Analyse


Warfarine et FA : traitement anticoagulant préventif bénéfique à risque contrôlé ?


28 03 2012

Professions de santé

Analyse de
Fang MC, Go AS, Chang Y, et al. A new risk scheme to predict warfarin-associated hemorrhage: The ATRIA (Anticoagulation and Risk Factors in Atrial Fibrillation) Study. J Am Coll Cardiol 2011;58:395-401.


Conclusion
Les tests évaluant le risque de saignement sous warfarine en prévention des complications de fibrillation auriculaire ont une valeur indicative qui doit être mieux validée. La première démarche doit rester la détermination du score CHADS2 (ou CHA2DS2VASc) ; ensuite, la détermination d’un score de risque de saignement peut mieux orienter la rigueur de la surveillance soit la contre-indication d’un traitement anticoagulant, en concertation avec le patient.



 

 

Une des barrières pour l’instauration d’un traitement anticoagulant en cas de fibrillation auriculaire (FA) est la crainte d’une hémorragie. Nous avons déjà mentionné dans la revue Minerva, l’intérêt du score HAS-BLED (1-3) : Hypertension (1 point), Anomalie de la fonction rénale ou hépatique (1 point pour chacune), Stroke (AVC, 1 point), Bleeding (saignement, 1 point), Labilité INR (1 point), Elévation de l’âge (> 65 ans, 1 point), Drugs/alcool (1 point chacun). Un score ≥ 3 indique un risque élevé de saignement.

D’autres scores ont été élaborés pour quantifier le risque de saignement sous warfarine. Fang et coll. (4) en font une synthèse pour pouvoir y comparer un nouveau test qu’ils proposent. Le score HAS-BLED n’est pas mentionné. Ils procèdent en 2 temps : validation des événements hémorragiques dans une population de 21 923 années-patients avec identification de 5 variables déterminantes : anémie (3 points), insuffisance rénale sévère (3 points), âge ≥ 75 ans (2 points), diagnostic d’une précédente hémorragie (1 point), diagnostic d’hypertension (1 point). Ils ont ensuite testé la performance de ce score dans une population de 10 965 années-patients, montrant une bonne valeur discriminante (index c de 0,74 ; IC à 95% de 0,70 à 0,78). Pour un score bas (0 à 3 points) : fréquence d’hémorragie < 1% par an. Pour un score élevé (5 à 10 points), risque > 5% par an. Les auteurs estiment que leur score est plus performant que les autres, ce qui semble correct selon les calculs présentés. Les auteurs reconnaissent que ce score doit être validé dans d’autres populations, comme le score HAS-BLED lui aussi bâti sur une seule cohorte de 3 978 sujets européens en FA inclus dans l’EuroHeart Survey. Dans l’état actuel de nos connaissances, ces scores ne peuvent pas représenter, au vu du bénéfice d’un traitement anticoagulant en cas d’indication bien posée, une base d’interdiction d’un traitement anticoagulant mais uniquement un signal de la nécessité d’une vigilance particulière.

Le risque d’hémorragie mais également le risque de thromboembolie sont liés au monitoring et au strict maintien de l’INR dans la zone-cible (5,6).

Dans les études avec les NAO (Nouveaux anticoagulants Oraux, rivaroxaban, dabigatran et apixaban actuellement) en cas de FA, les pourcentages de temps pendant lesquels les patients étaient dans les valeurs-cibles (2 à 3) d’INR sous warfarine étaient respectivement de 55%, 64% et 62%.

Claes (7) a montré, en pratique de médecine générale en Belgique, chez 395 patients en FA, moyenne d’âge de 74 ans ± 9,6, 3 111 mesures d’INR, 53% des mesures dans la cible INR 2 à 3, 69% avec un écart maximal de 0,75 unité INR versus une cible de 2,5 (donc 1,75 à 3,25).

