant l’ampleur d’effet moyenne pour toutes les comparaisons, ils observent une absence de supériorité clinique pour les spécialités originales versus génériques.

 

Génériques : résistance éditoriale

Kesselheim et coll. font aussi une comparaison entre les conclusions basées sur les résultats sus-mentionnés et les éditoriaux concernant les médicaments génériques. Sur 43 éditoriaux trouvés, 53% expriment une opinion négative quant au choix préférentiel d’un générique. Ils ne livrent aucune hypothèse d’explication pour cette discordance entre preuves et opinions. Comme ces auteurs, nous invitons les prescripteurs à reconsidérer ce choix entre spécialité originale et générique à la lumière des études cliniques réalisées, en bonne démarche EBM. L’information du patient concerné est un autre moment essentiel pour ne pas entraîner confusion ou méfiance, ce qui nuirait à l’observance qui, selon enquête, est meilleure avec des génériques ou autres médicaments moins chers pour le patient.

 

Références

  1. Bogaert M, Chevalier P. Conscience du prix des médicaments [Editorial]. MinervaF2008;7(4):49.
  2. Shrank WH, Hoang T, Ettner SL, et al. The implications of choice: prescribing generic or preferred pharmaceuticals improves medication adherence for chronic conditions. Arch Intern Med 2006;166:332-7.
  3. Passer d’une spécialité à une autre: quelques commentaires. Folia Pharmacotherapeutica 2006;33:15.
  4. Kesselheim AS, Misono AS, Lee JL, et al. Clinical equivalence of generic and brand-name drugs used in cardiovascular disease: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2008;300:2514-26.
Equivalence clinique des génériques - Personne à convaincre

Auteurs

Bogaert M.
emeritus hoogleraar Farmacotherapie, UGent
COI :

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

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