Revue d'Evidence-Based Medicine



Efficacité, utilité, utilité relative et efficience



Minerva 2011 Volume 10 Numéro 3 Page 38 - 38

Professions de santé


 

Formation médicale continue ~ Concepts et outils en EBM

La rédaction consacre une rubrique ‘Formation médicale continue’ (FMC) à l’explicitation de concepts et outils en Evidence-Based Medicine (EBM).

 

Efficacité d’un traitement (médicamenteux)

L’efficacité d’un traitement, par exemple médicamenteux, doit être évaluée dans le cadre d’études de méthodologie correcte, une étude randomisée contrôlée (RCT) en étant l’exemple idéal (prospective, en groupes parallèles), de préférence en double aveugle et multicentrique, avec analyse des résultats en intention de traiter. Il s’agit bien d’une efficacité potentielle (elle n’est jamais de 100%), dans une population sélectionnée, dans un contexte expérimental avec contrôle du risque de biais concernant le patient et l’expérimentateur. Les critères de sélection des patients (critères d’inclusion comme d’exclusion) doivent être bien précisés. S’ils sont fort sévères, l’homogénéité de la population incluse est mieux garantie mais, a contrario, l’extrapolabilité des résultats de l’étude à une population moins caractérisée que celle de l’étude peut devenir difficile voire impossible. Le bénéfice potentiel du médicament évalué doit être lu de manière relative (risque relatif RR dépendant du risque de base) mais aussi de manière absolue (réduction absolue de risque RAR) pour des critères dichotomiques, notion plus pertinente au point de vue clinique, à la fois au niveau de la santé publique et au niveau individuel (1) en terme de probabilité de bénéfice attendu. Ce bénéfice en valeur absolue doit aussi être ensuite interprété en fonction du risque de base dans la population qui sera traitée, si ce risque est différent de celui de la population d’étude.

Exemple

Dans l’étude WOSCOPS (2), le RR d’événement coronarien majeur est de 0,055/0,079 soit 0,69. Les patients non traités par pravastatine ont donc 1,4 fois plus de risque d’avoir un événement coronarien. La RAR est de 0,079 – 0,055 soit de 0,024, soit 2,4% d’événements coronariens majeurs en moins dans le groupe traité par pravastatine en chiffres absolus, soit un NST de 42. Le risque pour un patient méditerranéen est moindre que pour un patient écossais (avec les mêmes valeurs de cholestérol). Il faudrait donc traiter plus de patients méditerranéens avec la pravastatine (le double ?) pour éviter un événement coronarien chez l’un d’entre eux.

 

Efficacité pratique, clinique ou utilité

L’efficacité (potentielle) d’un médicament estimée dans une étude ne sera pas nécessairement identique dans la pratique courante. Plusieurs éléments autres que l’efficacité pharmacologique du médicament entrent en ligne de compte (3) : la disponibilité et l’accessibilité du médicament pour son public cible, l’identification précise de ce public cible, la recommandation de ce traitement, l’acceptation et l’adhérence du patient à ce traitement. La présence dans la population traitée, dans la pratique, de comorbidités voire de critères d’exclusion des patients évalués dans le cadre de l’étude peut modifier fortement le bénéfice du médicament.

Exemple

L’étude RALES montrait l’intérêt de l’ajout de spironolactone à un traitement de l’insuffisance cardiaque (4). Une large utilisation pour une population ne correspondant pas strictement aux patients inclus dans l’étude plus des interactions avec d’autres médicaments a contribué à augmenter les incidents et les décès chez des patients en insuffisance cardiaque dans les années qui ont suivi cette publication d’étude (5,6).

 

Efficacité comparative

En 2009, le Congrès américain a alloué un budget très important (plus d’un milliard $) pour des études comparatives des bénéfices et inconvénients d’interventions (prévention, diagnostic, traitement (7)) en soins de santé dans le but de permettre à tous les consommateurs, cliniciens, financeurs et décideurs de prendre des décisions éclairées pour l’amélioration des soins à un niveau tant individuel que sociétal (8). Ces études devaient porter sur la réalité de l’utilisation des traitements en les comparant entre eux et/ou à une attitude de temporisation (watchful waiting). Les éditeurs de revues médicales se posent encore des questions sur les critères méthodologiques à imposer à de telles études si elles sont de type observationnel ou quasi-expérimental (3,9). Elles rejoignent les évaluations d’efficience.

 

Efficience

L’efficience d’un traitement ou d’une intervention se réfère à l’efficacité atteinte par rapport aux moyens nécessaires (en argent, temps et personnes). Il est important aussi de connaître l’efficience relative d’un traitement par rapport à un autre (ou à l’absence de traitement) pour une même affection. C’est l’objectif principal des Conférences de Consensus organisées par l’INAMI. Cette efficience relative peut aussi être exprimée par un coût supplémentaire d’une intervention par rapport au bénéfice qu’elle peut apporter versus un autre traitement.

Exemple

Une récente évaluation de type Health Technology Assessment (HTA) au R.-U.(10) évalue le coût incrémentiel des analogues insuliniques à longue durée d’action versus insuline NPH par rapport au gain en années en bonne santé (QALY Quality Adjusted Life Years). L’ICER (Incremental Cost-Effectiveness Ratio) de la glargine est de 318 000 à 364 000 euro par QALY et pour la détémir de 213 000 à 468 000 euro.

 

Références

  1. Cucherat M. Comparaison des différents indices. Bénéfice relatif – bénéfice absolu. (consulté le 27 novembre 2010).
  2. Influence of pravastatin and plasma lipids on clinical events in the West of Scotland Coronary Prevention Study (WOSCOPS). Circulation 1998;97:1440-5.
  3. El-Serag HB, Talwalkar J, Ray Kim W. Efficacy, effectiveness, and comparative effectiveness in liver disease. Hepatology 2010;52:403-7.
  4. Pitt B, Zannad F, Remme WJ, et al. The effect of spironolactone on morbidity and mortality in patients with severe heart failure. N Engl J Med 1999;341:709-17.
  5. Bozkurt B, Agoston I, Knowlton AA. Complications of inappropriate use of spironolactone in heart failure: when an old medicine spirals out of new guidelines. J Am Coll Cardiol 2003;41:211-4.
  6. Lemiengre M. La lecture de Minerva nuisible à la santé publique ? MinervaF 2005;4(6):83.
  7. Congressional Budget Office. Research on the comparative effectiveness of medical treatments: issues and options for an expanded federal role. December 2007. The Congres of the United States.
  8. Sox HC, Helfand M, Grimshaw J, et al. Comparative effectiveness research: challenges for medical journals. PLoS Medicine 2010;7:e1000269.
  9. Weinstein MC, Skinner JA. Comparative effectiveness and health care spending – implications for reform. N Engl J Med 2010;362:460-5.
  10. Waugh N, Cummins E, Royle P, et al. Newer agents for blood glucose control in type 2 diabetes: systematic review and economic evaluation. Health Technology Assessment 2010; vol. 14; No 36.
Efficacité, utilité, utilité relative et efficience

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
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