Wieloch et coll (8) rapportent les résultats de 18 391 patients suédois suivis dans 67 centres différents, patients âgés en moyenne de 70 (ET 12) ans et recevant un traitement de warfarine pour FA (64%), TEV (19%) ou dysfonction valvulaire cardiaque (13%). Pour l’ensemble des patients, la proportion des mesures dans les valeurs cibles est de 76,2%, soit un résultat dans la pratique meilleur que celui observé dans des études. La fréquence des hémorragies majeures est de 2,6% par année de traitement (2,6% sous FA) et 1,7% de thromboembolie artérielle ou veineuse (1,4% en cas de FA). La fréquence des hémorragies majeures en cas de FA est inférieure à celle observée sous warfarine dans les études sur les nouveaux anticoagulants oraux (NAO) et aussi versus les fréquences sous NAO. Ces comparaisons sont indirectes, sur des populations à risque de saignement jamais précisé (pas de HAS-BLED par exemple).

L’éditorial de Del Zoppo (9) qui accompagnait la parution de l’étude ROCKETT FA soulignait bien que la comparaison entre warfarine et NAO dépend de la facilité de traiter un patient avec la warfarine. Ces différentes études sur le terrain montrent que la gestion d’un traitement avec la warfarine, entre autres en cas de FA, est souvent meilleure que dans les études avec les NAO… qui ne montrent en majorité qu’une non infériorité de ceux-ci versus warfarine tant au niveau efficacité que sécurité. Affaiblir un comparateur par rapport à la réalité quotidienne pour montrer qu’un nouveau traitement lui est non inférieur ne permet pas au praticien de se forger une idée correcte d’un nouveau traitement.

 

Conclusion

Les tests évaluant le risque de saignement sous warfarine en prévention des complications de fibrillation auriculaire ont une valeur indicative qui doit être mieux validée. La première démarche doit rester la détermination du score CHADS2 (ou CHA2DS2VASc) ; ensuite, la détermination d’un score de risque de saignement peut mieux orienter la rigueur de la surveillance soit la contre-indication d’un traitement anticoagulant, en concertation avec le patient.

 

 

Références

  1. Chevalier P. FA : apixaban versus aspirine en prévention des thromboembolies. MinervaF 2011;10(5):54-5.
  2. Chevalier P. FA et nouveaux anticoagulants oraux : l’apixaban. Minerva online 28/10/2011.
  3. Chevalier P. FA et nouvel anticoagulant oral : le rivaroxaban utile ? MinervaF 2011;10(9):106-7.
  4. Fang MC, Go AS, Chang Y, et al. A new risk scheme to predict warfarin-associated hemorrhage. The ATRIA (Anticoagulation and Risk Factors in Atrial Fibrillation) Study. J Am Coll Cardiol 2011;58:395-401.
  5. Wan Y, Heneghan C, Perera R, et al. Anticoagulation control and prediction of adverse events in patients with atrial fibrillation: a systematic review. Circ Cardiovasc Qual Outcomes 2008;1(2):84-91.
  6. Connolly SJ, Pogue J, Eikelboom J, et al; ACTIVE W Investigators. Benefit of oral anticoagulant over antiplatelet therapy in atrial fibrillation depends on the quality of international normalized ratio control achieved by centers and countries as measured by time in therapeutic range. Circulation 2008;118:2029-37.
  7. Claes N. Quality of oral anticoagulation in patients with atrial fibrillation: A cross-sectional study in general practice. Eur J Gen Pract 2006;12:163-8.
  8. Wieloch M, Själander A, Frykman V, et al. Anticoagulation control in Sweden: reports of time in therapeutic range, major bleeding, and thrombo-embolic complications from the national quality registry AuriculA. Eur Heart J 2011;32:2282-9.
  9. Del Zoppo GJ, Eliasziw M. New options in anticoagulation for atrial fibrillation. N Engl J Med 2011;365:952-3.
Warfarine et FA : traitement anticoagulant préventif bénéfique à risque contrôlé ?

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

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