Revue d'Evidence-Based Medicine



Un régime riche en fibres prévient-il la maladie diverticulaire?



Minerva 2003 Volume 2 Numéro 7 Page 121 - 122

Professions de santé


Analyse de
Aldoori W, Ryan-Harshman M. Preventing diverticular disease. Review of recent evidence on high-fibre diets. Can Fam Physician 2002;48:1632-7.


Conclusion
Cette synthèse méthodique n’apporte pas de preuve de l’intérêt d’une alimentation riche en fibres insolubles dans la prévention de la maladie diverticulaire. À l’heure actuelle, il n’existe pas, dans ce domaine, d’arguments suffisants pour un conseil diététique pour l’ensemble de la population, en pratique quotidienne.


 

Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.

 

Résumé

Les auteurs désirent faire le point sur le rôle des facteurs alimentaires et des habitudes de vie dans l’étiologie de la maladie diverticulaire (MD) ainsi que sur le rôle d’une intervention diététique, et plus particulièrement celui des fibres, pour diminuer le risque de développer cette pathologie. Pour ce faire, ils réalisent une revue de données récentes à partir d’une recherche effectuée dans le Medline entre janvier 1996 et décembre 2001. Les mots clés sont : diverticular disease, diverticulosis, diet, fibre, physical activity, and meat. La pertinence des études ainsi relevées est faible : la plupart des études se centrent sur le traitement de la maladie diverticulaire symptomatique ou sont des études castémoin (preuve de niveau II selon les auteurs). Seule une large étude prospective (preuve de niveau I selon les auteurs) réalisée aux EU auprès de 51.529 professionnels de la santé, masculins, âgés de 40 à 75 ans examine le régime de base avant le diagnostic initial de MD 1 . Selon les auteurs, les données recueillies suggèrent que les fibres insolubles que l’on retrouve dans les fruits et les légumes plutôt que dans les céréales réduisent le risque de MD. La viande rouge augmenterait le risque de MD. L’alcool (comparaison entre une consommation > 30 g/j et une abstinence totale), le tabac et la caféine ne semblent pas avoir d’influence. Des exercices physiques intenses protégeraient contre le risque de MD. Les auteurs concluent que les facteurs alimentaires et les habitudes de vie sont régulièrement impliqués dans le développement de maladies digestives, que ceci s’avère particulièrement vrai pour la MD et qu’un régime à forte teneur en fibres provenant principalement des fruits et des légumes, ainsi qu’à faible teneur en graisses totales et en viande rouge, de même qu’un mode de vie comportant plus d’activité physique, pourrait aider à prévenir la MD.

 

Discussion

Au point de vue méthodologie

Il s’agit d’une revue systématique de la littérature à partir de Medline. Les mots clés sont bien décrits ainsi que la période de recherche. Malheureusement, le nombre d’articles sélectionnés, rejetés et inclus est inconnu. Nous regrettons que les auteurs n’aient pas suffisamment défini les termes employés. La MD est symptomatique ; les patients présentent généralement une douleur abdominale et/ou une modification des selles. La MD peut-être compliquée par un abcès, une fistule, une perforation, une obstruction ou une hémorragie. Une diverticulite aiguë est définie par l’inflammation d’un diverticule. Le patient présente des symptômes généraux (fièvre, tachycardie) associés ou non à des symptômes locaux (douleur localisée habituellement en fosse iliaque gauche parfois accompagnée d’une masse perçue à l’examen de l’abdomen ou au toucher rectal). Une diverticulose est définie par la présence de diverticules asymptomatiques au niveau du côlon 2,4 .

La question clinique est pertinente pour le praticien de médecine générale. En effet, la diverticulose est une pathologie commune en Occident. Bien que sa prévalence exacte ne soit pas connue, on estime qu’elle atteint 10 % de la population âgée de moins de 40 ans et jusqu’à plus de 50 % de la population âgée de plus de 85 ans 2,3 . Au total, la MD touche 10 à 25 % de la population occidentale 3 . Aldoori se révèle être un praticien particulièrement intéressé par la MD. Il a régulièrement publié des articles relatifs à cette pathologie recherchant les relations existant entre la MD, les facteurs alimentaires, les habitudes de vie et la pratique sportive. La prévention de la maladie diverticulaire est un domaine où peu d’études ont été réalisées. Aucune RCT n’est disponible. Tous les résultats sont basés sur une seule étude de cohorte prospective, l’étude HPFS 5 . Le suivi y est de 48 mois. Dans le domaine de la prévention, une étude de cohorte est considérée comme une preuve de niveau II-2 6 . Les auteurs s’appuient malheureusement sur beaucoup d’études castémoins (preuve de niveau II-3), dont les défauts méthodologiques sont bien connus.

Fiabilité des résultats

Le tableau donne les résultats utilisés par les auteurs. Il faut noter que tous les résultats significatifs proviennent d’articles publiés par le premier auteur, ce qui doit conduire à une interprétation prudente. À la lecture de ce tableau, la viande rouge n’est pas un facteur de risque pour le développement de la MD. De même, la pratique du jogging ou de la course à pied ne protège pas contre la maladie. Mais des études castémoins tendraient à prouver le contraire et les auteurs y font référence pour justifier leurs conclusions. De plus, on peut regretter de ne pas disposer de tous ces chiffres dans l’article analysé, les auteurs préférant désigner les facteurs étudiés comme étant « à haut risque » ou comme étant « sans influence ».

 

Tableau : facteurs de risque de survenue d’une maladie diverticulaire.

 
 

OR

95 % IC

p

Facteurs alimentaires

     

Fibres de fruits 1

0,62

0,45 – 0,86

?

Fibres de légumes 1

0,55

0,37 – 0,84

?

Fibres insolubles 1

0,55

0,39 – 0,78

0,001

Fibre de céréales 1

?

?

?

Viande rouge

1,48

1,00 – 2,19

0,24

       

Habitudes de vie

     

Alcool 8

1,36

0,94 – 1,97

0,37

Tabac 8

1,25

0,75 – 2,09

?

Jogging et course à pied 9

0,52

0,27 – 1,00

0,03

 

Les auteurs développent beaucoup la partie théorique relative aux fibres, ce qui serait normal dans un article de synthèse. Dans un article de recherche, ce sont les résultats qui sont prioritairement analysés. Nous regrettons que l’article fasse quelque peu un amalgame entre les deux.

La conclusion des auteurs implique pour les praticiens de promouvoir un régime alimentaire et une modification de certaines habitudes de vie auprès d’une population non ciblée. Ils ne font aucune référence quant à la pertinence d’une telle pratique. L’U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) concluait récemment qu’il n’y a pas d’évidence suffisante actuelle pour étayer une recommandation pour ou contre la promotion d’un régime sain dans une population non sélectionnée en pratique de première ligne. Par contre, un avis diététique adéquat est efficace en cas de risque cardiovasculaire 7 . Il en est de même concernant l’activité physique.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique n’apporte pas de preuve de l’intérêt d’une alimentation riche en fibres insolubles dans la prévention de la maladie diverticulaire. À l’heure actuelle, il n’existe pas, dans ce domaine, d’arguments suffisants pour un conseil diététique pour l’ensemble de la population, en pratique quotidienne.

 

Conflits d’intérêt/financements

Aucun financement n’est mentionné. Il n’y a pas de conflit d’intérêt déclaré.

 

Références

  1. Aldoori WH, Giovannucci EL, Rockett HRH, A Prospective Study of Dietary Fiber Types and Symptomatic Diverticular Disease in Men. J Nutr 1998;128:714-9.
  2. Simpson J, Spiller R. Colonic diverticular disease. Clin Evid 2002;8:436-44.
  3. Kohler L, Sauerland S, Neugebauer E. Diagnosis and treatment of diverticular disease : results of a consensus development conference. The Scientific Committee of the European Association for Endoscopic Surgery. Surg Endosc 1999;13:430-6.
  4. Almy TP, Howell DA. Medical progress. Diverticular disease of the colon. N Engl J Med 1980;302:324-31.http://www.hsph.harvard.edu/hpfs/
  5. Canadian Task Force Methodology. http://www.ctfphc.org
  6. USPSTF. Counseling Healthy diet. Update, 2003 Release. http://www.ahrq.gov/clinic/uspstf/uspsdiet.htm
  7. Aldoori WH, Giovanucci EL, Rimm EB, et al. A prospective study of alcohol, smoking, caffeine, and the risk of symptomatic diverticular disease in men. Ann Epidemiol 1995;5 :221-8.
  8. Aldoori WH, Giovanucci EL, Rimm EB, et al. Prospective study of physical activity and the risk of symptomatic diverticular disease in men. Gut 1995;36:276-82.
Un régime riche en fibres prévient-il la maladie diverticulaire?

Auteurs

De Jonghe M.
médecin généraliste, Centre Académique de Médecine Générale, UCLouvain
COI :

Roland M.
Centre Universitaire de Médecine Générale, Université Libre de Bruxelles
COI :

Glossaire

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